LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 6 mai 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 437 F-D
Pourvoi n° E 23-17.668
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
M. [G] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-17.668 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Sum Tech, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Sum Tech a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sum Tech, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller, M. Redon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 mars 2023), M. [W] a été engagé en qualité d'ingénieur qualité sécurité environnement, le 9 janvier 2006, par la société Sum Tech (la société). En dernier lieu, il exerçait les fonctions de directeur de production.
2. Par lettre du 5 septembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 14 septembre 2018, puis, par lettre du 20 septembre 2018, il a été licencié pour faute.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes infondées, de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque la rupture du contrat de travail est consommée avant que le ou les motifs du congédiement n'aient été portés à la connaissance du salarié, peu important l'envoi postérieur d'une lettre de licenciement énonçant le motif du congédiement ; qu'en énonçant qu''à défaut pour l'employeur d'avoir exprimé la volonté de mettre fin au contrat de travail avant l'entretien préalable, la décision de licencier avant l'entretien préalable, à la supposer établie, est une irrégularité de procédure qui ne rend pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse'', cependant que l'embauche de personnel destiné à assumer tout ou partie des missions assumées par le salarié antérieurement à sa convocation à un entretien préalable au licenciement constitue une manifestation suffisante de la volonté de l'employeur de rompre le contrat de travail et s'analyse ainsi, nonobstant l'absence de publicité donnée à cette décision auprès de l'intéressé, d'autres salariés ou de tiers, en une notification non motivée du licenciement, privant nécessairement celui-ci de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2018 217 du 29 mars 2018 ;
2°/ que la cour d'appel a admis la recevabilité de la pièce n° 54 du salarié et constaté qu' ''il s'agit d'un échange de courriels entre une assistante de ressources humaines et un salarié embauché à compter du 1er octobre 2018 en qualité de responsable de production'' ; que le salarié soutenait expressément que ce salarié, qu'il qualifiait de ''remplaçant'', avait été embauché avant son licenciement pour prendre en charge, dans le cadre d'un remaniement de l'organisation hiérarchique de l'entreprise, une partie de ses missions, l'autre partie étant déjà assumée, depuis le mois de novembre 2017, par le directeur industriel de l'entreprise, leurs deux postes de direction faisant partiellement doublon ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si la décision de l'employeur de licencier le salarié n'avait pas été prise avant la tenue de son entretien préalable au licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article L. 1232-6 du code du travail que la rupture du contrat de travail, en l'absence de lettre de licenciement, ne peut résulter que d'un acte de l'employeur par lequel il manifeste au salarié ou publiquement sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
7. La cour d'appel a constaté que les négociations salariales commencées le 12 septembre 2018 avec un tiers, qui sera engagé le 1er octobre 2018 en qualité de responsable de production, pour remplacer le salarié licencié le 20 septembre 2018, ne pouvaient être analysées comme l'expression par l'employeur d'une volonté de mettre fin à la relation contractuelle, en sorte que le licenciement de fait avant l'entretien préalable du 14 septembre 2018 n'était pas établi.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses cinquième et sixième branches
9. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 5°/ que l'employeur ne peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié qu'à la condition qu'ils procèdent de faits distincts et que soient respectées les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement ; que, lorsque les griefs disciplinaires et non disciplinaires ne sont pas précisément distingués dans la lettre de licenciement, le licenciement a, dans sa globalité, un caractère disciplinaire ; que, pour dire le licenciement justifié, la cour d'appel a retenu que ''la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche au salarié à la fois une insuffisance professionnelle (niveau du taux de service inacceptable, résultats insuffisants) et des manquements volontaires (absence de mise en place d'indicateurs d'amélioration continue sur les secteurs "expéditions" et "hydrauliques" demandés en mai 2018, la non-gestion du projet UA série 3 dans le planning malgré une note du 12 mars 2018 de la direction générale, manquement sur le plan managérial et comportemental par un manque d'implication au niveau de la sécurité, absence de mise en oeuvre de la supervision des équipes de production mises à disposition lors de l'inventaire du magasin malgré la demande qui lui avait été faite)'' ; qu'en statuant ainsi, cependant que la lettre de licenciement - qui indique clairement : ''nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute réelle et sérieuse'' - ne distinguait pas précisément les griefs disciplinaires imputés au salarié des insuffisances qui lui étaient reprochées, ce dont il résultait que le licenciement avait, dans sa globalité, un caractère disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, le premier en sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 et le second en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
6°/ que l'insuffisance professionnelle du salarié ne peut justifier son licenciement disciplinaire que si elle procède de son abstention volontaire ou de sa mauvaise volonté délibérée ; que, pour admettre le bien fondé du licenciement, la cour d'appel a estimé, d'une part, que ''le salarié, directeur de production, ne maîtrisait pas le processus de fabrication de manière à respecter les délais de livraison'', d'autre part, que ''de nombreux incidents viennent certes expliquer le non-respect des délais de livraison, mais démontrent également que le directeur de la production qu'il était n'avait pas mis en place les outils nécessaires à une planification de la production de manière à fiabiliser les délais de productions même si ces délais étaient imposés par la direction'' et, enfin, que ''le faible résultat par rapport au résultat attendu, qu'il soit de 218 000,00 euros ou de 325 000,00 euros est imputable au salarié, incapable d'assurer la production attendue'' ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater que les insuffisances imputées au salarié procédaient de son abstention volontaire ou de sa mauvaise volonté délibérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, le premier en sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 et le second en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.»
Réponse de la Cour
10. Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
11. La cour d'appel, après avoir examiné l'ensemble des griefs énoncés à la lettre de licenciement, a relevé qu'elle faisait état de griefs relevant d'une insuffisance professionnelle non fautive et d'autres faits caractérisant des manquements volontaires constitués par l'absence de mise en place d'indicateurs d'amélioration continue sur deux secteurs, malgré les demandes formées en mai 2018 et d'autres manquements fautifs dont un manque d'implication en matière de sécurité, ce dont elle a pu déduire que le licenciement avait été prononcé pour des motifs disciplinaires.
12. Exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.