LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 491 F-D
Pourvoi n° E 24-12.175
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
M. [G] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 24-12.175 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société STCE énergies, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société STCE électricité, venant aux droits de la société STCE plomberie chauffage, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ménard, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société STCE énergies, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ménard, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 21 décembre 2023) M. [V] a été engagé en qualité de chargé d'affaires par la société STCE plomberie chauffage, devenue la société STCE énergies, le 2 juillet 2012 et il occupait en dernier lieu le poste de directeur d'exploitation.
2. Le salarié a démissionné le 20 octobre 2020 et a saisi la juridiction prud'homale le 20 août 2021 afin de faire requalifier sa démission en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur et d'obtenir le paiement de sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, alors « que l'employeur qui fait travailler le salarié pendant un arrêt de travail pour maladie lui cause un préjudice en portant atteinte à son droit fondamental à la santé ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en sollicitant régulièrement le salarié pendant son arrêt de travail pour maladie afin de fournir un travail d'analyse dépassant la simple transmission d'informations nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entreprise, la cour d'appel l'a néanmoins débouté de sa demande indemnitaire motif pris qu' il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats. En l'espèce, M. [V], qui ne demande par ailleurs pas le paiement des heures de travail qu'il estime avoir effectuées pour répondre aux sollicitations de son employeur, n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice à ce titre ; qu'en statuant ainsi, quand le seul constat que le salarié avait été dans l'obligation de travailler pendant un arrêt de travail pour maladie lui ouvrait droit à réparation, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 5 et 6 de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4121-4 du code du travail, interprétés à la lumière des articles 5 et 6 de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 :
5. Il résulte de ces textes que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Lorsqu'il confie des tâches à un travailleur, l'employeur doit prendre en considération les capacités de ce travailleur en matière de sécurité et de santé.
6. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir constaté que l'employeur avait manqué à ses obligations en n'imposant pas à l'intéressé de ne pas travailler pendant son arrêt maladie, retient que ce dernier, qui ne demande pas le paiement des heures de travail qu'il estime avoir effectuées pour répondre aux sollicitations de son employeur, n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice à ce titre.
7. En statuant ainsi, alors que le seul constat du manquement de l'employeur en ce qu'il a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ouvre droit à réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [V] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société STCE plomberie chauffage, devenue la société STCE énergies, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société STCE plomberie chauffage, devenue la société STCE énergies, et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.