La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2025 | FRANCE | N°52500336

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mars 2025, 52500336


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 mars 2025








Rejet




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 336 F-D


Pourvoi n° W 23-14.095




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________________

___




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 MARS 2025


M. [U] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-14.095 contre l'arrêt rendu le 1er février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mars 2025

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 336 F-D

Pourvoi n° W 23-14.095

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 MARS 2025

M. [U] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-14.095 contre l'arrêt rendu le 1er février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2023), M. [I] a été engagé par la Régie autonome des transports parisiens (la RATP) dans le cadre d'un emploi à durée indéterminée à temps plein à compter du 22 novembre 2010, au poste de machiniste receveur.

2. Par lettre du 9 septembre 2014, la RATP a convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui s'est tenu le 2 octobre 2014. Ce dernier a été informé le 10 octobre suivant de la décision de l'employeur de mettre en oeuvre une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'à la révocation. Par lettre du 4 novembre 2014, le salarié a été convoqué à une audience préparatoire fixée au 7 novembre suivant en vue de sa comparution devant le conseil de discipline. Par lettre du 7 novembre 2014, remise en main propre lors de l'audience préparatoire, il a été informé de sa convocation devant le conseil de discipline, qui s'est tenu le 17 novembre 2014.

3. Le salarié a été en arrêt de travail en raison d'un accident du travail à compter du 22 novembre 2014.

4. Le 5 décembre 2014, la RATP a notifié au salarié sa révocation pour faute grave.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 14 janvier 2015 aux fins de dire le licenciement nul.

Examen des moyens

Sur le second moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de sa demande visant à juger que son licenciement était nul ainsi que de ses demandes subséquentes, alors :

« 1°/ qu'est nul le licenciement fondé, même en partie, sur un courriel anonyme contenant des propos racistes et discriminatoires à l'encontre du salarié ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que le licenciement de M. [I] était notamment fondé sur un courriel anonyme reçu par la RATP, dont l'auteur écrivait à propos du ''conducteur du bus'' ¿ M. [I] ¿ qu'il s'était adressé à lui ''avec un accent de rappeur'', qu'il ajoutait ''Bref, on a dû lui dire que c'était la rupture du jeûne du ramadan (?). Ah, l'excuse du Ramadan? Où va-t-on comme ça ?... Jusqu'où ?'', ''Voici une courte description du conducteur : beur, type maghrébin (probablement algérien, vu l'accent car j'ai entendu discuter avec son copain), maigre, entre 25 et 30 ans, visage émacié, nez crochu (genre bec d'aigle), cheveux noirs coupés ras à l'arrière, portant des lunettes noires et parlant « francarabe »'', ''Il n'aurait jamais osé manquer de respect à plus irrespectueux que lui, encore moins si c'était en Algérie (et il le sait)'', ''Pour préserver ses velléités probables envers mes enfants résidant en France, je demande à la RATP de préserver mon anonymat'', et une phrase manifestement biffée selon laquelle ''la RATP, si je ne m'abuse, entre 1956 et 1962, et qu'il a même été (?) ce qui était infiniment méritoire « du temps de l'indigénat »'' ; que le licenciement reposant sur ce courriel anonyme contenant de tels propos racistes et discriminatoires était nul ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 1132-4 du code du travail ;

2°/ qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison notamment de son origine, de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses convictions religieuses, ou de son apparence physique ; qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la circonstance que la RATP se soit fondée sur le courriel anonyme litigieux pour prononcer le licenciement, sans prendre aucune distance ni émettre de réserve au sujet des propos racistes et discriminatoires qu'il contenait, et sans engager d'enquête ou ni consulter la vidéo du bus pour vérifier la véracité d'allégations pourtant sujettes à caution en l'état du biais raciste qui animait manifestement leur auteur, ne laissait pas supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 1132-4 du code du travail ;

