LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-83.556 F-B
N° 00720
ECF
28 MAI 2025
ANNULATION PARTIELLE PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2025
M. [Z] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 14 mai 2024, qui, pour recel, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [Z] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2025, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 14 avril 2023, M. [Z] [C] a été condamné par le tribunal correctionnel, pour recel de détournements de fonds publics, à trois ans d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire et une confiscation.
3. L'intéressé et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le septième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé, à titre de peine complémentaire, la privation du droit d'éligibilité pour cinq ans et en a ordonné l'exécution provisoire, alors « que le juge pénal ne peut prononcer l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité sans avoir apprécié le caractère proportionné que cette mesure est susceptible de porter à l'exercice des mandats en cours et à la préservation de la liberté de l'électeur ; que l'arrêt attaqué, qui prononce l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité, ne comporte aucun motif ni sur l'atteinte portée aux mandats en cours du prévenu, maire d'une commune de plus de 150 000 habitants et président d'une métropole, ni sur la préservation de la liberté de l'électeur ; que l'exécution provisoire de la peine a ainsi été prononcée en violation des articles 131-10, 131-26-2 du code pénal, 471 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Déclaration des droits de 1789. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-10, 131-26, 2°, du code pénal, 471, alinéa 4, et 593 du code de procédure pénale et la décision du Conseil constitutionnel n° 2025-1129 QPC du 28 mars 2025 :
6. Il résulte des trois premiers textes que la peine d'inéligibilité peut être assortie de l'exécution provisoire.
7. Selon la décision précitée, lorsque le juge prononce une telle mesure, il lui revient, dans sa décision, d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle est susceptible de porter à l'exercice d'un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l'électeur.
8. Il résulte du dernier texte que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour assortir de l'exécution provisoire la peine d'inéligibilité prononcée à l'encontre du prévenu, l'arrêt attaqué indique que cette mesure est justifiée eu égard à la gravité des manquements qui portent profondément atteinte à l'image des fonctions électives, aux circonstances de l'infraction qui mettent en cause la capacité de l'intéressé à exercer un mandat public électif à court ou moyen terme et à la nécessité de prévenir le risque de renouvellement de l'infraction par une réponse rapide et efficiente.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si cette exécution provisoire portait une atteinte proportionnée à l'exercice d'un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l'électeur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
11. L'annulation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de l'annulation
12. L'annulation sera limitée aux dispositions ayant assorti de l'exécution provisoire la peine d'inéligibilité de cinq ans prononcée à l'encontre de M. [C].
13. Compte tenu de ce que la présente décision rend définitive la condamnation à la peine d'inéligibilité, l'annulation pourra avoir lieu sans renvoi par retranchement de cette seule disposition.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 mai 2024, en ses seules dispositions ayant assorti de l'exécution provisoire la peine d'inéligibilité de cinq ans prononcée à l'encontre de M. [C], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt-cinq.