LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 501 F-D
Pourvoi n° Y 24-12.951
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [E] .
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 janvier 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
M. [O] [E], domicilié chez M. [H] [V], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 24-12.951 contre l'arrêt rendu le 20 juillet 2023 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société MJC2A, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [C] [F], en qualité de mandataire ad hoc de la société La Francilienne, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 20 juillet 2023), M. [E] a été engagé en qualité de chauffeur livreur le 11 mars 2019 par la société La Francilienne, laquelle a été dissoute le 14 mars 2020 et radiée du registre du commerce et des sociétés.
2. Victime d'un accident du travail le 12 juin 2019, il a été en arrêt de travail jusqu'au 16 octobre 2019, date à l'issue de laquelle l'employeur n'a pas souhaité le reprendre à son service.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
4. La société MJC2A a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité de son licenciement et des conséquences qu'il en tirait, alors « qu'est nul tout licenciement prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail du salarié, hormis le cas de faute grave ou d'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, la période de suspension s'achevant à la visite de reprise du salarié victime d'un accident du travail ; que dans ses conclusions d'appel, M. [E] avait expressément invoqué la nullité de son licenciement intervenu le 17 octobre 2019 sans jamais avoir passé sa visite médicale de reprise postérieurement à l'expiration de la période de suspension de son contrat, pour cause d'accident du travail, survenue le 16 octobre 2019 ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'absence de visite médicale de reprise n'impliquait pas le maintien de la période de suspension du contrat de travail après le 16 octobre 2019 et partant la nullité du licenciement prononcé le 17 octobre 2019, la cour d'appel qui s'est bornée à procéder, par des motifs inopérants, à une comparaison temporelle entre la date de fin de l'arrêt de travail, le 16 octobre 2019, et la rupture du contrat de travail, prononcée le lendemain, pour en déduire péremptoirement que le dispositif de protection issu de ces dispositions légales n'avait donc pas vocation à s'appliquer, le licenciement étant intervenu après la fin de l'arrêt de travail, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 4624-31, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 :
6. Il résulte du premier de ces textes que seul l'examen pratiqué par le médecin du travail, lors de la reprise du travail, met fin à la période de suspension du contrat de travail.
7. Selon les deux derniers, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.
8. Pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement, l'arrêt constate que celui-ci a été en arrêt de travail jusqu'au 16 octobre 2019 à la suite d'un accident du travail survenu le 12 juin 2019, que les certificats médicaux relatifs à cet accident ont été adressés à l'employeur sans qu'il ne soutienne ne pas les avoir reçus.
9. Il retient ensuite que la rupture du contrat est intervenue le 17 octobre 2019, soit après la période de suspension du contrat de travail, l'employeur n'ayant pas souhaité reprendre le salarié à son service lors de son retour dans l'entreprise à l'issue de son arrêt de travail.
10. L'arrêt en conclut que la rupture du contrat de travail est intervenue en dehors de l'hypothèse prévue à l'article L. 1226-9.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la visite de reprise avait eu lieu, alors qu'il résultait de ses constatations que la rupture du contrat de travail était intervenue le 17 octobre 2019 à l'issue d'un arrêt de travail pour accident du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de nullité du licenciement et les demandes subséquentes emporte la cassation des chefs de dispositif prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail, fixant au passif de la liquidation amiable de la société La Francilienne les créances du salarié au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents et rejetant les demandes de rappel de salaires à compter du 17 octobre 2019 et de condamnation au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
13. La cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de nullité du licenciement et les demandes subséquentes, prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail, fixant au passif de la liquidation amiable de la société La Francilienne les créances du salarié au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents et rejetant les demandes de rappel de salaires à compter du 17 octobre 2019 et de condamnation au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société MJC2A, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande de nullité du licenciement et des demandes subséquentes, prononce la résiliation du contrat de travail avec effet au 17 octobre 2019, déboute le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de rappel de salaires à compter du 17 octobre 2019, fixe au passif de la liquidation amiable de la société La Francilienne les sommes de 1 521,25 euros à titre d'indemnité de préavis et 152,12 euros au titre des congés payés afférents et en ce qu'il dit que la société MJC2A prise en la personne de M. [F], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société La Francilienne remettra une attestation destinée à Pôle emploi et conforme à la décision, l'arrêt rendu le 20 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société MJC2A, prise en la personne de M. [F], en qualité de mandataire ad hoc de la société La Francilienne, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.