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28/05/2025 | FRANCE | N°42500298

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 mai 2025, 42500298


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


JB






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 28 mai 2025








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 298 F-D


Pourvoi n° H 24-13.902








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025


1°/ la société Morgane groupe,


2°/ la société C2g, société par actions simplifiée,


tous deux ayant leur siège [Adresse 1],


ont formé le pourvoi n° H 24-...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JB

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 28 mai 2025

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 298 F-D

Pourvoi n° H 24-13.902

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025

1°/ la société Morgane groupe,

2°/ la société C2g, société par actions simplifiée,

tous deux ayant leur siège [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° H 24-13.902 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2024 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige les opposant à la société Groupe télégramme médias, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Groupe télégramme développement, défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat des sociétés Morgane group et C2g, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Groupe télégramme médias, venant aux droits de la société Groupe télégramme développement, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 2 avril 2024), rendu sur renvoi après cassation (Com., 15 mars 2023, pourvoi n° 21-20.399), et les productions, le 21 juin 2012, la société Morgane groupe (la société MG) et la société Groupe télégramme développement (la société GTD) ont conclu un protocole d'accord cadre (le protocole), ayant pour objet l'entrée de la société GTD au capital de la société C2g, filiale de la société MG. En application de la première partie du protocole, la société GTD a acquis 47 % des actions de la société C2g, le solde étant détenu par la société MG. Par la deuxième partie du protocole, la société MG a consenti une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions de la société C2g à la société GTD, cette dernière devant lever l'option dans les six mois de la tenue de l'assemblée générale approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015. Dans la troisième partie du protocole, les sociétés MG et GTD ont conclu une promesse synallagmatique de cession de l'ensemble des actions de la société C2g encore détenues par la société MG, sous condition suspensive de la réalisation des deux étapes précédentes.

2. Le protocole d'accord prévoit que les titres de la société C2g doivent être évalués selon la méthode des fonds propres réévalués afin de déterminer la valeur de ses actifs, notamment ses filiales, et que, dans l'hypothèse où un différend apparaîtrait tant dans l'exécution que dans l'interprétation de la clause relative au prix, ce différend serait soumis à l'expertise du président de l'ordre régional des experts comptables de Bretagne, et, dans le cas où l'expert ainsi désigné ne voudrait ou ne pourrait pas statuer, les parties pourraient demander au président du tribunal de commerce la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1592 du code civil.

3. Le 8 mars 2016, la société MG a notifié à la société GTD la rétractation de sa promesse unilatérale. Le 28 juin 2016, la société GTD a notifié à la société MG son intention de lever l'option.

4. La société GTD, aux droits de laquelle est venue la société Groupe télégramme médias (la société GTM), a assigné la société MG, en présence de la société C2g, en exécution forcée de la promesse prévue par la deuxième partie du protocole.

5. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal de commerce de Rennes a rejeté cette demande. Par un arrêt du 6 juillet 2021, la cour d'appel de Rennes a confirmé ce jugement et, y ajoutant, a dit que la promesse prévue par la troisième partie du protocole était nulle. Par un arrêt du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt. Saisie sur renvoi, la cour d'appel d'Angers a, par l'arrêt attaqué, infirmé le jugement du 17 avril 2018 et, statuant à nouveau et y ajoutant, a dit que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2C avait été valablement formé sur un prix devant être déterminé par un expert et a ordonné à la société MG de céder à la société GTD le nombre d'actions correspondant à 13 % du capital social de la société C2g. La cour d'appel a par ailleurs rejeté la demande de nullité de la promesse prévue par la troisième partie du protocole.

6. La société GTM a saisi le président du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Bretagne afin qu'il règle le différend sur le prix des actions de la société C2g. Par une lettre du 7 octobre 2024, l'expert désigné par le président de l'ordre a fait savoir qu'il refusait la mission qui lui était confiée.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième et quatrième moyens

