LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 4 juin 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 582 F-D
Pourvoi n° R 23-17.839
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [J] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 23-17.839 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Adyton Consulting, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Eiffage systèmes d'information, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations écrites de Me Balat, avocat de M.[V], de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de la société Adyton Consulting, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Eiffage systèmes d'information, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présentes Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, Mme Maitral ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2023), M. [V], engagé en qualité de chef de projet par la société Adyton Consulting par contrat à durée indéterminée dit « de chantier » pour une durée de vingt-quatre mois à compter du 3 juillet 2017, a été affecté à une mission au sein de la société Eiffage systèmes d'information.
2. Licencié pour faute grave par lettre du 4 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment de requalification du contrat de chantier en contrat à durée déterminée, de reconnaissance de l'existence d'une situation de coemploi entre les sociétés Adyton Consulting et Eiffage systèmes d'information et de paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du principe de la collégialité, alors « que si le magistrat chargé du rapport peut tenir seul l'audience, c'est à la condition que les avocats des parties ne s'y opposent pas ; qu'en l'espèce, les parties ayant reçu un ''avis de fixation en collégiale'' pour la date du 4 octobre 2022, à l'audience qui s'est tenue devant le seul magistrat chargé du rapport, le conseil de M. [V] s'en est étonné et a sans succès demandé un renvoi pour que l'affaire soit débattue en audience collégiale, la mention de
l'arrêt indiquant qu'''en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François de Chanville, président, chargé du rapport ''étant donc erronée, ce qui sera constaté au terme de l'incident d'inscription de faux que M. [V] entend engager à l'encontre de cette mention ; qu'en statuant donc à la suite d'une audience tenue devant le seul magistrat chargé du rapport quand il lui avait été demandé de le faire après tenue des débats en audience collégiale, comme le prévoyait l'avis de fixation du 23 juin 2021, la cour d'appel a violé l'article 805 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 457 du code de procédure civile, le jugement a la force probante d'un acte authentique. Il en résulte que la contestation des mentions concernées par cette force probante ne peut que revêtir la forme d'une inscription de faux.
6. L'arrêt mentionne qu'en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François de Chanville, président, chargé du rapport.
7. Ces énonciations ne peuvent donc être critiquées que par la voie d'une inscription de faux, en sorte qu'en l'absence d'élément établissant qu'une procédure en ce sens a été entamée, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un coemploi des sociétés Adyton Consulting et Eiffage systèmes d'information et à ce que ces deux sociétés soient condamnées solidairement à lui payer diverses sommes au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « que, hors état de subordination, une société a la qualité de co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre lorsqu'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que pour considérer que les éléments du dossier ne caractérisaient pas une situation de coemploi entre les sociétés
Adyton Consulting et Eiffage systèmes d'information, la cour d'appel a retenu que M. [V] échouait à démontrer l'existence d'un lien de subordination avec la société Eiffage systèmes d'information ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que M. [V], embauché par la société Adyton Consulting, était mis à disposition de la société Eiffage systèmes d'information à laquelle il devait rendre compte de son travail, ce qui caractérisait bien l'existence d'une situation de coemploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
10. Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
11. La cour d'appel a d'abord constaté que le salarié reconnaissait, contrairement à ce que soutient le moyen, que les deux sociétés n'appartenaient pas à un groupe.
12. Elle a ensuite relevé que si le salarié devait, lors de l'exécution de son contrat de travail, communiquer avec la société Eiffage systèmes d'information auprès de laquelle il avait été mis à disposition, cela ne caractérisait pas un lien de subordination, alors que précisément la société Adyton Consulting lui avait reproché, à l'appui de son licenciement, d'avoir ignoré son pouvoir de direction.
13. Elle a pu en déduire que l'intéressé échouait à démontrer l'existence d'un lien de subordination avec la société auprès de laquelle il avait été mis à disposition.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.