LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 avril 2025
Cassation
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 194 F-D
Pourvoi n° B 23-10.535
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
1°/ La société Tht bio-science, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Pierre-Henri Frontil, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par M. Pierre-Henri Frontil pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Tht bio-science,
3°/ la société Pro concept chirurgical, société par actions simplifiée, radiée le 20 janvier 2025, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° B 23-10.535 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [Z] [U], domicilié [Adresse 7],
2°/ à M. [T] [U], domicilié [Adresse 2],
3°/ à M. [K] [U], domicilié [Adresse 6],
4°/ à Mme [X] [R], domiciliée [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Thomas, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat des sociétés Tht bio-science, Pierre-Henri Frontil, ès-qualités, et Pro concept chirurgical, et de la SCP Richard, avocat de MM. [Z], [I] et [K] [U] et de Mme [R], après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Thomas, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 novembre 2022), le 15 février 2006, la société Textile HI Tech, devenue Tht bio-science (la société THT), a acquis la totalité des actions de la société Pro concept chirurgical (la société Pro concept), moyennant le prix de 1 300 000 euros, auprès des associés de celle-ci, avec lesquels une convention de garantie de passif a été conclue le même jour.
2. A la suite de la révélation de surfacturations, et après réalisation d'un audit à sa demande, la société THT a, le 2 mai 2006, mis en demeure les cédants, à savoir [X] [M], MM. [T] et [K] [U] et Mme [R], de l'indemniser, en application de la convention de garantie de passif, ce qu'ils ont refusé par lettre du 6 juin 2006.
3. Le 15 mars 2007, la société THT les a assignés aux fins d'obtenir notamment, en exécution de la convention, la réduction du prix de vente et le reversement dans les caisses de la société Pro concept d'une somme correspondant au passif non comptabilisé.
2. [X] [M] est décédée le 2 juillet 2012, en laissant pour lui succéder son époux, M. [Z] [U].
4. Par un jugement du 27 juillet 2013, la société THT a été mise en redressement judiciaire puis, le 16 juillet 2014, un plan de redressement a été arrêté. La société Pierre-Henri Frontil, désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan, est intervenue à l'instance.
5. MM. [Z], [T] et [K] [U] et Mme [R] (les consorts [U]) ont reconventionnellement demandé la fixation au passif de la société THT de leurs créances respectives au titre du solde du prix de cession et de dommages et intérêts.
6. En cause d'appel, la société Pro concept est intervenue volontairement à l'instance aux côtés des sociétés THT et Pierre-Henri Frontil, ès qualités.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés THT, Pierre-Henri Frontil, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société THT, et Pro concept font grief à l'arrêt de fixer comme suit la créance chirographaire des consorts [U] à la procédure collective de la société THT, au titre du solde du prix de cession des actions : M. [Z] [U], à la somme de 845 002 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007 ; M. [K] [U], à la somme de 65 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007 ; Mme [X] [R] à la somme de 130 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007 ; M. [T] [U], à la somme de 65 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007, et de rejeter toutes autres demandes, notamment les demandes des sociétés THT et Pro concept formées à titre principal sur la mise en jeu de la garantie de passif à hauteur de 1 550 066,52 euros, alors « que dans ses écritures d'appel, la société THT avait formulé plusieurs demandes sur la mise en jeu de la convention de garantie à hauteur de 1 550 066,52 euros ; que, notamment, elle avait demandé à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il avait "déclaré recevable la mise en oeuvre de la convention de garantie de passif par THT Bio-Science" mais de l'infirmer en ce qu'il avait "limité la mise en oeuvre de la convention de garantie de passif au montant de 365 066,52 euros", en ce qu'il avait "fixé le prix de vente de la totalité des actions de la société Pro concept à la somme de 934 933,48 euros" et en ce qu'il avait condamné la société THT "à payer aux consorts [U] la somme de 834 933,48 euros au titre du solde du prix de vente" ; qu'en conséquence, la société THT demandait à ce que soit déclarée recevable sa mise en jeu de la garantie de passif à hauteur de 1 550 066,52 euros, de juger que le solde du prix de vente dû aux consorts [U] par la société THT devait être réduit à 0 euro, d'ordonner la compensation entre l'indemnisation due par les consorts [U] au titre de la convention de garantie de passif et le solde du prix de vente des parts de la société Pro concept dû par la société THT aux consorts [U] et condamner ces derniers à payer à la société THT la somme de 100 000 euros correspondant à la quote-part du prix de cession précédemment payée par la société THT ; qu'il s'ensuit que la société THT avait formulé des demandes fondées sur la mise en jeu de la convention de garantie d'actif et de passif ; que ce fondement était d'ailleurs développé dans le corps de ses écritures, puisqu'elle faisait valoir, d'une part, avoir valablement mis en jeu la garantie de passif et, d'autre part, que les sommes réclamées étaient couvertes par la garantie de passif en raison du non-respect des obligations contractuelles par les cédants ; que les consorts [U] ne contestaient d'ailleurs pas l'existence de telles demandes formulées par la société THT puisqu'ils prétendaient à l'inapplicabilité de la convention de garantie de passif mise en oeuvre par la société THT ; qu'en se bornant toutefois à examiner les demandes de la société THT sous l'angle du vice de consentement parce que, selon elle, la société THT n'aurait plus invoqué le fondement de l'exécution de la convention de garantie devant elle, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4, alinéa 1, du code de procédure civile :
8. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
9. Pour rejeter les demandes formées par la société THT au titre de la mise en oeuvre de la convention de garantie de passif, l'arrêt retient que la société THT n'invoquait plus l'exécution de la convention de garantie de passif, de sorte que ses demandes ne pouvaient plus être examinées que sous l'angle du vice du consentement.
10. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société THT avait, à titre principal, sollicité la mise en jeu de la garantie de passif à hauteur de 1 550 066,52 euros et formé des demandes qui en découlaient, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation intervenue sur le premier moyen, portant sur la demande formée à titre principal, entraîne par voie de conséquence la cassation de tous les autres chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne Mme [R], MM. [Z], [T] et [K] [U], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [R], MM. [Z], [T] et [K] [U] et les condamne in solidum à payer aux sociétés Tht bio-science et Pierre-Henri Frontil, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Tht bio-science, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.