3°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate ; qu'en l'espèce, pour retenir la faute grave, la cour d'appel a constaté que seule l'absence du 1er août 2014 reprochée à M. [I] était établie, que le rapport d'incident indiquait que le salarié était absent à la prise de service le 1er août 2014 sans avoir téléphoné, étant alors considéré en absence injustifiée, que M. [I] avait déjà été disciplinairement sanctionné pour ce comportement par une mise en disponibilité d'office sans traitement d'une durée de deux jours prononcée le 10 février 2014, que selon le compte rendu d'entretien l'absence était alors due à une erreur de planning, que M. [I] a ensuite fait l'objet d'un plan de progrès au cours de l'année 2014 en raison de ses défaillances en matière de ponctualité et de l'absence d'information de son responsable lors de ses absences pour motif médical, que M. [I] n'avait pas expliqué son absence du 1er août 2014 lors de l'entretien préalable, qu'il ne produisait aucun justificatif à celle-ci et n'en donnait toujours aucun motif dans le cadre de l'instance ; que ces constations ne suffisaient pas à caractériser une faute grave du salarié ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1226-7, L. 1226-9 et L. 1226-13 du même code ;

4°/ que la sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien prévu par l'article L. 1332-2 du code du travail ; que la sanction doit être prononcée avant l'expiration de ce délai, sauf si, dans l'intervalle, une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'entretien préalable avait eu lieu le 2 octobre 2014, qu'il avait été informé de la mise en oeuvre de la procédure conventionnelle le 10 octobre 2014, mais qu'il n'avait été informé de sa convocation devant le conseil de discipline que par courrier du 4 novembre 2014, puis par courrier du 7 novembre remis en mains propres lors de l'audience préparatoire ; qu'il résultait ainsi des propres constatations de l'arrêt que si le salarié était informé de la mise en oeuvre de la procédure conventionnelle dans le délai d'un mois à compter de la date fixée pour l'entretien préalable, celle-ci n'avait pas été engagée dans ce délai ; que dès lors, en jugeant que la procédure et le licenciement étaient réguliers, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-2, L. 1226-7, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. D'abord, il résulte des constatations de l'arrêt que la lettre de révocation ne se réfère pas au courrier adressé par un passager de sorte que la cour d'appel en a déduit à bon droit que le licenciement n'avait pas été prononcé pour un motif discriminatoire et que la demande en nullité du licenciement devait être rejetée.

9. Ensuite, si, selon l'article L. 1332-2 du code du travail, la sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, ce dernier délai peut être dépassé lorsque l'employeur est conduit en vertu des règles statutaires ou conventionnelles à recueillir l'avis d'un organisme de discipline dès lors qu'avant l'expiration de ce délai, le salarié a été informé de la décision de l'employeur de saisir cet organisme. Il en résulte qu'après avis du conseil de discipline ou renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit, l'employeur dispose d'un nouveau délai d'un mois pour sanctionner le salarié.

10. L'arrêt constate qu'à l'issue de l'entretien préalable du 2 octobre 2014, le salarié a été informé le 10 octobre 2014 de la décision de l'employeur de mettre en oeuvre la procédure disciplinaire conventionnelle pouvant aller jusqu'à la révocation, que celui-ci a été convoqué pour une première comparution le 7 novembre pour prendre connaissance des éléments du dossier, puis a comparu devant le conseil de discipline le 17 novembre 2014 et, par lettre recommandée avec avis de réception du 5 décembre 2014, s'est vu notifier sa révocation pour faute grave.

11. La cour d'appel en a déduit exactement que le délai de l'article L. 1332-2 du code du travail avait été respecté par la RATP.

12. Enfin, l'arrêt retient que le rapport d'incident établi par le cadre indique que le salarié était absent à la prise de service le 1er août 2014, sans avoir téléphoné, étant alors considéré en absence injustifiée, que cette absence injustifiée du 1er août 2014 est établie et que le salarié a déjà été sanctionné pour ce comportement, par une mise à pied à titre disciplinaire d'une durée de deux jours prononcée le 10 février 2014. Il ajoute que la précédente sanction est expressément rappelée dans la lettre de révocation.

13. En conséquence, la cour d'appel, qui en a déduit que compte tenu de cette précédente sanction pour les mêmes faits, ce comportement quelques mois après constituait un manquement qui rendait impossible la présence du salarié dans l'entreprise et caractérisait à lui seul une faute grave, démontrée par l'employeur, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le deuxième grief de la lettre de révocation, n'encourt pas les griefs du moyen.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500336
Date de la décision : 26/03/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 février 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mar. 2025, pourvoi n°52500336


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ridoux, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500336
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award