LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 4 juin 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 580 F-D
Pourvoi n° F 23-18.589
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [B] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-18.589 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Assurance mutuelle des motards, société d'assurance à forme mutuelle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Les Editions de la fédération française des motards en colère, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Les Editions de la fédération française des motards en colère, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [N] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Assurance mutuelle des motards.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), M. [N] a été engagé en qualité de rédacteur en chef de la revue Moto magazine à compter du 1er février 1984 par la société Les Editions de la fédération française des motards en colère (la société), dont le capital social est détenu à parts égales par la société d'assurance Mutuelle des motards (AMDM) et par la Fédération française des motards en colère (FFMC). Il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur des rédactions.
3. Par jugement du 30 novembre 2016, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société et, par ordonnance du 21 décembre 2016, le juge commissaire a autorisé l'administrateur judiciaire de la société à procéder au licenciement économique de treize salariés parmi lesquels figurait M. [N].
4. Licencié pour motif économique le 23 décembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour soutenir que la société Les Editions de la FFMC et la société d'assurance Mutuelle des motards avaient la qualité de co-employeur à son égard et contester le motif économique de son licenciement.
5. Par jugement du 7 décembre 2017, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel délaissées, M. [N] faisait valoir que la recherche de reclassement n'avait été ni sérieuse ni personnalisée dès lors que la société Les Editions de la FFMC s'était bornée à envoyer deux courriels le dimanche 4 décembre 2016 à 20 h 30, rédigés en des termes identiques et ne comportant aucune indication relative à son expérience et à sa qualification, ces emails ne listant que les postes dont la suppression était envisagée, et que la réponse négative de la FFMC était parvenue dès le 6 décembre à 3 h 20 du matin ; qu'en jugeant que la société Les Editions de la FFMC avait effectué une recherche loyale et sérieuse de reclassement au sein des deux autres entités du groupe, sans avoir répondu à ce moyen opérant, qui démontrait le contraire, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
8. Pour dire que la société avait effectué une recherche loyale et sérieuse de reclassement au sein des deux autres entités du groupe, l'arrêt retient que la société justifie avoir sollicité le 4 décembre 2016 la coordination nationale de la FFMC afin de connaître les différents postes disponibles au sein de cette association et avoir reçu le 6 décembre suivant une réponse négative s'agissant des fonctions occupées par le salarié ; que la FFMC a, le 17 décembre 2016, indiqué à l'employeur qu'elle ne disposait pas de postes à pourvoir correspondant à la liste transmise.
9. Il retient également que le fait que les compétences du salarié ne soient pas détaillées est sans incidence car parfaitement connues de la société d'assurance Mutuelle des motards avec laquelle il collaborait depuis plusieurs années pour la rédaction de sa publication et qu'aucune adaptation du poste n'était envisageable en raison de sa suppression.
10. En statuant ainsi, sans répondre au moyen opérant du salarié qui faisait valoir que la recherche de reclassement n'avait été ni sérieuse ni personnalisée dès lors que la société avait adressé aux sociétés du groupe auquel elle appartenait, deux courriels rédigés en des termes identiques se bornant à mentionner l'intitulé des postes supprimés sans comporter d'indications relatives à la nature du contrat de travail, au statut et au coefficient de classification des salariés concernés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui est subsidiaire, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes formées à l'encontre de la seule société Les Editions de la fédération française des motards en colère tendant à la condamnation de cette dernière à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au remboursement à Pôle emploi des indemnités versées au titre de l'assurance chômage et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Les Editions de la fédération française des motards en colère aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Editions de la fédération française des motards en colère et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.