LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 21 mai 2025
Cassation sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 541 F-D
Pourvoi n° N 24-13.033
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 MAI 2025
L'association [3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 24-13.033 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2024 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à l'association Aprevya, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'Association santé au travail de l'Ariège, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de l'association [3], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de l'association Aprevya, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 janvier 2024), l'association [3] (l'association), entreprise de prestations de service à domicile et EHPAD, qui emploie plusieurs centaines de salariés sur deux sites (Résidence des [4] et [3]), a adhéré le 31 mai 2022 à l'Association santé au travail (ASTA) devenue Aprevya qui gère le service de santé au travail, commun à plusieurs employeurs conformément à l'article L. 4622-1 du code du travail prévoyant l'organisation par les employeurs des services de santé au travail, moyennant une cotisation annuelle.
2. L'association a contesté le mode de calcul de la cotisation, considérant qu'il doit être fondé sur le nombre d'équivalents temps plein plutôt que sur le nombre de salariés (calcul per capita) comme c'est le cas actuellement, et a invoqué un indu de cotisations.
3. Par acte du 24 février 2020, l'association a fait assigner l'ASTA devant le tribunal judiciaire en remboursement de cotisations concernant ses deux sites.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'association fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de l'association Aprevya venant aux droits de l'ASTA 09 à lui payer certaines sommes au titre de la répétition de l'indu et des intérêts légaux sur l'indu des années 2015 à 2019, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 4622-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021, applicable au litige et de l'article L. 1111-2 du code du travail que le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises adhérant à un service de santé au travail interentreprises est la répartition par salarié équivalent temps plein ; qu'en jugeant cependant que la cotisation due par l'association à l'ASTA 09 ne se calcule pas par salarié en équivalent temps plein, qu'en optant pour un calcul en fonction du "nombre de salariés" sans viser la notion d' "effectif", le législateur a opté pour l'exclusion d'un critère prenant en compte le temps de travail du salarié, choix qui apparaît conforme à l'objectif poursuivi par le législateur qui vise à garantir un mode de répartition des frais indépendant des prestations effectivement réalisées par les services de santé au travail interentreprises, que la loi n° 2021-2018 du 2 août 2021, certes non applicable au présent litige, a précisé que les services de prévention et de santé au travail interentreprises sont financés par une "cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs suivis comptant chacun pour une unité", la cour d'appel a violé les articles L. 4622-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 et L. 1111-2 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 4622-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 :
5. Selon ce texte, les cotisations dues par les employeurs lorsqu'ils adhèrent à un service de santé au travail interentreprises correspondent aux dépenses afférentes à ces services réparties proportionnellement au nombre de salariés.
6. Il en résulte que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l'entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises auquel adhère l'employeur rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l'organisme. Seul peut être appliqué le cas échéant à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée.
7. L'article L. 1111-2 du code du travail précise le mode de calcul des effectifs de l'entreprise pour la mise en oeuvre des dispositions du code du travail.
8. Il ressort de la combinaison de ces articles que le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021, est la répartition par salarié équivalent temps plein.
9. L'article 40 de la loi n° 2021-1018 précitée dispose que celle-ci entre en vigueur le 31 mars 2022.
10. Pour débouter l'association de sa demande en paiement de certaines sommes au titre de la répétition de l'indu et des intérêts légaux sur l'indu des années 2015 à 2019, l'arrêt retient, d'abord, qu'en optant pour un calcul en fonction du « nombre de salariés » sans viser la notion « d'effectif » définie aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail, le législateur a clairement opté pour l'exclusion d'un critère prenant en compte le temps de travail du salarié, que ce choix apparaît conforme à l'objectif poursuivi par l'article L. 4622-6, d'ordre public, qui vise à garantir un mode de répartition des frais indépendant des prestations effectivement réalisées par les services de santé au travail interentreprises et dont la méconnaissance est assortie de sanctions prévues à l'article L. 4745-1 du même code, ainsi que le Conseil d'Etat l'a rappelé dans son arrêt du 30 juin 2014.
11. L'arrêt retient, ensuite, que la mise en place d'un service de santé et sécurité au travail dans un établissement est étrangère à la durée du travail des salariés concernés : leur prise en charge est la même quelle que soit la durée mais également la nature de leur contrat de travail ; le service s'applique à tout salarié quel que soit son statut et donc même à ceux exclus du décompte de l'effectif au sens des articles L. 1111-2 et L. 1111-3 et que, de surcroît, à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 septembre 2018 qui se fondait sur la notion d'effectif pour calculer les dites cotisations, la loi nouvelle n° 2021-1018 du 2 août 2021 certes non applicable au présent litige, a précisé que les services de prévention et de santé au travail interentreprises sont financés par « une cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs suivis comptant chacun pour une unité ».
12. Il en déduit que dès lors que l'association Aprevya opère un calcul de cotisation par nombre de salariés personnes physiques, conforme à l'article L. 4622-6 du code du travail, la demande de répétition de l'indu ne peut prospérer et le jugement déféré doit en conséquence être infirmé pour avoir dit que la cotisation due se calcule par salarié en équivalent temps plein.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile et tel que suggéré par la demanderesse au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
16. Il résulte des paragraphes 5 à 8 que, le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021, le 31 mars 2022, étant la répartition par salarié équivalent temps plein, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il condamne l'ASTA, devenue Aprevya, à payer à l'association [3] les sommes de 38 866 euros au titre de la répétition de l'indu,1 283,96 euros au titre des intérêts légaux sur l'indu des années 2015 à 2019 et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Foix en ce qu'il condamne l'Association santé au travail de l'Ariège (ASTA), devenue Aprevya, à payer à l'association [3] les sommes de 38 866 euros au titre de la répétition de l'indu, 1 283,96 euros au titre des intérêts légaux sur l'indu des années 2015 à 2019 et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Condamne l'Association santé au travail de l'Ariège (ASTA), devenue Aprevya, aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association santé au travail de l'Ariège (ASTA), devenue Aprevya, et la condamne à payer à l'association [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt et un mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.