LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 223 F-D
Pourvoi n° J 23-17.626
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
1°/ M. [X] [F],
2°/ Mme [B] [U], épouse [F],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° J 23-17.626 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [D] [Y],
2°/ à Mme [O] [V], épouse [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
3°/ à M. [S] [H], domicilié [Adresse 4],
4°/ à M. [Z] [L], domicilié [Adresse 7],
5°/ à M. [W] [T],
6°/ à Mme [P] [K], épouse [T],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
7°/ au syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8], représenté par son syndic la société AMS immobilier, dont le siège est [Adresse 5],
8°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
9°/ à M. [A] [C], domicilié [Adresse 1],
10°/ à la société Koch et associés, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [A] [C],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [F], de la SCP Spinosi, avocat du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 9], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. et Mme [F] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Axa France IARD, M. [C] et la société Koch et associés, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [C].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 6 décembre 2022), M. et Mme [F] (les vendeurs) ont fait édifier un ensemble immobilier à usage d'habitation comprenant quatre appartements qu'ils ont, après adoption d'un règlement de copropriété, successivement vendus à M. et Mme [T], Mme [E], qui a ultérieurement cédé ses lots à M. [L], M. et Mme [Y] et M. et Mme [H], depuis décédée et aux droits de laquelle vient M. [H] (les propriétaires).
3. Faisant valoir divers désordres, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8] (le syndicat des copropriétaires) et les propriétaires ont, après expertise, assigné les vendeurs aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer aux propriétaires une certaine somme chacun au titre de leur préjudice matériel, alors « que la responsabilité décennale des constructeurs ne garantit que les désordres affectant les ouvrages réceptionnés qui n'étaient pas apparents lors de la réception ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la responsabilité décennale de M. et Mme [F] était engagée pour les désordres affectant le carrelage fissuré du séjour, que, d'une part, M. et Mme [F] ne contestaient ni la qualification d'ouvrage concernant l'immeuble en litige ni le fait qu'ils devaient être réputés constructeurs de l'ouvrage et, d'autre part, que ces désordres rendaient l'ouvrage impropre à sa destination, sans constater, tandis que la nature décennale des désordres était contestée, que l'ouvrage avait été réceptionné et, le cas échéant, que ces désordres n'étaient alors pas apparents, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. M. et Mme [F], qui étaient seuls à pouvoir prétendre qu'ils n'avaient pas reçu l'ouvrage avant de le vendre ou que les désordres l'affectant étaient apparents au jour de la réception, n'ayant pas contesté, dans leurs conclusions d'appel, l'existence d'une réception, dont se prévalaient le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires, ni soutenu que certains des désordres dénoncés auraient été apparents au jour où ils ont reçu l'ouvrage, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a retenu que les désordres compromettaient la solidité de l'ouvrage ou le rendaient impropre à sa destination.
7. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables à agir en nullité de l'assignation pour défaut d'autorisation à agir en justice du syndic, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles qu'elles ressortent de leurs conclusions ; que devant la cour d'appel, aucune des parties ne remettaient en cause le fait, constaté par les premiers juges et dès lors constant, que M. et Mme [F] avaient soulevé leur exception de nullité de l'assignation pour défaut d'autorisation à agir en justice du syndic dans leurs conclusions du 24 avril 2017 ; que, d'une part, M. et Mme [F] faisaient valoir que le jugement entrepris devait être infirmé en ce qu'il avait fait application de l'article 12 du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 ayant réservé le droit de soulever cette exception aux copropriétaires, dès lors que ce texte n'était applicable qu'aux exceptions présentées à compter du 29 juin 2019 ; que, d'autre part, les demandeurs se bornaient à soulever l'irrecevabilité de cette exception tirée de l'incompétence de la cour d'appel pour en connaître, au profit du conseiller de la mise en état, et son mal-fondé tiré de l'existence d'une autorisation à agir en justice du syndic, et donnaient acte à M. et Mme [F] de ce que l'article 12 du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 ayant réservé le droit de soulever cette exception de nullité aux copropriétaires ne pouvait régir que les exceptions présentées à compter du 29 juin 2019 ; qu'en retenant, pour déclarer M. et Mme [F] irrecevables en leur exception, qu'ils avaient présenté leur exception de nullité pour la première fois dans leurs conclusions de première instance du 22 août 2019, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
10. Pour confirmer le jugement ayant déclaré les vendeurs irrecevables à agir en nullité de l'assignation pour défaut d'autorisation à agir en justice du syndic, l'arrêt retient que l'article 55, alinéa 2, du décret n° 67-233 du 17 mars 1967, dans sa version résultant du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019, lequel prévoit que seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice, est entré en vigueur le 29 juin suivant et relève que M. et Mme [F] ont présenté leur exception de nullité pour la première fois dans leurs conclusions de première instance déposées le 22 août 2019.
11. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, les parties ne remettaient pas en cause le fait, constaté par les premiers juges, que M. et Mme [F] avaient soulevé leur exception de nullité de l'assignation pour défaut d'autorisation à agir en justice du syndic dans leurs conclusions du 24 avril 2017, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. et Mme [Y], M. et Mme [T], M. [L] et M. [H] une certaine somme chacun au titre de leur préjudice de jouissance, alors « que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit ; qu'en évaluant à une certaine somme les préjudices de jouissance subis par les copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] en raison des désordres affectant l'immeuble, après avoir constaté que le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires avaient été autorisés à faire réaliser les travaux de reprise de l'immeuble le 6 juin 2017 et ne précisaient pas la date à laquelle ceux-ci avaient effectivement été réalisés, de sorte qu'elle ignorait la durée du préjudice de jouissance qu'elle indemnisait, la cour d'appel, qui a fixé forfaitairement ce préjudice, a violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice :
13. En application de ce principe, le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime.
14. Pour allouer certaines sommes aux copropriétaires au titre de leur préjudice de jouissance, l'arrêt retient l'existence de troubles liés aux multiples infiltrations subies et de désagréments consécutifs aux travaux de rénovation nécessaires pendant une durée de trois mois impliquant des frais de relogement et de garde-meuble pour chaque copropriétaire.
15. En statuant ainsi, après avoir relevé que le syndicat des propriétaires et les copropriétaires avaient été autorisés le 6 juin 2017 à faire effectuer les travaux de reprise de l'ouvrage et ne précisaient pas la date à laquelle ceux-ci avaient été effectivement réalisés, la cour d'appel, qui a indemnisé le trouble de jouissance des propriétaires sans en connaître la durée exacte, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif confirmant le jugement ayant déclaré les vendeurs irrecevables à agir en nullité de l'assignation pour défaut d'autorisation à agir en justice du syndic entraîne la cassation des chefs de dispositif les condamnant à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires au titre des réparations de l'immeuble et en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
17. La cassation des chefs de dispositif condamnant les vendeurs à payer certaines sommes aux propriétaires au titre de leur préjudice de jouissance n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt les condamnant à leur verser d'autres sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
Mise hors de cause
18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause le syndicat des copropriétaires, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant déclaré M. et Mme [F] irrecevables à agir en nullité de l'assignation du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8] à [Localité 9] pour défaut d'autorisation à agir en justice du syndic et condamne M. et Mme [F] à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8] à [Localité 9] au titre des réparations de l'immeuble et en application de l'article 700 du code de procédure civile et à M. et Mme [Y], M. [H], M. [L], M. et Mme [T] au titre de leur préjudice de jouissance, l'arrêt rendu le 6 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8] à [Localité 9] ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. et Mme [Y], M. [H], M. [L], M. et Mme [T] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] à [Localité 9] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.