LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 29 avril 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 406 F-D
Pourvoi n° V 23-23.984
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025
M. [X] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 23-23.984 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2023 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale, PH), dans le litige l'opposant à Société aéroport [Localité 3] Provence, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 octobre 2023), M. [T] a été engagé en qualité d'agent statutaire par la chambre de commerce et d'industrie de Nice le 4 mai 1990 puis par la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse (la CCI).
2. À compter du 19 mars 2009, l'agent a exercé les fonctions de directeur de l'aéroport d'[Localité 3]-Caumont en exécution d'une délégation de service public conclue par la région Provence Alpes Côte d'Azur avec la CCI.
3. A compter du 19 mars 2018, la gestion de l'aéroport a été confiée par la la CCI à la Société aéroport [Localité 3] Provence, société dédiée à la gestion et l'exploitation de l'aéroport d'[Localité 3]-Provence (la société).
4. Le 27 juin 2018, l'intéressé a adressé au président de la CCI, une lettre par laquelle il refusait de signer le projet de convention tripartite de détachement et le projet de contrat de travail à durée indéterminée qui lui avaient été adressés.
5. Estimant avoir été lié à la société par un contrat de travail, M. [T] a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture de ce contrat.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. M. [T] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que pour écarter en l'espèce l'existence d'une relation de travail salariée entre M. [T] et la Société aéroport [Localité 3] Provence, la cour d'appel a jugé que le 27 juin 2018, M. [T] avait formalisé son refus de signer le contrat de travail et donc de se mettre à la disposition de la Société aéroport [Localité 3] Provence et qu'il n'avait jamais sollicité la régularisation d'un contrat de travail avec cette société avant avril 2019, de sorte que ce qui s'est passé antérieurement au 27 juin 2018 ne peut être regardé comme une activité salariée pour le compte de la Société aéroport [Localité 3] Provence mais au seul profit de la CCI de Vaucluse et ce dans le cadre de ses attributions de directeur de l'aéroport intervenant au titre de la délégation de service public confiée à la CCI de Vaucluse par la région PACA, renouvelée en 2017 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs tenant à la volonté exprimée par M. [T], impropres à écarter l'existence d'un contrat de travail entre ce dernier et la Société aéroport [Localité 3] Provence, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que l'absence de signature d'une convention de détachement et le bénéfice du statut de la fonction publique ne suffisent pas à disqualifier l'existence d'un contrat de travail entre un fonctionnaire et un organisme de droit privé ; que pour écarter en l'espèce l'existence d'une relation de travail salariée entre M. [T] et la Société aéroport [Localité 3] Provence, la cour d'appel a relevé que par courrier du 27 juin 2018, M. [T] avait refusé de signer le projet de convention tripartite de détachement et le projet de contrat de travail à durée indéterminée qui lui avaient été adressés, qu'il était donc resté dans les effectifs de la CCI de Vaucluse nonobstant les mentions erronées portées sur ses bulletins de travail et n'avait jamais quitté cette structure ; qu'en statuant ainsi, par des motifs tenant au statut d'agent public de M. [T], impropres à eux seuls à écarter l'existence d'un contrat de travail entre ce dernier et la Société aéroport [Localité 3] Provence, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :
7. Il résulte de ce texte que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs et que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
8. Nonobstant l'absence de convention prévoyant le détachement, l'agent de droit public qui travaille dans des conditions de fait caractérisant un contrat de travail pour un organisme de droit privé qui le rémunère est lié à cet organisme par un contrat de travail.
9. Pour rejeter les demandes de M. [T], l'arrêt, après avoir constaté que l'intéressé produisait un courriel du RH de la CCI de Vaucluse du 10 avril 2018 confirmant la suppression de son poste à la CCI, la déclaration préalable à l'embauche faite par la Société aéroport [Localité 3] Provence, le versement d'un salaire par cette société ainsi que la délégation de pouvoir confirmant son rattachement hiérarchique au directeur général délégué de celle-ci, un courriel du 25 avril 2018 qui lui avait été adressé pour lui demander la mise en place du RGPD avec une « deadline » au 1er juin, sa participation à des réunions avec les délégués du personnel, sa présence dans la gestion du personnel de cette société et son implication dans la mise en place de sa nouvelle charte graphique, retient que M. [T], qui avait manifesté son accord pour un détachement lors d'une réunion du 26 février 2018 réitéré par courriel le 7 mars 2018, n'a formalisé son refus de signer le contrat de travail et donc de se mettre à la disposition de la société que le 27 juin 2018 en sorte que ce qui s'est passé antérieurement ne peut être regardé comme une activité salariée pour le compte de celle-ci mais au seul profit de la CCI de Vaucluse.
10. En statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence, l'arrêt rendu le 24 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la Société aéroport [Localité 3] Provence aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société aéroport [Localité 3] Provence à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-neuf avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.