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15/05/2025 | FRANCE | N°22500450

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 mai 2025, 22500450


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 15 mai 2025








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 450 F-D


Pourvoi n° P 23-10.362












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________

________








ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2025


La société [2], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-10.362 contre l'arrêt n° RG : 21/02608 rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'a...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 15 mai 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 450 F-D

Pourvoi n° P 23-10.362

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2025

La société [2], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-10.362 contre l'arrêt n° RG : 21/02608 rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits et obligations de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits et obligations de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 novembre 2022), à la suite d'une vérification d'assiette portant sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et la contribution additionnelle dues par la société [2] (la société), au titre de l'année 2013, la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) lui a adressé une lettre d'observations suivie d'une mise en demeure du 7 octobre 2017 et d'une contrainte du 30 décembre 2019.

2. La société a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'URSSAF une somme au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle exigibles en 2013, alors :

« 1°/ que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 14 juin 2018, Lubrizol France, C-39/17) a dit pour droit que les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre prévoyant que l'assiette de contributions perçues sur le chiffre d'affaires annuel des sociétés, pour autant que ce dernier atteint ou dépasse un certain montant, soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet État membre vers un autre État membre de l'Union européenne, cette valeur étant prise en compte dès ledit transfert, alors que, lorsque les mêmes biens sont transférés par l'assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, sur le territoire de l'État membre concerné, leur valeur n'est prise en compte dans ladite assiette que lors de leur vente ultérieure, à la condition, premièrement, que la valeur de ces biens ne soit pas, une nouvelle fois, prise en compte dans ladite assiette lors de leur vente ultérieure dans cet État membre, deuxièmement, que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre État membre ou ont été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus et troisièmement, que les avantages résultant de l'affectation desdites contributions ne compensent pas intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise sur le marché ; qu'il appartient à l'organisme de recouvrement qui procède à l'assujettissement d'une société à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au titre de biens transférés au sein de l'Union européenne de permettre au cotisant de déduire de l'assiette de la contribution la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'État membre de destination et celle des biens qui ont été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus, faute de quoi la valeur représentative des biens transférés au sein de l'Union européenne doit être exclue de l'assiette de la contribution ; que la possibilité offerte aux sociétés assujetties à la C3S d'opérer, dans le cadre de la déclaration effectuée au titre de la C3S, des déductions sur le chiffre d'affaires préalablement déclaré ne permet pas de garantir que la valeur des biens réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus soit effectivement déduite de l'assiette de la C3S, dès lors que pour de tels biens, la déduction est susceptible de devoir être opérée sur un chiffre d'affaires ultérieur, et que seront privées de cette faculté les sociétés n'étant plus assujetties à la C3S l'année du réacheminement, soit que leur chiffre d'affaires au cours de l'année du réacheminement soit inférieur au montant de l'abattement prévu par l'article L. 651-3, devenu L. 137-32, du code de la sécurité sociale, soit que la société ait pris, à la date du réacheminement, une forme juridique n'entrant pas dans le champ de la C3S, soit qu'elle ait été radiée du registre du commerce ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement opéré par l'URSSAF au titre de la C3S, que le formulaire C3S n'interdisait pas de procéder à une déduction de la valeur des biens invendus de sorte que la condition énoncée à ce titre par la Cour de justice de l'Union européenne était satisfaite, la cour d'appel a violé les articles L. 651-1, L. 651-2, L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne ;

