LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 191 F-D
Pourvoi n° C 23-23.876
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
M. [O] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-23.876 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2023 par la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est [Adresse 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur des finances publiques, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2023), le 24 décembre 2014, M. [K] a adressé à l'administration fiscale une réclamation contentieuse portant sur le supplément d'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2008 et 2009 mis en recouvrement le 16 décembre 2014. Cette réclamation n'a pas donné lieu à une notification de décision de l'administration fiscale dans le délai de six mois suivant la date de sa présentation.
2. Le 26 juillet 2016, M. [K] a adressé à l'administration fiscale une seconde réclamation, se référant à celle du 24 décembre 2014, sans exposer de nouveaux moyens.
3. Le 20 décembre 2018, l'administration a rejeté la réclamation du 26 juillet 2016 par décision motivée. Ce rejet ne faisant pas référence à la réclamation du 24 décembre 2014 restée sans réponse, le contribuable a, le 19 décembre 2019, assigné l'administration, contestant le rejet implicite de cette première réclamation.
Examen du moyen
Sur le moyen
Enoncé du moyen
4. M. [K] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en toutes ses demandes pour cause de forclusion de son action, alors :
« 1°/ qu'en l'absence de réponse à une réclamation formée par le contribuable, une décision implicite de rejet de l'administration naît à l'expiration d'un délai de six mois ; qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la réception d'un avis de mise en recouvrement le 16 décembre 2014, Monsieur [K] a formé une réclamation le 24 décembre 2014 à laquelle l'administration n'a pas répondu, de sorte qu'une décision implicite de rejet est née à l'expiration d'un délai de six mois ; qu'en considérant néanmoins qu'au 26 juillet 2016, "l'administration n'avait pas pris de décision à la suite d'une instruction de la réclamation du 24 décembre 2014", la cour d'appel a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales ;
2°/ que dans le délai de réclamation de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable peut former autant de réclamations concernant la même imposition qu'il le souhaite, le cas échéant en reprenant les moyens qu'il avait formulés à l'appui d'une précédente réclamation rejetée ; qu'en l'espèce, après avoir saisi l'administration fiscale le 24 décembre 2014 d'une première réclamation ayant été implicitement rejetée, M. [K] a formé une nouvelle réclamation le 26 juillet 2016 en réitérant les critiques qu'il avait formulées à l'appui de la précédente ; qu'en considérant néanmoins que la "lettre du 26 juillet 2016" ne pouvait pas valoir nouvelle réclamation, aux motifs qu' "elle ne contient aucune demande nouvelle et n'expose aucun moyen de fait ou de droit nouveau au soutien des demandes formées par M. [K] dans a réclamation du 24 décembre 2014" et qu' "elle ne contient aucun élément intrinsèque permettant de la qualifier de nouvelle réclamation", la cour d'appel a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales ;
3°/ que dans le délai de la réclamation de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable peut former autant de réclamations concernant la même imposition qu'il le souhaite ; que chaque réclamation ainsi présentée, peu important ses fondements, donne naissance à une décision (expresse ou implicite) distincte de la part de l'administration, laquelle déclenche à chaque fois un délai de recours contentieux ; qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que M. [K] a contesté les rappels de cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 à deux reprises, par une réclamation du 24 décembre 2014 et par une réclamation du 26 juillet 2018 ; que ces deux réclamations, à les supposer identiques, n'en ont pas moins donné naissance à deux décisions autonomes de l'administration pouvant chacune donner lieu à la saisine du juge de l'impôt ; qu'en considérant que la décision expresse de rejet du 20 décembre 2018 qui ne "fait[sait] référence qu'à la lettre du 26 juillet 2016" (?) rejette la réclamation formée le 24 décembre 2014, la cour d'appel a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales ;
4°/ que dans le délai de réclamation de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, lorsqu'une réclamation est implicitement rejetée en l'absence de réponse expresse de l'administration dans un délai de six mois, le contribuable est recevable à saisir le juge de l'impôt sans délai, peu important que l'administration ait expressément rejeté une seconde réclamation ultérieure ; qu'en l'espèce, la réclamation du 24 décembre 2014 a été implicitement rejetée, de sorte que M. [K] était recevable, sans délai, à saisir le juge de l'impôt ; qu'en considérant le contraire, la cour a violé l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article R*.199-1 du livre des procédures fiscales, l'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation.
6. L'arrêt relève que la lettre du 26 juillet 2016 se réfère uniquement à la réclamation du 24 décembre 2014, précisant qu'une réclamation a été déposée et qu'elle est retransmise « comme déposée le 24 décembre 2014. » Il constate que cette lettre du 26 juillet 2016 ne contient aucune demande nouvelle et n'expose aucun moyen de fait ou de droit nouveau au soutien des demandes formées par M. [K] dans sa réclamation du 24 décembre 2014. Il ajoute que cette lettre ne contient pas d'élément intrinsèque permettant de la qualifier de nouvelle réclamation, que ses propres termes excluent l'intention de son auteur de former une telle réclamation et que l'utilisation du singulier - « une réclamation » - atteste que ce dernier n'a pas envisagé de présenter une nouvelle réclamation au moyen de la lettre du 26 juillet 2016.
7. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, ayant souverainement estimé que la décision du 20 décembre 2018 rejetait la réclamation formée le 24 décembre 2014, a exactement retenu que l'action de M. [K] était forclose.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.