LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 23-86.938 F-D
N° 00471
ODVS
8 AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 AVRIL 2025
Mme [R] [S], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de discrimination, harcèlement moral et violation du secret professionnel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [R] [S], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme [R] [S], agent de l'administration des impôts, a porté plainte et s'est constituée partie civile en dénonçant des faits de discrimination, harcèlement moral et violation du secret professionnel commis à son encontre par divers membres de son administration entre le 17 août 2012 et le 7 septembre 2018, lors de ses affectations dans le Haut-Rhin, puis dans la Drôme.
3. À l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.
4. Mme [S] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue par le juge d'instruction de Valence le 30 décembre 2022 ayant prononcé le non-lieu à suivre en raison de l'insuffisance des charges contre quiconque d'avoir commis les faits de discrimination, alors « que les juridictions d'instruction sont tenues d'examiner les faits objets de la plainte sous toutes les qualifications possibles et de répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; qu'en se bornant à retenir qu'aucune discrimination n'a été établi à l'égard de Mme [S] « en raison de son sexe » alors qu'au sein tant de sa plainte avec constitution de partie civile que de son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, la partie civile dénonçait également des faits de discrimination en raison de son état de santé, la chambre de l'instruction, qui n'a pas examiné les faits dénoncés par Mme [S] sur ce point, a violé les articles 81, 85, 176, 211 et 212 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 85, 86 et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon les deux premiers de ces textes, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public. Cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86 du code de procédure pénale, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.
8. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de discrimination, l'arrêt attaqué énonce, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 1142-1, 3°, et L. 1146-1 du code du travail relatifs à la répression de mesures prises dans le cadre du travail en considération du sexe ou de la grossesse, qu'aucune discrimination n'a été établie à l'égard de la plaignante en raison de son sexe.
10. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait, d'une part, d'examiner les faits, objet de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, notamment celles de discrimination en raison de l'état de santé résultant des articles 225-1 et suivants et 432-7 du code pénal, d'autre part, de répondre au mémoire régulièrement déposé devant elle qui faisait valoir que le juge d'instruction avait omis d'informer sur des faits de discrimination en raison de l'état de santé dénoncés dans la plainte, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 novembre 2023, mais en ses seules dispositions ayant dit n'y avoir lieu à suivre du chef de discrimination, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt-cinq.