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01/04/2025 | FRANCE | N°C2500418

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 avril 2025, C2500418


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° B 24-82.460 F-D


N° 00418




SB4
1ER AVRIL 2025




REJET




M. BONNAL président,


















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2025






M. [K

] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 11 mars 2024, qui, pour usurpation de titre, l'a condamné à dix ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 24-82.460 F-D

N° 00418

SB4
1ER AVRIL 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2025

M. [K] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 11 mars 2024, qui, pour usurpation de titre, l'a condamné à dix ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, ampliatif, personnel et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [K] [L], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat des ordres des avocats des barreaux des Alpes de Haute-Provence, d'Aix-en-Provence, de Draguignan, de Nice, de Toulon et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. L'ordre des avocats du barreau de Nice a cité directement M. [K] [L] devant le tribunal correctionnel notamment pour usurpation du titre de conseil juridique, lui reprochant d'avoir, en tant qu'élève-avocat, exploité un site internet de conseil juridique.

3. Le tribunal l'a relaxé de ce chef et a débouté de leurs demandes les ordres des avocats de quatre barreaux, reçus en leur constitution de partie civile.

4. Le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et quatrième à septième branches, et le quatrième moyen du mémoire ampliatif, et le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, le quatrième et le cinquième moyens du mémoire personnel

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen du mémoire personnel, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable d'usurpation de titre et l'a condamné à titre de peine principale à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans ainsi qu'au paiement d'une somme totale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors :

1°/ que, selon l'article 513 du code de procédure pénale, l'appel est jugé à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller et que cette formalité est préalable à tout débat ; qu'en statuant en ayant présenté le rapport de l'affaire après avoir interrogé le prévenu sur sa situation personnelle, faisant nécessairement grief aux intérêts de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles préliminaire, 513 et 591 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Réponse de la Cour

7. Les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la formalité du rapport a précédé le débat au fond, conformément aux prescriptions de l'article 513, alinéa 1er, du code de procédure pénale. Il n'importe que ce rapport ait été accompli après que le prévenu a été interrogé sur sa situation personnelle.

8. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches, du mémoire ampliatif, et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du mémoire personnel

Enoncé des moyens

9. Le deuxième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable des faits d'usurpation de titre et, en conséquence, l'a condamné, à titre de peine principale, à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans et a prononcé sur les intérêts civils, alors :

« 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'infraction d'usurpation de titre attaché à une profession règlementée par l'autorité publique, suppose qu'à la date des faits poursuivis, ce titre corresponde à une profession réglementée en tant que telle ; que le titre et la profession de conseil juridique ont l'un et l'autre disparu dans le cadre de la substitution de la profession d'avocat à celle de conseil juridique ; qu'en déclarant M. [L] d'avoir usurpé un titre qui n'existe plus, attaché à une profession qui n'existe plus, la cour d'appel a violé les articles 433-17 du code pénal et 74 de la loi du 31 décembre 1971 ;

3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'élément matériel de l'infraction d'usurpation d'un « titre » est limité à l'utilisation du titre et ne s'étend pas ni à l'utilisation des attributs d'une profession, ni au fait de se prétendre en capacité d'exercer toute ou partie des activités professionnelles réservées au titulaire du titre ; qu'en se bornant, sans constater que M. [L] ou toute autre personne susceptible délivrer une prestation via le site se prétendait « conseil juridique », à relever qu'y figuraient les mentions « conseil et défense juridique pour problème » (p. 8) et « des références expresses aux missions d'un avocat (défense, représentation, photographie de robe d'avocat) de nature à apporter de la confusion dans l'esprit du public" (p. 8), ainsi que « des photos de colonnes de tribunal, de robe d'avocat, de dossiers, de jurisclasseurs et de balance » (p. 8 § 3), la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit d'usurpation de titre, a violé l'article 433-17 du code pénal et l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971, ainsi que le principe susvisé. »

10. Le deuxième moyen du mémoire personnel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. [L] coupable d'usurpation de titre, alors :

1°/ que le titre de conseil juridique résulte du décret n° 72-670 du 13 juillet 1972, abrogé par l'article 282 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui n'a pas prolongé l'existence du titre de conseil juridique ; que l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 a substitué une profession dont les membres portent le titre d'avocat à la profession de conseil juridique ; que le titre de conseil juridique n'existe plus en tant que tel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles préliminaire et 591 du code de procédure pénale, 111-3, 111-4 et 433-17 du code pénal, 54,55 et 74 de la loi du 31 décembre 1971, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

Sur les moyens, pris en leur première branche

12. Pour retenir que le délit d'usurpation du titre de conseil juridique est toujours en vigueur, l'arrêt attaqué énonce que la lecture même de l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971 permet de constater que ce titre n'a pas disparu avec la fusion des professions de conseil juridique et d'avocat en 1992 puisqu'il est expressément visé et protégé par cet article.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.

