LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-86.683 F-D
N° 00445
SL2
2 AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 AVRIL 2025
M. [D] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 17 octobre 2023, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, l'a condamné à une amende douanière et des confiscations.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [D] [N], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de
l'administration des douanes et droits indirects et de la direction régionale des douanes et droits indirects de Lorraine, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [D] [N] a été contrôlé par les agents des douanes alors qu'il était porteur de 32 790 euros et 4 430 zlotys, sommes qu'il n'avait pas déclarées.
3. Par jugement du 11 octobre 2022, il a été condamné pour transfert de capitaux sans déclaration à une amende de 3 000 euros avec sursis et à la confiscation de la somme de 22 760 euros.
4. L'intéressé et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement et a condamné M. [N] à une amende douanière de 17 145 euros, ordonné la confiscation du scellé douanier contenant la somme de 4 430 zlotys et la confiscation de la somme de 32 790 euros, alors :
« 1°/ qu'eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal ; qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée de sorte que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier en répression des infractions aux obligations déclaratives en matière de transfert de capitaux, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, doit également motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient ; que pour infirmer le jugement qui a condamné M. [N] à une amende de 3 000 euros, l'arrêt attaqué énonce que, conformément à l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, M. [N] sera condamné à une amende douanière de 17 145 euros, correspondant à 50% des sommes saisies ; qu'en se prononçant par des motifs dont il se déduit que la cour d'appel s'est considérée comme tenue de prononcer l'amende minimale encourue sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a violé les articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout arrêt ou jugement doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; qu'en se bornant à ordonner la confiscation du scellé douanier SIE-022 contenant la somme de 4 430 zlotys et la confiscation de la somme de 32 790 euros (SIE-001) sans vérifier que les conditions de la confiscation posées par l'article L. 152-4 II du code monétaire et financier sont remplies, la cour d'appel a statué par voie de pure affirmation et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 152-4 II du code monétaire et financier. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 365 et 369 du code des douanes, L. 152-4 du code monétaire et financier, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :
7. Aux termes du deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal.
8. Il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée.
9. Il résulte du I du troisième de ces textes que la méconnaissance des obligations déclaratives énoncées à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier est punie d'une amende égale à 50 % de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction.
10. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4, I, du code monétaire et financier en répression du délit de transfert non déclaré de capitaux, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, doit également motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient.
11. Par ailleurs, en vertu du II du troisième de ces textes, en cas de constatation de l'infraction de transfert de capitaux en méconnaissance des obligations déclaratives énoncées à l'article L. 152-1 précité par les agents des douanes, ceux-ci consignent la totalité de la somme sur laquelle a porté l'infraction. La somme consignée est saisie et sa confiscation peut être prononcée par la juridiction compétente si, pendant la durée de la consignation, il est établi que l'auteur de l'infraction est ou a été en possession d'objets laissant présumer qu'il est ou a été l'auteur d'une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il participe ou a participé à la commission de telles infractions ou s'il y a des raisons plausibles de penser que l'auteur de l'infraction a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il a participé à la commission de telles infractions.
12. Pour condamner le prévenu à une amende douanière de 17 145 euros, et ordonner la confiscation des sommes de 32 790 euros et 4 430 zlotys, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, indique que la somme de 17 145 euros correspond à 50 % des sommes saisies.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision.
15. En second lieu, la cour d'appel n'a pas établi que le prévenu est ou a été en possession d'objets laissant présumer qu'il est ou a été l'auteur d'une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il participe ou a participé à la commission de telles infractions ou qu'il y a des raisons plausibles de penser qu'il a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il a participé à la commission de telles infractions.
16. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 17 octobre 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.