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. Les sociétés MG et C2g font grief à l'arrêt de dire que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2g a été valablement formé sur un prix devant être déterminé par un expert conformément à la clause sur le prix, d'ordonner à la société MG de céder à la société GTM le nombre d'actions correspondantes dans un délai d'un mois à compter de sa signification et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de dire que passé ce délai, sa simple notification à la société C2g vaudrait ordre de mouvement, d'ordonner à la société C2g, dans un délai de deux mois à compter de sa signification et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'enregistrer dans son registre de mouvements de titres et dans les comptes d'associés la cession du nombre d'actions correspondant à 13 % de son capital social, et de rejeter la demande de la société MG en nullité de la promesse synallagmatique de vente prévue à la troisième partie du protocole, alors :

« 1°/ qu'est nulle l'obligation contractée sous une condition faisant dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ; que le protocole d'accord cadre conclu le 21 juin 2012 entre la société MG et la société Bretagne Multimédia (GTD puis GTM) stipule que la promesse synallagmatique portant sur la troisième phase d'acquisition des titres de la société C2G était "subordonnée à la réalisation des conditions suspensives suivantes : - la réalisation définitive des opérations de mutations des titres visées à la 1er partie des présentes ; - la réalisation définitive de l'opération de cession des titres de la société C2G à la société Bretagne Multimédia, telle que visée à la 2e partie des présentes" ; que pour rejeter la demande des sociétés MG et C2G tendant à voir prononcer la nullité de la promesse synallagmatique correspondant à la troisième phase d'acquisition des titres de la société C2G, comme étant subordonnée à une condition potestative, et subséquemment à la caducité de la promesse unilatérale stipulée dans la deuxième phase, la cour d'appel a retenu que "la réalisation définitive de l'opération de cession de titres de la société C2G à la société Bretagne Multimédia prévue à la deuxième phase doit être une cession réellement réalisée, ce qui exigeait que non seulement ses conditions juridiques soient remplies, mais que les parties aillent au bout du processus, ce qui supposait, d'abord, que le promettant respecte sa promesse", et qu'en outre, "si la cession (?) dépendait juridiquement, dès lors que la promesse ne pouvait pas être efficacement rétractée, de la levée de l'option, celle-ci dépendait en réalité des performances des différentes filiales qui restaient sous le contrôle de la société MG, de la valorisation des titres de la société C2G qui dépendait de ces performances, du succès des négociations engagées entre les parties pour arrêter le prix et éviter de devoir faire régler leur différend par un tiers", ce dont elle a déduit que "la levée de l'option, si elle était laissée au choix de la société GTM, était néanmoins soumise à différents facteurs extérieurs, lesquels dépendaient en partie de la société MG. La cession effective ne reposait donc pas sur la seule volonté de l'acquéreur" ; qu'en statuant de la sorte, quand la société MG ne pouvait efficacement rétracter la promesse unilatérale de vente qu'elle avait consentie dans la deuxième phase du protocole d'accord du 21 juin 2012, de sorte que la société GTD pouvait la contraindre à vendre en dépit de sa rétractation, et qu'il dépendait du seul bon vouloir de cette société de lever ou non l'option qui lui avait été conférée, sans que les circonstances que cette décision discrétionnaire soit susceptible d'être influencée par les performances de la société, qui restait gérée par la société MG, ou par le fait que les parties aient à devoir faire régler leur différend relatif au prix par un tiers, ne soient de nature à retirer son caractère potestatif à la condition tenant à la réalisation de la deuxième phase de cession des titres de la société C2G, la cour d'appel a violé l'article 1134 (désormais 1103) du code civil, ensemble les articles 1170 et 1174 (désormais 1304-2) du même code ;

2°/ qu'en retenant que "si la cession (?) dépendait juridiquement, dès lors
que la promesse ne pouvait pas être efficacement rétractée, de la levée de l'option, celle-ci dépendait en réalité des performances des différentes filiales qui restaient sous le contrôle de la société MG, de la valorisation des titres de la société C2G qui dépendait de ces performances, du succès des négociations engagées entre les parties pour arrêter le prix et éviter de devoir faire régler leur différend par un tiers", tout en constatant que la société GTD avait levé l'option malgré l'existence d'un litige sur le prix de la cession, et que les négociations sur le prix de la cession entre les parties avaient été un échec et que les parties restaient devoir soumettre leur différend à un tiers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et encore violé l'article 1134 (désormais 1103) du code civil, ensemble les articles 1170 et 1174 (désormais 1304-2) du même code. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir énoncé qu'aux termes de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher, l'arrêt retient que la réalisation définitive de l'opération de cession des actions de la société C2g prévue par la deuxième partie du protocole devait être une cession réellement réalisée, ce qui impliquait non seulement que les conditions juridiques d'une telle opération soient réunies mais aussi que les parties aillent au bout du processus, ce qui supposait, avant tout, que le promettant respecte sa promesse. L'arrêt ajoute que cette cession dépendait également du succès des négociations engagées par les parties pour arrêter le prix et éviter de devoir faire régler leur différend par un tiers, et qu'ainsi, si la levée d'option était laissée au choix de la société GTM, elle était néanmoins soumise à différents facteurs extérieurs.