2°/ qu'il appartient à l'organisme de recouvrement qui procède à l'assujettissement d'une société à la C3S au titre de biens transférés au sein de l'Union européenne de permettre au cotisant de déduire de l'assiette de la contribution la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'État membre de destination et celle des biens qui ont été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus, faute de quoi la valeur représentative des biens transférés au sein de l'Union européenne doit être exclue de l'assiette de la contribution ; que la société produisait, d'une part, le formulaire de déclaration au titre de la C3S qui ne mentionnait pas, parmi les déductions pouvant être mentionnées dans la case AD5, la valeur des biens ayant fait l'objet de transferts intracommunautaires sans être destinés à être vendus dans l'État membre de destination ou ayant été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus, et d'autre part, la notice de la C3S indiquant, dans sa partie consacrée aux éventuelles sommes à soustraire des opérations déclarées, que "les opérations correspondant aux exportations et aux livraisons intracommunautaires effectuées à partir de la France doivent être incluses dans la déclaration", ce dont il résultait que l'organisme n'avait pas mis les cotisants en mesure de procéder aux déductions exigées par le droit de l'Union ; qu'en retenant, pour valider le redressement opéré par l'URSSAF au titre de la C3S, que le formulaire C3S
n'interdisait pas la prise en compte de la déduction de la valeur des biens invendus dès lors que les actes administratifs de l'URSSAF ne pouvaient mettre en échec une règle d'assiette posée par la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4°/ qu'il appartient à l'organisme de recouvrement qui procède à l'assujettissement d'une société à la C3S au titre de biens transférés au sein de l'Union européenne de permettre au cotisant de déduire de l'assiette de la contribution la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'État membre de destination et celle des biens qui ont été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus, faute de quoi la valeur représentative des biens transférés au sein de l'Union européenne doit être exclue de l'assiette de la contribution ; que le recours à la procédure de remboursement des contributions sur le fondement de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, après intégration de la valeur de l'intégralité des transferts intracommunautaires dans l'assiette de la C3S, ne s'apparente pas à la déduction susvisée et ne permet pas de garantir en toute hypothèse, compte tenu des règles de prescription et des hypothèses dans lesquelles ce recours ne peut être exercé, que la valeur des biens qui ont été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus soit effectivement déduite de l'assiette de la C3S ; qu'en retenant que la condition tenant à la possibilité de déduire la valeur des biens susvisés était satisfaite dès lors que le redevable disposait d'un recours pour récupérer les sommes indûment versées au titre de la C3S et de la contribution additionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 651-3, L. 651-5 et L. 243-6 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les articles L. 651-1, L. 651-3 et L. 651-5 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur, applicable au litige :

4. La Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 14 juin 2018, C-39/17) a dit pour droit que les articles 28 et 30 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre prévoyant que l'assiette de contributions perçues sur le chiffre d'affaires annuel des sociétés, pour autant que ce dernier atteint ou dépasse un certain montant, soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet État membre vers un autre État membre de l'Union européenne, cette valeur étant prise en compte dès ledit transfert, alors que, lorsque les mêmes biens sont transférés par l'assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, sur le territoire de l'État membre concerné, leur valeur n'est prise en compte dans ladite assiette que lors de leur vente ultérieure, à la condition, premièrement, que la valeur de ces biens ne soit pas, une nouvelle fois, prise en compte dans ladite assiette lors de leur vente ultérieure dans cet État membre, deuxièmement, que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre État membre ou ont été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus et troisièmement, que les avantages résultant de l'affectation desdites contributions ne compensent pas intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise sur le marché, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

5. Pour condamner la société à payer des sommes supplémentaires au titre des contributions litigieuses, l'arrêt retient que, pour que la règle d'assiette de ces contributions soit conforme au droit communautaire, il suffit que la déduction de la valeur des biens invendus intervienne soit lors de la déclaration elle-même, soit ultérieurement, sous la forme d'un remboursement des sommes indûment versées. Il relève que le formulaire C3S, dans sa présentation applicable au litige, n'interdit pas la prise en compte de la déduction de la valeur des biens invendus puisqu'il est prévu une déclaration des opérations à soustraire (ligne AD5). Il ajoute que ce mécanisme de déduction est complété par le recours dont dispose le redevable devant l'organisme de recouvrement et les tribunaux pour récupérer les sommes indûment versées, concernant les biens invendus.

6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'organisme de recouvrement avait effectivement permis au cotisant, avant de procéder à son assujettissement, de déduire de l'assiette de la C3S la valeur des biens qui ne sont pas destinés à être vendus dans l'Etat membre où ils ont été transférés ni celle des biens qui ont été réacheminés dans l'Etat membre d'origine sans avoir été vendus, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il reçoit la société [2] en ses demandes, l'arrêt rendu le 10 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur et la condamne à payer à la société [2] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le quinze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500450
Date de la décision : 15/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 mai. 2025, pourvoi n°22500450


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500450
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