LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-85.512 F-D
N° 00680
SB4
21 MAI 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 MAI 2025
Le procureur général près la cour d'appel de Metz a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 30 juillet 2024, qui a relaxé M. [I] [M] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [M] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel sous la prévention susvisée.
3. Par jugement du 7 juin 2024, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté des exceptions de nullité, l'a déclaré coupable et a prononcé une peine ainsi que la révocation d'un sursis antérieur.
4. M. [M] a relevé appel de cette décision. Le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
5. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé l'annulation d'une réquisition relative à la communication des images enregistrées par un système municipal de vidéoprotection et relaxé le prévenu, alors que la cour d'appel ne pouvait, d'une part, se borner à constater que cette réquisition mentionnait l'article 77-1 du code de procédure pénale, quand ce visa, et non celui de l'article 77-1-1 du même code, seul applicable en réalité en la cause, résultait d'une simple erreur matérielle, d'autre part, ignorer l'existence des instructions générales adressées, en cette matière, par le procureur de la République aux enquêteurs, le 20 juillet 2023.
6. Le second moyen critique les même dispositions de la décision entreprise, alors que la cour d'appel, en méconnaissance des articles 463, 512 et 593 du code de procédure pénale, ne pouvait, pour prononcer l'annulation de pièces de la procédure, se borner à retenir que, d'une part, l'autorisation permanente délivrée, en juillet 2024, par le procureur de la République aux enquêteurs, de procéder, si besoin, à certains actes ou réquisitions, ne figurait pas à la procédure, d'autre part, il n'y avait pas lieu de la rechercher dès lors que la réquisition litigieuse ne la visait pas, non plus que l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, quand elle ne pouvait ignorer les énonciations du jugement entrepris, valant jusqu'à inscription de faux, selon lesquelles les instructions générales du procureur de la République du 20 juillet 2023, valant autorisation permanente de réquisition, avaient été produites à l'audience du tribunal, et qu'il lui appartenait, le cas échéant, de procéder à un supplément d'information en vue de la production, devant elle, de la pièce ne figurant pas à son dossier et dont la réalité de la production en première instance avait été contestée.
Réponse de la Cour
7. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 463 et 593 du code de procédure pénale :
8. Selon le premier de ces textes, il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité.
9. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour infirmer le jugement ayant rejeté l'exception de nullité de la réquisition aux fins de communication aux enquêteurs, par des services municipaux, de données de vidéoprotection, l'arrêt attaqué énonce que cette réquisition n'a pu être autorisée ni avant la date de sa délivrance, concomitante de celle de l'ouverture de l'enquête préliminaire, ni par le magistrat dont le nom est indiqué.
11. Les juges ajoutent qu'il ne figure à la procédure aucune autorisation permanente, donnée par le procureur de la République aux officiers de police judiciaire, leur permettant de délivrer des réquisitions tendant à la délivrance de telles données, alors que la production d'une telle autorisation à l'audience du tribunal correctionnel est contestée par le prévenu et que ladite autorisation, évoquée par le ministère public en première instance et par le tribunal correctionnel, est datée, selon le jugement entrepris ou les notes d'audience, du 20 ou du 22 juillet 2023.
12. Ils relèvent également que la réquisition litigieuse ne fait aucune référence à ces instructions permanentes ni à l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, mais à l'article 77-1 du même code, non applicable au cas d'espèce, de sorte qu'il n'y a pas lieu, dans le cadre d'un supplément d'information, de rechercher lesdites instructions permanentes ni d'en ordonner la production.
13. En prononçant ainsi, par des motifs reconnaissant la nécessité de la production des instructions permanentes dont elle constatait l'absence à son dossier, mais sans ordonner de mesure complémentaire afin qu'elles soient produites, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
14. D'où il suit que la cassation est encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 30 juillet 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille vingt-cinq.