10. De ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir que l'effectivité de la cession des actions de la société C2g prévue par la deuxième partie du protocole demeurait soumise à l'éventualité qu'un expert soit désigné pour fixer le prix, ce qui exposait dès lors cette cession au risque que l'expert désigné par le président de l'ordre ne puisse ou ne veuille faire l'estimation et qu'aucune des parties ne demande la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1592 du code civil, circonstances extérieures à la volonté des parties, la cour d'appel a exactement déduit que la promesse prévue par la troisième partie du protocole ne reposait pas sur une condition potestative au profit du cessionnaire.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

12. Les sociétés MG et C2g font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que lorsqu'une chose a fait l'objet d'une promesse unilatérale de vente, la levée d'option ne forme valablement le contrat de vente que si elle est effectuée en vue de conclure la vente aux conditions prévues par la promesse ; qu'en particulier, si le bénéficiaire lève l'option en vue de conclure la vente pour un prix déterminé, la vente n'est parfaite que si ce prix correspond au prix prévu par la promesse ; qu'en jugeant que le contrat de vente s'était formé le 28 juin 2016, jour de la levée de l'option, dès lors que le prix était déterminable au jour de la promesse, cependant qu'elle constatait par ailleurs que la société GTD avait levé l'option pour un prix de 174 290 euros et que la preuve de la conformité de ce prix à celui prévu par la promesse n'était pas rapportée par la société GTD, sur qui pesait la charge de la preuve, la cour d'appel a encore violé les articles 1134 (désormais 1103), 1583 et 1591 du code civil ;

2°/ que lorsque les parties à une promesse de vente ont confié à un tiers la
mission de déterminer le prix de vente en application de l'article 1592 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, qui prévoyait que "si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente", la vente ne devient parfaite qu'au moment où l'évaluation du prix a été réalisée par ce tiers ; qu'en jugeant que la société GTD ayant levé l'option "au prix de 174 290 euros qui correspond, selon elle, au prix calculé conformément à la formule convenue", elle était "en droit d'obtenir la constatation judiciaire de la perfection du contrat consécutive à la levée de l'option", quand elle constatait que le prix de cession des titres de la société C2G devait "être déterminé par l'expert conformément à la clause sur le prix" , "dans le cadre prévu à l'article 1592" du code civil, ce dont il résultait que la vente ne pouvait être considérée comme parfaite qu'à la date à laquelle le prix aurait été évalué par cet expert, la cour d'appel a violé les articles 1134 (désormais 1103), 1583 et 1592 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. C'est à bon droit que l'arrêt, après avoir énoncé qu'une promesse unilatérale de vente se transforme en vente dès que le bénéficiaire manifeste, dans le délai imparti, sa volonté d'acquérir la chose aux conditions proposées, soit au moment où la levée régulière de l'option parvient au promettant, et relevé que l'option dont bénéficiait la société GTD avait été régulièrement levée à un prix correspondant, selon elle, au prix calculé conformément à la formule convenue au protocole, retient que, dès lors que les parties sont en désaccord sur ce point, seul le recours à l'expert permettra de compléter le contrat, déjà formé par la rencontre des volontés des parties, dès lors que le prix était déterminable dès le jour de la promesse, et en déduit que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2g a été valablement formé le 28 juin 2016, jour de la levée de l'option par la société GTD, sur un prix devant être déterminé par l'expert conformément au protocole.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Morgane Groupe et C2g aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Morgane Groupe et C2g et les condamne à payer à la société Groupe télégramme medias, venant au droit de la société Groupe télégramme développement la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42500298
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 02 avril 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 mai. 2025, pourvoi n°42500298


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:42500298
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