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22/05/2025 | FRANCE | N°32500274

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 mai 2025, 32500274


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


CL






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 22 mai 2025








Rejet et Déchéance partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 274 F-D


Pourvoi n° Y 23-19.387








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________________

___




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 MAI 2025


1°/ M. [O] [F], domicilié [Adresse 3],


2°/ M. [Z] [X], domicilié [Adresse 4],


ont formé le pourvoi n° Y 23-19.387 contre l'arrêt rendu le 19 avril...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 22 mai 2025

Rejet et Déchéance partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 274 F-D

Pourvoi n° Y 23-19.387

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 MAI 2025

1°/ M. [O] [F], domicilié [Adresse 3],

2°/ M. [Z] [X], domicilié [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° Y 23-19.387 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 2), dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic la société Gaia immobilier administration de biens, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [L] [Y], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de MM. [F] et [X], de la SCP Lesourd, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance partielle du pourvoi examinée d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile

1. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.

2. MM. [F] et [X] n'ont pas signifié leur mémoire ampliatif à M. [Y].

3. La déchéance du pourvoi, en tant qu'il est dirigé contre M. [Y], doit ainsi être constatée.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2023), l'assemblée générale des copropriétaires d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, construit en 1900, a décidé, par une résolution du 3 juillet 2017, d'interdire l'usage à titre d'habitation des lots situés au sixième étage, qualifiés de « débarras » dans le règlement de copropriété, à raison des risques pour la sécurité des occupants en cas d'incendie.

5. Par acte du 27 juillet 2017, MM. [F] et [X], propriétaires à cet étage pour le premier du lot n° 17 et pour le second des lots n° 18 et 19, ont assigné le syndicat des copropriétaires en nullité de ladite résolution.

6. Le syndicat des copropriétaires a reconventionnellement demandé le rétablissement des lots en question dans leur état initial de débarras.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. MM. [F] et [X] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande et de les condamner à remettre leurs lots dans leur état initial de débarras, alors :

« 1°/ que le délai de prescription décennal de l'action tendant au rétablissement d'un lot affecté à usage d'habitation dans la destination de « débarras » initialement prévue au règlement de copropriété commence à courir à compter du jour où le syndicat des copropriétaires a eu connaissance de ce changement d'affectation ; qu'en jugeant que ce délai de prescription extinctive n'avait pu commencer à courir avant que le syndicat des copropriétaires n'ait été informé par l'architecte [V], le 24 mai 2017, de la dangerosité de l'escalier d'accès au 6e étage du fait de la difficulté d'évacuation de ses occupants en cas d'incendie, la cour d'appel a violé l'article 42 alinéa 1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que le délai de prescription de l'action tendant au rétablissement d'un lot dans la destination initialement prévue au règlement de copropriété commence à courir à compter du jour où le syndicat des copropriétaires a eu connaissance de son changement d'affectation ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que le rétablissement des lots litigieux dans leur état initial de débarras implique la suppression de toute installation sanitaire ; qu'en affirmant que la prescription décennale n'était pas acquise au profit de MM. [F] et [X] lorsque l'affectation de leurs lots à usage d'habitation avait été prohibée par la résolution du 3 juillet 2017 sans rechercher, comme il lui était demandé preuves à l'appui, si la décision prise par le syndicat des copropriétaires le 7 avril 2004 d'installer des compteurs d'eau individuels dans les parties privatives et notamment dans les lots du 6e étage pourvus en installations sanitaires, n'était pas de nature à établir qu'il avait connaissance, à cette date, de leur affectation à usage d'habitation et, par suite, à caractériser que la prescription décennale était acquise depuis le 8 avril 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel, a, d'abord, constaté que les lots étaient qualifiés de débarras dans le règlement de copropriété et, à bon droit, rappelé que les copropriétaires ne pouvaient changer l'affectation de leurs lots que sous réserve qu'elle ne soit pas contraire à la destination générale de l'immeuble et ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.

10. Elle a, ensuite, souverainement retenu qu'en dépit de l'ancienneté de l'occupation de lots du sixième étage comme logements, le syndicat des copropriétaires n'avait eu connaissance de la dangerosité que présentait cette affectation que le 24 mai 2017, date de la remise par l'architecte de son rapport, consécutif à l'incendie survenu un peu plus tôt dans l'année, révélant une non-conformité de l'accès au sixième étage au regard des règles de sécurité incendie, notamment pour l'évacuation des occupants.

11. Elle a, enfin, relevé que si les copropriétaires avaient été informés lors d'une assemblée générale de 2016 que les titres de propriété de certains des lots du sixième étage mentionnaient qu'ils étaient à usage d'habitation, ce point n'avait pas fait l'objet d'un vote.

