LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 24-82.072 F-D
N° 00651
RB5
20 MAI 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 MAI 2025
M. [H] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 4 mars 2024, qui, pour diffamation non publique, l'a condamné à 20 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [H] [R], les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [D] [C], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 22 juin 2021, M. [D] [C], maître de conférence, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire à l'encontre de M. [H] [R], également maître de conférence, à la suite de l'envoi par ce dernier, le 31 mars 2021, d'un courriel à deux membres de l'université imputant à la partie civile d'avoir plagié ses travaux de recherche.
3. Par ordonnance du 21 septembre 2022, le magistrat instructeur a renvoyé M. [R] devant le tribunal de police du chef de diffamation non publique.
4. Par jugement du 12 décembre 2022, le tribunal de police a déclaré M. [R] coupable du chef susvisé et l'a condamné à 20 euros d'amende.
5. M. [R] puis le ministère public ont relevé appel du jugement.
6. Il résulte des notes de l'audience du 6 mars 2023 qu'il a été décidé, en présence des avocats des parties, de procéder au renvoi de l'affaire à plusieurs audiences, les 5 juin et 4 septembre 2023, aux fins d'interrompre le délai de prescription jusqu'à l'audience de plaidoirie du 4 décembre suivant.
7. L'arrêt du 6 mars 2023 ne mentionne qu'un renvoi à l'audience du 4 septembre 2023. Les parties n'étaient ni présentes ni représentées lors de l'audience du 5 juin 2023.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] coupable de diffamation non publique et l'a condamné à une amende et à verser des dommages et intérêts à la partie civile, alors :
« 1°/ qu'une remise de cause mentionnée sur les notes d'audience ne constitue un acte interruptif de prescription qu'à la condition qu'elle soit décidée contradictoirement, ce qui résulte soit de la présence des parties ou de leurs conseils respectifs à l'audience au cours de laquelle cette remise de cause est ordonnée, soit du caractère contradictoire de la décision de renvoi à cette audience ; que pour écarter la prescription de l'action publique tirée de l'absence d'acte interruptif entre les audiences de remise de cause des 6 mars 2023 et 4 septembre 2023, l'arrêt affirme que la note d'audience du 6 mars 2023 mentionne les différentes dates de renvoi aux audiences relais des 5 juin, 4 septembre et 4 décembre 2023 dans le but d'interrompre la prescription, ce dont il déduit que les parties, représentées par leurs avocats, étaient régulièrement et contradictoirement informées des dates d'audience relais ; que l'arrêt du 6 mars 2023, rendu à l'issue de l'audience du même jour, décide cependant que la cause était renvoyée au 4 septembre 2023 ; qu'en conséquence, seule la décision de renvoi prise lors de cette audience était réputée revêtir un caractère contradictoire en l'absence même des parties ou de leurs conseils ; qu'en se prononçant de la sorte sans constater par ailleurs que la remise de cause constatée par les notes de l'audience du 5 juin 2023 avait été prise en présence des parties ou de leur conseil, la cour d'appel a méconnu l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
2°/ que le renvoi mentionné sur les notes d'audience n'interrompt la prescription que lorsque qu'elles sont conformes à l'article 453 du code de procédure pénale et s'il est intervenu contradictoirement à l'égard du prévenu et de la partie civile ; qu'il ne résulte aucunement des notes de l'audience du 5 juin 2023 que la remise de cause soit intervenue en présence des parties ou de leur conseil ni qu'une décision contradictoire ait renvoyé les parties à cette audience ; qu'il s'ensuit qu'en refusant de constater la prescription de l'action publique, bien que la remise de cause décidée le 5 juin 2023 soit dépourvue de caractère contradictoire et qu'aucun acte interruptif ne soit intervenu entre les remises de cause des audiences des 6 mars et 4 septembre 2023, la cour d'appel a méconnu l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881. »
Réponse de la Cour
9. Pour écarter le moyen de nullité pris de l'acquisition de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que, à défaut d'avoir été ordonnée par jugement, une décision de renvoi n'est interruptive de prescription que si, prononcée contradictoirement et motivée par une mesure préparatoire, elle est constatée par une mention sur les notes d'audience tenues par le greffier et signées par le président en application de l'article 453 du code de procédure pénale.
10. Les juges relèvent, en l'espèce, que la note d'audience du 6 mars 2023, régulièrement tenue par le greffier et signée par le président en application de l'article 453 précité, mentionne les différentes dates de renvoi aux audiences relais des 5 juin, 4 septembre et 4 décembre 2023 dans le but d'interrompre la prescription.
11. Ils ajoutent que les parties étaient représentées lors de cette audience du 6 mars 2023, lors de laquelle le calendrier de procédure a été arrêté en accord avec elles, et qu'elles ont donc été régulièrement et contradictoirement informées des dates des audiences relais.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte visé au moyen.
13. En effet, d'une part, il résulte des notes d'audience du 6 mars 2023, qui répondent au formalisme de l'article 453 du code de procédure pénale, qu'un renvoi a été ordonné contradictoirement au 5 juin 2023, d'autre part, ces notes d'audience viennent compléter l'arrêt du 6 mars précédent, qui a omis de mentionner ledit renvoi, de sorte que la prescription a été valablement interrompue le 5 juin 2023, peu important que les parties n'aient pas été présentes lors de cette audience.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [H] [R] devra payer à M. [D] [C] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt-cinq.