LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 mars 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 290 F-D
Pourvoi n° D 24-10.380
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MARS 2025
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 24-10.380 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la Société française de levage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Société française de levage, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 octobre 2023), M. [D] a été engagé en qualité de directeur d'agence le 2 janvier 2001 par la Société française de levage.
2. Il a été licencié le 9 octobre 2017.
3. Le 28 février 2018, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et du travail dissimulé, alors « que seuls les salariés percevant une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise peuvent se voir reconnaître la qualité de cadre dirigeant ; qu'en se bornant, pour considérer que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant, à mentionner le montant de sa rémunération sans caractériser que cette rémunération était l'une des plus élevées de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :
6. Selon ce texte, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.
7. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et du travail dissimulé, l'arrêt retient que le salarié occupait la fonction de directeur de la société Sofat, puis de directeur d'agence au sein de la société Sofral, ce qui lui conférait nécessairement une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et qu'il occupait donc l'échelon hiérarchique le plus élevé au sein de l'agence où il travaillait, qu'il bénéficiait de pouvoirs très étendus en ce qu'il pouvait engager financièrement la société dans le cadre des marchés de l'entreprise, qu'il décidait seul de la validation des congés payés des salariés de son agence et qu'il disposait d'une délégation permanente de pouvoirs du président directeur de la société, qu'il avait expressément acceptée, lui conférant notamment le devoir de veiller au respect de la législation du travail et qu'il avait une rémunération s'élevant à un montant de 7 667,84 euros brut mensuel et bénéficiait d'un véhicule de fonction haut de gamme, cet avantage étant réservé aux seuls membres de la direction.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la rémunération effectivement perçue par le salarié se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la Société française de levage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société française de levage et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq.