LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 24-80.124 F-D
N° 00426
SB4
1ER AVRIL 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2025
M. [V] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 2023, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamné à 10 000 euros d'amende avec sursis et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [V] [T], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [V] [T] a été poursuivi des chefs d'exécution de travaux sans permis de construire et en méconnaissance du plan local d'urbanisme.
3. Le tribunal correctionnel l'a relaxé pour une partie des travaux visés par la prévention, déclaré coupable du surplus et condamné à 3 000 euros d'amende.
4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, a déclaré M. [T] coupable des faits d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme et d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, l'a condamné à une amende délictuelle de 10 000 euros avec sursis et a ordonné la démolition et l'enlèvement des ouvrages (extension de la maison au-delà de 30 m2, clôture, dalle de béton) et la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur dans un délai de douze mois, alors « qu' un prévenu ne peut être jugé sur des faits antérieurs à ceux visés par la prévention sans l'avoir expressément accepté ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. [T] n'était poursuivi que pour des faits commis entre le 7 novembre 2017 et le 27 mars 2018, alors que de toute évidence les faits commis sont antérieurs à cette période (arrêt attaqué, p. 6) ; qu'en statuant cependant sur des faits antérieurs à ceux visés dans la prévention, sans constater que M. [T] avait accepté expressément d'être jugé sur des faits antérieurs à ceux visés dans la prévention, la Cour d'appel a violé les articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 388 du code de procédure pénale :
6. Il résulte de ce texte que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis par la citation ou par l'ordonnance de renvoi, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.
7. Pour déclarer le prévenu coupable d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme et d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, faits commis du 7 novembre 2017 au 27 mars 2018 et depuis temps n'emportant pas prescription, l'arrêt attaqué énonce notamment que les travaux litigieux ont été réalisés entre 2013 et 2017 et qu'ils étaient achevés le 7 novembre 2017, date d'une visite sur site d'un agent de la direction départementale des territoires et de la mer.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
9. En effet, le juge d'appel, qui n'était saisi par la citation que de faits commis entre le 7 novembre 2017 et le 27 mars 2018, n'a pas recueilli l'accord exprès du prévenu d'être jugé sur des faits antérieurs à cette période.
10. Par ailleurs, la mention « depuis temps non couvert par la prescription » figurant dans la citation, qui n'a d'autre signification que celle d'affirmer que les faits de la poursuite ne sont pas prescrits, ne peut pas fonder une déclaration de culpabilité pour des faits antérieurs à la période de prévention.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 8 décembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt-cinq.