12. Ayant ainsi fait ressortir que le syndicat des copropriétaires n'avait pas ratifié l'usage d'habitation des lots n° 17, 18 et 19, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que MM. [F] et [X] n'avaient pas de droit acquis à l'usage qu'ils revendiquaient pour leurs lots à la date de l'adoption de la résolution du 3 juillet 2017.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. MM. [F] et [X] font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives dès lors qu'il ne porte atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; que la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles collectifs à usage principal d'habitation relève des prérogatives de la puissance publique ; qu'en jugeant que le syndicat de copropriétaires avait pu, sans abus, interdire aux exposants d'utiliser leurs lots à des fins d'habitation dès lors que la résolution litigieuse du 13 juillet 2007 était justifiée par la difficulté d'évacuation de leurs occupants en cas d'incendie du fait de l'étroitesse de l'escalier d'accès au 6e étage, la cour d'appel a violé, par adjonction d'un critère lié à la sécurité des occupants des lots concernés qu'il ne comporte pas, l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la cour d'appel que les différentes notes émises par l'architecte de l'immeuble les 24 mai 2017, 10 juillet 2018 et 12 novembre 2020 concluent invariablement que le changement de destination des lots litigieux « présente un risque en cas d'incendie pour les occupants du 6e étage » ; qu'en énonçant in fine que la résolution interdisant aux exposants d'utiliser leurs lots aux fins d'habitation et les enjoignant à les rétablir dans leur destination initiale de débarras était valable dès lors qu'elle était destinée à privilégier la sécurité des occupants de l'immeuble, sans énoncer en quoi l'affectation de ces parties privatives à usage d'habitation avait porté atteinte aux droits des autres copropriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

3°/ que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives dès lors qu'il ne porte atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en retenant, pour débouter les exposants de leur demande d'annulation de la résolution n° 25 adoptée le 13 juillet 2017 leur interdisant d'user de leurs parties privatives à usage d'habitation, que cette décision était justifiée par le risque créé par l'occupation à titre habituel, quotidien et à usage d'habitation de lots équipés notamment d'installations de cuisine et par des aléas humains créant des risques d'incendie, la cour d'appel, qui a apporté à l'utilisation et à la jouissance des parties privatives des lots litigieux une restriction excédant celles stipulées au règlement de copropriété et contraire au principe de la liberté d'usage et de jouissance de ces parties privatives, a violé l'article 9 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

4°/ que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives dès lors qu'il ne porte atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en réponse au rapport amiable [S] selon lequel c'est la totalité de l'escalier de l'immeuble qui n'était pas conforme à la réglementation visée par M. [V] dans ses différentes notes et non pas seulement l'escalier du 6e étage, ce dernier avait observé que « le fait que les brancards ne peuvent circuler dans la totalité de l'escalier [de l'immeuble] augmente le risque, puisqu'en cas d'incendie, un nombre plus important de personnes doivent être évacuées dans cette configuration » ; qu'en se fondant sur cet avis pour juger que le syndicat des copropriétaires avait valablement interdit aux exposants d'affecter leurs lots à usage d'habitation, la cour d'appel, qui a apporté à l'utilisation et à la jouissance des parties privatives des lots litigieux ne restriction excédant celles stipulées au règlement de copropriété et contraire au principe de la liberté d'usage et de jouissance de ces parties privative, a violé l'article 9 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

15. La cour d'appel a, d'abord, relevé que l'immeuble avait subi en 2017 un incendie qui avait révélé une difficulté d'accès des services de secours pour évacuer les occupants du sixième étage, les couloirs de cet étage étant un véritable cul-de-sac à cause de l'étroitesse de l'escalier d'accès et de l'absence d'exutoire de fumée.

16. Elle a, ensuite, retenu qu'il ressortait des rapports établis par l'architecte de l'immeuble et de celui émanant de l'expert mandaté par MM. [F] et [X] que l'escalier général de l'immeuble, allant du rez-de-chaussée au cinquième étage, ne permettait pas le passage de brancards en cas d'évacuation, que celui permettant d'accéder au sixième étage était particulièrement étroit et pentu, et que les difficultés de circulation inhérentes à la configuration de cet étage faisaient courir des risques anormaux aux occupants de l'immeuble, en cas d'incendie.

17. Ayant ainsi caractérisé le risque que présentait, pour l'ensemble de la copropriété, l'occupation de l'étage en question à des fins d'habitation, elle a pu retenir, sans fonder sa décision sur les dispositions du code de la construction et de l'habitation régissant la police administrative ni méconnaître celles de l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, que la restriction apportée aux droits des propriétaires des lots litigieux étant justifiée par des considérations tenant à la conservation de l'immeuble, l'assemblée générale n'avait pas commis d'abus en interdisant leur usage à des fins d'habitation, et qu'il y avait lieu d'ordonner leur remise en état initial de débarras.

18. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre M. [Y] ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. [F] et [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [F] et [X] et les condamne in solidum à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-deux mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32500274
Date de la décision : 22/05/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 mai. 2025, pourvoi n°32500274


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet, SCP Lesourd

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:32500274
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