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28/05/2025 | FRANCE | N°42500296

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 mai 2025, 42500296


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


MB






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 28 mai 2025








Cassation




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 296 F-D


Pourvoi n° D 24-13.370








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊ

T DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025


1°/ La société Theo v2, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],


2°/ la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MB

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 28 mai 2025

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 296 F-D

Pourvoi n° D 24-13.370

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025

1°/ La société Theo v2, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [R] [V], agissant en qualité de liquidateur de la société Theo v2, ont formé le pourvoi n° D 24-13.370 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Les Petits [L], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Theo v2 et MJA, ès qualités, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Les Petits [L], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société MJA, en sa qualité de liquidateur de la société Theo v2, de sa reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2023) et les productions, le 20 janvier 2016, la société Theo v2 a consenti un bail commercial à la « société LPL, SAS en cours de création, dont le siège social sera établi au [Adresse 3]. Représentée par sa présidente Madame [L] [C] qui s'engage à fournir sous 2 mois à compter de la signature du bail le Kbis de ladite société ».

3. L'article 40 des statuts de la société LPL, signés le 4 février 2016, stipule que « l'état des actes accomplis au nom de la société en formation, avec l'indication pour chacun d'eux de l'engagement qui en résulte pour la société, est annexé aux présents statuts (...) La signature des présents statuts emportera reprise de ces engagements pour la société, lorsque celle-ci aura été immatriculée au registre du commerce et des sociétés ».

4. La société LPL a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 14 mars 2016.

5. Le 29 août 2017, la société LPL a assigné la société Theo v2 en annulation du bail.

6. Le 30 mai 2024, la société Theo v2 a été mise en liquidation judiciaire, la société MJA étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Théo v2 et la société MJA, ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer nul le bail du 20 janvier 2016, de rejeter la demande principale de la société Theo v2 tendant à voir condamner la société LPL à lui payer la somme de 600 000 euros au titre des loyers restant dus jusqu'au 5 juillet 2019 ainsi que sa demande subsidiaire tendant à voir condamner la société LPL à lui payer la somme de 108 913 euros au titre du solde restant dû sur le préavis de six mois, et de la condamner à restituer à la société LPL la somme de 81 500 euros payée au titre du premier loyer trimestriel et du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016, alors « que si l'acte accompli avant l'immatriculation d'une société commerciale ne mentionne pas expressément qu'il est passé "au nom" ou "pour le compte" de la société en formation, le juge est tenu d'apprécier, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation, la société pouvant ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits ; qu'en affirmant que le contrat de bail conclu le 20 janvier 2016, bien qu'expressément visé en annexe des statuts de la société LPL signés le 4 février 2016, parmi les actes accomplis au nom de la société en formation et repris par cette société au jour de son immatriculation le 14 mars 2016, devait être annulé pour avoir été conclu par "par la société LPL, SAS en cours de création [?] représentée par sa présidente Mme [L]" et donc "par une personne dépourvue de toute existence juridique", sans rechercher s'il ne résultait pas des mentions de l'acte, mais aussi de l'ensemble des circonstances de la cause que, nonobstant cette rédaction, la commune intention des parties était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation LPL, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 210-6 et R 210-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce :

8. Selon ces textes, les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits.

9. Il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation.

10. Pour déclarer nul le bail du 20 janvier 2016, l'arrêt énonce qu'il résulte des articles 1842 et 1843 du code civil et L. 210-6 et R. 210-6 du code de commerce qu'avant son immatriculation, une société n'a pas la personnalité morale et qu'elle ne peut donc être représentée, de sorte qu'un acte conclu par une société avant son immatriculation, donc dépourvue d'existence juridique, est nul. Il retient que la formulation du contrat, selon laquelle le locataire est la société LPL, représentée par sa présidente, signifie sans ambiguïté que c'est cette société elle-même qui a conclu le contrat et non sa présidente agissant pour son compte, peu important qu'il ait été mentionné que cette société était en cours de création, cette mention ne modifiant pas l'indication de la société LPL, elle-même, comme partie contractante. L'arrêt en déduit que le bail conclu par une personne dépourvue de toute existence juridique est nul, la circonstance que ce contrat soit annexé aux statuts de la société LPL et qu'il fasse l'objet d'une mention de reprise après immatriculation de la société à l'article 40 de ces statuts étant inopérante comme ne permettant pas une régularisation a posteriori.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas, non seulement des mentions de l'acte, mais aussi de l'ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation LPL, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. La société Théo v2 et la société MJA, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors « que la validité de l'acte passé pour le compte d'une société en
formation n'implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la même dénomination sociale que celle mentionnée dans l'acte litigieux ; qu'en relevant, pour déclarer nul le contrat de bail du 20 janvier 2016, la circonstance qu'il était annexé aux statuts de la société Les Petits Lascars dont la dénomination sociale était différente de celle mentionnée au contrat de bail [la société L.P.L], la cour d'appel a violé les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 210-6 et R. 210-6 du code commerce :

13. Il résulte de ces textes que la validité de l'acte passé pour le compte d'une société en formation n'implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la même dénomination sociale que celle mentionnée dans l'acte litigieux.

14. Pour déclarer nul le bail du 20 janvier 2016, l'arrêt retient encore que la circonstance que ce contrat soit annexé aux statuts de la société Les Petits [L], dont la dénomination sociale est différente de celle mentionnée au bail, et qu'il fasse l'objet d'une mention de reprise après immatriculation de la société à l'article 40 des statuts est inopérante car ne permettant pas de régulariser a posteriori cet acte.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société LPL aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les petits [L] et la condamne à payer à la société MJA, prise en la personne de Mme [V], en sa qualité de liquidateur de la société Theo v2, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42500296
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 mai. 2025, pourvoi n°42500296


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:42500296
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