LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 25-83.267 F-D
N° 00941
RB5
4 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JUIN 2025
M. [J] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 25 avril 2025, qui a autorisé sa remise différée aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de Me Bardoul, avocat de M. [J] [K], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Un mandat d'arrêt européen a été émis le 14 mars 2025 à l'encontre de M. [J] [K], de nationalité française, par un juge d'instruction de Valence (Espagne), aux fins de poursuites pour des faits de trafic de stupéfiants en bande organisée.
3. M. [K] a été interpellé le 8 avril 2025. Placé sous écrou extraditionnel le 9 avril 2025, il n'a pas consenti à sa remise ni renoncé au principe de spécialité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches ainsi qu'en sa cinquième branche
4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de M. [K], constaté que la traduction assermentée du mandat d'arrêt européen est parvenue à la chambre de l'instruction au moment de l'audience, autorisé la remise de l'intéressé aux autorités judiciaires espagnoles et dit que la remise serait différée jusqu'à l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée le 19 décembre 2024 par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, alors :
« 4°/ que l'article 695-32 du code de procédure pénale, qui permet de subordonner la remise de la personne recherchée à la garantie qu'elle effectuera en France la peine qui sera éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour les faits objet du mandat, est applicable à une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites ; que par conséquent, lorsque la demande d'application de l'article susmentionné est faite devant la chambre de l'instruction qui doit statuer sur la remise, elle doit être examinée, même si l'intéressé est réclamé aux fins de poursuites pénales et non pour l'exécution d'une peine ; qu'en jugeant dès lors que la question posée est en l'état prématurée dans la mesure où M. [K] n'a à ce jour fait l'objet d'aucune condamnation définitive, qu'il est présumé innocent à ce stade de la procédure, que cette situation pourra être évoquée dès lors que l'intéressé sera éventuellement condamné, la chambre de l'instruction a violé les articles 591 et 695-32 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 695-32 du code de procédure pénale :
6. Aux termes de ce texte, lorsque la personne recherchée est de nationalité française ou réside régulièrement sur le territoire national de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans, l'exécution du mandat d'arrêt européen peut être subordonnée à la vérification qu'elle peut être renvoyée en France pour y effectuer la peine qui sera éventuellement prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission pour les faits faisant l'objet du mandat.
7. Pour écarter le moyen tiré de l'article 695-32 du code de procédure pénale et autoriser la remise de M. [K] aux autorités judiciaires espagnoles, l'arrêt attaqué énonce que la question posée est en l'état prématurée dans la mesure où il n'a à ce jour fait l'objet d'aucune condamnation définitive et est présumé innocent.
8. Les juges ajoutent que cette situation pourra être évoquée dès lors que l'intéressé sera éventuellement condamné.
9. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article précité sont applicables à la personne recherchée sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen délivré aux fins de poursuites, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.
10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 25 avril 2025, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt-cinq.