LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 24-81.575 F-D
N° 00284
RB5
11 MARS 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 MARS 2025
Mme [M] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 9 février 2024, qui, pour travail dissimulé, importation en contrebande de marchandise prohibée, en récidive, et détention non déclarée de matériel soumis à un régime particulier, l'a condamnée à cent jours-amende à 40 euros et une confiscation.
Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [M] [L], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 19 mai 2021, sur réquisitions du procureur de la République établies en application de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale, les gendarmes ont procédé au contrôle d'un élevage appartenant à Mme [M] [L] situé à [Localité 1] (Guyane). Deux procédures incidentes ont été établies.
3. Mme [L] a été citée devant le tribunal correctionnel, notamment pour les infractions rappelées ci-dessus. Par jugement du 27 janvier 2022, le tribunal a fait partiellement droit aux exceptions de nullité soulevées par Mme [L], l'a déclarée coupable d'une partie des infractions reprochées, et l'a condamnée, notamment, à trois ans d'emprisonnement.
4. Mme [L] et le ministère public ont interjeté appel du jugement.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du mémoire personnel
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen du mémoire ampliatif et le premier moyen du mémoire personnel
Enoncé des moyens
6. Le moyen présenté pour Mme [L] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception tenant à l'atteinte au principe de loyauté avec les conséquences en résultant sur la procédure, alors :
« 1°/ que la réquisition du procureur de la République, sur le fondement de l'article 78-22-1 du code de procédure pénale, a pour finalité l'introduction dans l'entreprise pour vérifier l'application de la réglementation du travail destinée à empêcher tout travail dissimulé; que le parquet a déclaré à l'audience devant le tribunal, suivant les notes d'audience, que « Madame [L] a demandé des renseignements pour mettre en conformité son élevage de poulets. Le parquet a donc demandé un contrôle inopiné pour vérifier le respect des normes environnementales » de sorte que la réquisition, n'avait pas en réalité pour objet la vérification de la réglementation du travail et est caractéristique d'un détournement de procédure en violation de l'article précité ;
2°/ que la réquisition étant irrégulière, toutes les procédures subséquentes doivent être annulées, en ce compris les enquêtes distinctes de flagrance qui n'ont pas basculé en flagrance par la découverte d'indices au cours de l'exécution de la réquisition pour n'être, selon le procès-verbal d'investigations (pièce n° 2 de la procédure 00478), que les opérations menées ab initio en exécution de la réquisition du parquet ; que la cour d'appel a violé le principe de loyauté, l'article préliminaire et les articles 53 et 78-2-1 du code de procédure pénale. »
7. Le moyen présenté par Mme [L] fait le même grief à l'arrêt attaqué, au visa de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale et du principe de loyauté, alors que le représentant du ministère public avait déclaré lors de l'audience en première instance que l'opération avait pour but de vérifier le respect des règles environnementales, et non, ce qui est l'objectif de la procédure prévue à l'article 78-2-1 du code de procédure pénale, de rechercher la preuve d'infractions de travail dissimulé.
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
9. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que les forces de l'ordre ont agi selon une réquisition régulière du procureur de la République et que les procédures incidentes ont été diligentées pour des raisons plausibles de soupçon quant à la commission d'une infraction.
10. Les juges ajoutent qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un détournement de procédure, le nombre d'agents agissant dans le cadre de cette réquisition étant sans incidence.
11. En statuant ainsi, et dès lors que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces utiles de la procédure, est en mesure de s'assurer que les enquêteurs, qui disposaient d'une réquisition régulière prise sur le fondement de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale, ont effectivement recherché la preuve des infractions visées dans celle-ci, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.
12. Les moyens doivent donc être écartés.
Sur le deuxième moyen du mémoire personnel
Enoncé du moyen
13. Le moyen est pris de la violation des articles préliminaire et 53 du code de procédure pénale.
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de ce que les perquisitions ont été effectuées sans autorisation d'un magistrat du siège et hors du cadre d'une enquête de flagrance, alors qu'il ressort des procès-verbaux que, contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel, il n'y a pas eu de basculement d'une enquête préliminaire en enquête de flagrance mais bien deux enquêtes parallèles, la cour d'appel ne pouvant substituer ses propres déductions à celles des enquêteurs.
Réponse de la Cour
15. Pour écarter le moyen de nullité des opérations de perquisition, tiré de l'irrégularité du passage en procédure de flagrance, l'arrêt attaqué énonce notamment que les forces de l'ordre ont agi sur réquisition du procureur de la République précisant le lieu désigné comme étant l'ensemble du site Tolenga à Maripasoula.
16. Les juges ajoutent que les premières investigations menées sur réquisitions du parquet en enquête préliminaire ont révélé de manière incidente des éléments tels que des matériels et diverses marchandises dont le conditionnement est similaire aux colis retrouvés sur les sites d'orpaillage, justifiant l'ouverture d'une enquête de flagrance et, partant, les perquisitions.
17. En statuant ainsi, et dès lors que, d'une part, il ressort des pièces utiles de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la visite du site a débuté à 8h45 et que les éléments justifiant l'ouverture d'une enquête en flagrance ont été découverts dans ce cadre, à 9h15, d'autre part, les enquêteurs agissant dans le cadre de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale avaient le pouvoir de s'introduire dans des lieux, même clos, utilisés pour une activité de production, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
18. Ainsi, le moyen doit être écarté.
19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.