LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 24-84.932 F-D
N° 00676
SB4
21 MAI 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 MAI 2025
M. [Z] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 17 juillet 2024, qui, pour corruption de mineur, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 2 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Z] [K], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 27 septembre 2022, le tribunal correctionnel a relaxé M. [Z] [K] du chef de corruption de mineur et rejeté les demandes présentées par les parties civiles.
3. Ces dernières et le ministère public ont relevé appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable du chef de corruption de mineur de plus de 15 ans, alors :
« 1°/ que le juge répressif ne peut déclarer un prévenu coupable d'une infraction sans en avoir caractérisé tous les éléments constitutifs ; que le délit de corruption de mineur suppose de caractériser un acte immoral ou obscène ; qu'en se fondant, pour entrer en voie de condamnation à l'égard
du prévenu, uniquement sur l'envoi par le prévenu de quatre messages à caractère sexuel, sans aucunement justifier de leur caractère obscène, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction, n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les articles 227-22 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le juge répressif ne peut déclarer un prévenu coupable d'une infraction sans en avoir caractérisé tous les éléments constitutifs ; que le délit de corruption de mineur suppose que l'auteur des faits ait eu l'intention de pervertir la sexualité de la personne mineure et non seulement la satisfaction de ses propres passions ; qu'en se bornant à constater, pour entrer en voie de condamnation à l'égard du prévenu, que « le contenu des messages est à cet égard parfaitement explicite quant à l'expression réitérée d'un désir sexuel de nature quasi-incestueuse et dès lors tout à fait inapproprié » (arrêt, p. 5), sans nullement justifier que le prévenu ait eu pour but, non de satisfaire ses propres passions, mais de pervertir la sexualité de la mineure, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention requise, n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les articles~227-22 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 227-22 du code pénal et 593 du code de procédure pénale:
5. Il résulte du premier de ces textes que la corruption d'un mineur suppose que l'auteur des faits ait la volonté de pervertir la sexualité de ce mineur.
6. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Pour déclarer le prévenu coupable de corruption de mineur, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé le contenu des messages incriminés, au travers desquels le prévenu proposait à la victime d'avoir une relation sexuelle avec lui, relève que ce dernier a affirmé qu'il s'agissait d'un jeu destiné à voir jusqu'où la jeune fille, âgée de seize ans, était capable d'aller.
8. Les juges retiennent que cette explication n'apparaît pas crédible, dans la mesure où la victime est sa belle-fille, et que l'intéressé était investi à son égard d'une mission d'ordre éducatif.
9. Ils ajoutent que les faits sont l'expression d'un désir sexuel de nature quasi incestueuse, d'autant que la victime et sa jeune soeur font en outre état de gestes déplacés sur leurs seins et leurs fesses, qui, s'ils n'entrent pas dans l'objet de la poursuite, permettent néanmoins de préciser le contexte dans lequel les messages ont été envoyés.
10. En se déterminant ainsi, sans établir que le prévenu avait pour but de pervertir la sexualité de la victime mineure, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 17 juillet 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille vingt-cinq.