14. En effet, l'article 74 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016, en vigueur depuis le 24 décembre 2016, punit des peines encourues pour le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 433-17 du code pénal quiconque aura fait usage du titre de conseil juridique ou d'un titre équivalent pouvant prêter à confusion, sous réserve des dispositions, non applicables en l'espèce, du quatrième et du cinquième alinéas du paragraphe I de l'article 1er et du troisième alinéa de l'article 95 de ladite loi.

15. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

Sur le moyen du mémoire ampliatif pris en sa troisième branche

16. Pour caractériser l'élément matériel du délit, l'arrêt attaqué énonce que
M. [L] a créé un site internet sur lequel figurent, en première page, les mentions « conseil et défense juridique pour tout problème » et des photos de colonnes de tribunal, de robe d'avocat, de dossiers, de jurisclasseurs et de balance, puis, dans le corps du site, les termes « conseil et défense juridique » traduits en plusieurs langues.

17. Les juges ajoutent qu'un texte décrit les services proposés, tels que solutions juridiques, conseil et représentation pour des clients particuliers ou professionnels, français ou internationaux, qu'un formulaire de contact avec une adresse et deux numéros de téléphone est accessible pour une demande de devis gratuit et que des références d'intervention et des articles de presse tendent à accréditer l'expérience du professionnel et la qualité des services qu'il propose.

18. Ils en concluent que le prévenu a utilisé, sur son site public, le titre de conseil juridique, associé à des missions liées à la profession réglementée d'avocat, ce qui est de nature à créer, dans l'esprit du public, la confusion entre ce titre et cette profession réglementée.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté l'utilisation conjointe de termes de nature à entraîner, dans l'esprit du public, la confusion avec le titre de conseil juridique, n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.

20. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

Sur le troisième moyen du mémoire ampliatif et le troisième moyen du mémoire personnel, pris en sa première branche

21. Le troisième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [L], à titre de peine principale, à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de dix ans, alors « que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 433-22 du code pénal prévoit une peine d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle « dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle » l'infraction a été commise ; que l'application de cette peine suppose que l'activité professionnelle ait été effectivement exercée ; que l'arrêt ne constate pas que M. [L] exerçait, que ce soit par l'intermédiaire du site internet ou par ailleurs, la profession d'avocat qui s'est substituée à celle de conseil juridique ; qu'en lui infligeant la peine d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de 10 ans, la cour d'appel a violé l'article 433-22 du code pénal. »

22. Le troisième moyen du mémoire personnel reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à titre de peine principale à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant dix ans, alors :

1°/ qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. [L] n'exerçait pas au moment des faits la profession d'avocat ; qu'il n'a donc pu commettre l'infraction dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice d'une profession qu'il n'exerçait pas ; que le non-exercice de cette profession constituait précisément la condition préalable ayant permis de commettre et caractériser l'infraction ; que par ailleurs la profession d'avocat n'est pas une fonction publique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entaché ses motifs de contradiction et violé les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, 111-3, 111-4 et 433-22 du code pénal, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Réponse de la Cour

23. Les moyens sont réunis.

24. Pour condamner le prévenu à dix ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat à titre de peine principale, l'arrêt attaqué énonce notamment que la gravité des faits commis au préjudice d'une profession réglementée, la personnalité de l'intéressé qui admet avoir glissé des mentions erronées dans son curriculum vitae pour faire « plus vendeur » mais peine à remettre en cause son comportement, et le risque important de renouvellement de l'infraction justifient le prononcé de cette peine.

25. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 433-22 du code pénal et n'a méconnu aucun des autres textes visés aux moyens.

26. En effet, ce texte dispose que l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise est encourue par les personnes physiques coupables de l'infraction d'usurpation de fonctions prévue à l'article 433-17 du code pénal. Cette peine complémentaire s'applique donc à la profession dont le titre a été usurpé.

27. Ainsi, les moyens doivent être écartés.

28. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [L] devra payer aux parties représentées par la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500418
Date de la décision : 01/04/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 11 mars 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 avr. 2025, pourvoi n°C2500418


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500418
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