LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 21 mai 2025
Mme CHAMPALAUNE, président
Avis n° 9001 FS-D
Pourvoi n° A 23-19.780
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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AVIS DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 MAI 2025 :
La chambre commerciale, financière et économique, saisie du pourvoi n° A 23-19.780 formé par :
1°/ le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié pôle juridictionnel d'Aix-en-Provence, [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
2°/ le directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2023 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [F] [W], veuve [Z], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation,
a sollicité, le 16 octobre 2024, l'avis de la première chambre civile en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône et du directeur général des finances publiques, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [W], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025, où étaient présents : Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Marilly, Daniel, Vanoni-Thiery, Lyon, conseillers référendaires, et en présence de Mme Julie Vigneras, conseiller référendaire, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre.
La première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir conformément à la loi, a émis le présent avis.
Enoncé de la demande d'avis
1. Par décision du 16 octobre 2024, la chambre commerciale a transmis à la première chambre civile, en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile, une demande d'avis portant sur la question suivante :
« Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l'article 1515 du code civil constitue-t-il une opération de partage ? »
Examen de la demande d'avis
2. Sauf cas particulier prévu par la loi, l'opération de partage, proprement dite, se définit comme celle qui, à l'issue du processus permettant de mettre fin à une indivision, contribue directement à la division de la masse indivise, préalablement liquidée, et à sa répartition entre les indivisaires à proportion de leurs droits respectifs.
3. Une telle opération présente nécessairement un caractère amiable ou judiciaire.
4. L'article 1515 du code civil dispose :
« Il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l'un d'eux s'il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d'une espèce déterminée de biens. »
5. Le prélèvement effectué sur la communauté par le conjoint survivant en vertu d'une clause de préciput, régi par les articles 1515 à 1519 du code civil, a, comme le partage, un effet rétroactif. Mais il se distingue de l'opération de partage à plusieurs égards.
6. En premier lieu, s'il s'opère dans la limite de l'actif net préalablement liquidé de la communauté, il intervient, selon les termes mêmes de l'article 1515 du code civil, avant tout partage.
7. En deuxième lieu, s'effectuant sans contrepartie, les biens prélevés en exécution de ce droit ne s'imputent pas sur la part de l'époux bénéficiaire.
8. En troisième lieu, son exercice relève d'une faculté unilatérale et discrétionnaire de celui-ci.
9. En conséquence, le prélèvement préciputaire ne constitue pas une opération de partage.
PAR CES MOTIFS, la première chambre civile :
EST D'AVIS QUE :
Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, en application de l'article 1515 du code civil, ne constitue pas une opération de partage.
ORDONNE la transmission du dossier et de l'avis à la chambre commerciale, financière et économique ;
Ainsi émis par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt et un mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'avis au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre