LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 30 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 404 F-D
Pourvoi n° R 22-18.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
M. [W] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-18.410 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à [G] [S], ayant été domiciliée [Adresse 1], décédée le [Date décès 4] 2022,
2°/ à M. [T] [V], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [J] [V], domicilié, [Adresse 6],
4°/ à Mme [O] [V], domiciliée, [Adresse 5],
tous trois pris en qualité d'héritiers de [G] [S],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [W] [V], de la SCP Alain Bénabent, avocat de [G] [S], décédée, MM. [T] et [J] [V], et Mme [O] [V], pris en qualité d'héritiers de [G] [S], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [W] [V] de sa reprise d'instance, à la suite du décès de [G] [S] le [Date décès 4] 2022, à l'encontre de ses trois enfants, MM. [T] et [J] [V] et Mme [O] [V].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 mai 2022), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 11 avril 2013, pourvoi n° 12-15.837) et les productions, M. [W] [V] a fait délivrer le 30 juin 2004 à [G] [S] un commandement aux fins de saisie-vente en exécution de l'arrêt d'une cour d'appel ayant statué sur la liquidation de leur communauté.
3. A la suite de la contestation de [G] [S] devant un juge de l'exécution, une cour d'appel a, par un arrêt du 26 janvier 2006, annulé le commandement et ordonné la mainlevée de tous les actes d'exécution subséquents.
4. Cet arrêt ayant été cassé (2e Civ., 13 septembre 2007, n° 06-16.557), la cour d'appel de renvoi a, par un arrêt du 15 septembre 2011, déclaré l'instance éteinte et la cour d'appel dessaisie.
5. Cet arrêt a fait l'objet d'une cassation (2e Civ., 11 avril 2013, pourvoi n° 12-15.837).
6. Par déclaration du 10 avril 2015, M. [W] [V] a saisi la cour d'appel de renvoi.
7. L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 30 mars 2017, date à laquelle elle a été évoquée, puis mise en délibéré à l'audience du 29 juin 2017.
8. Par mention au dossier du 11 mai 2017, la cour d'appel, constatant que M. [W] [V] s'était pourvu en cassation contre la décision du premier président distribuant la présente affaire à sa huitième chambre, a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur le mérite d'un sursis à statuer.
9. Par un arrêt du 6 juillet 2017, la cour d'appel a sursis à statuer et par un arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2018 (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 17-14.730), le pourvoi a été déclaré irrecevable.
10. M. [W] [V] a transmis le 31 mars 2018 à la cour d'appel l'arrêt de la Cour de cassation puis demandé le 19 juin 2019 à être tenu informé de l'évolution du dossier, et le 24 juin 2021 que le dossier soit audiencé.
11. Par avis du greffe en date du 13 juillet 2021, les parties ont été avisées des dates de clôture de l'instruction et des plaidoiries.
12. M. [W] [V] ayant conclu à l'irrecevabilité des conclusions de Mme [S] du 20 août 2015, cette dernière a soulevé reconventionnellement la péremption de l'instance.
13. Par une ordonnance du 16 décembre 2021, un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.
14. M. [W] [V] a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
15. M. [W] [V] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai du 16 décembre 2021 ayant prononcé la péremption de l'instance, alors « que le délai de péremption ne court pas lorsque la direction de la procédure échappe aux parties ; qu'il résulte de l'arrêt rendu par la 8ème chambre de la cour d'appel de Douai le 6 juillet 2017 que, alors que la clôture de l'instruction était intervenue, que l'affaire avait été fixée, que les parties avaient plaidé et fait valoir leurs observations sur un éventuel sursis à statuer, la cour d'appel a sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la Cour de cassation saisie d'un pourvoi dirigé contre la décision du Premier président de la cour d'appel de Douai du 27 janvier 2017 ayant distribué l'affaire à la 8ème chambre de la cour, et ce, sans mettre à la charge des parties la moindre diligence à accomplir ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le 31 mars 2018, M. [W] [V] avait communiqué à la cour d'appel l'arrêt d'irrecevabilité rendu par la Cour de cassation ayant pour conséquence que la 8ème chambre de la cour demeurait saisie du litige, de sorte qu'il ne restait plus à cette dernière qu'à se prononcer sur le fond du litige après avoir, le cas échéant, fixé une nouvelle date d'audience si elle souhaitait réentendre les parties ; qu'en jugeant que le délai de péremption avait recommencé à courir dès le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, le 1er février 2018, pour opposer à M. [W] [V] la péremption de l'instance, après avoir constaté que le dernier message adressé par son conseil le 24 juin 2021 était intervenu plus de deux ans après le précédent du 19 juin 2019, lorsqu'il n'appartenait pas à ce stade, aux parties, mais seulement à la cour, de faire progresser l'affaire en rendant sa décision, la cour d'appel a violé les articles 386 et 392 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 386 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :
16. Aux termes du deuxième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
17. Il résulte du premier que si les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent, elles ne sont plus tenues à aucune diligence à compter de la clôture des débats.
18. Aux termes du quatrième, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
19. Il résulte du troisième que la réouverture des débats n'emporte pas la révocation de l'ordonnance de clôture lorsqu'elle est ordonnée en application des dispositions de l'article 444 du code de procédure civile pour permettre aux parties de conclure sur une question posée.
20. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'après la clôture des débats, la péremption ne court plus à l'encontre des parties, à moins qu'une nouvelle date de clôture de l'instruction et de plaidoirie ait été fixée.
21. Pour prononcer la péremption de l'instance, l'arrêt relève que l'arrêt du 6 juillet 2017 a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation et que le délai de péremption a recommencé à courir dès le prononcé de cet arrêt, le 1er février 2018, puis interrompu le 19 juin 2019 par le message de l'avocat de M. [W] [V].
22. Il retient que ce dernier n'était pas délié de son obligation d'accomplir des diligences de nature à faire avancer la procédure et que ce n'est que le 24 juin 2021, postérieurement au délai de deux ans suivant la date du 19 juin 2019, que M. [W] [V] a demandé que le dossier soit fixé à l'audience.
23. En statuant ainsi, alors qu'une ordonnance de clôture des débats avait été rendue le 10 juin 2016, qui n'avait pas été révoquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne MM. [T] et [J] [V] et Mme [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [T] et [J] [V] et Mme [V] et les condamne à payer à M. [W] [V] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.