LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mars 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 298 FS-B
Pourvoi n° E 23-19.669
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2025
Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-19.669 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société BDO RH, société pluri-professionnelle d'exercice par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société BDO risques professionnels, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BDO RH, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de chargée d'affaires commerciales, le 18 juillet 2003, par la société Atequacy, aux droits de laquelle est venue la société BDO risques professionnels puis la société BDO RH. Par avenant du 1er janvier 2011, les parties ont conclu une convention de forfait annuel en jours.
2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.
3. Le 15 juillet 2016, la salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
4. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la nullité de la convention de forfait en jours, alors :
« 1° / que cause un préjudice au salarié au regard de son droit à la santé et au repos le fait d'avoir été soumis pendant des années à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel au titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que la salariée avait été soumise à une convention de forfait en jours reposant sur des garanties conventionnelles insuffisamment protectrices à la date où elle avait été conclue, ce dont elle aurait dû déduire que la salariée avait bien subi un préjudice au regard de son droit à la santé et au repos, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
2° / que le défaut d'exécution par l'employeur des stipulations légales et conventionnelles prévoyant les modalités de suivi de l'organisation du travail du salarié soumis à une convention de forfait annuel en jours, de l'amplitude de ses journées de travail et de sa charge de travail cause un préjudice au salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a jugé que la salariée ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi autre que celui déjà réparé par l'octroi d'un rappel du titre de ses heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la salariée n'avait pas travaillé plus de cinq ans dans le cadre d'une convention de forfait en jours sans aucun contrôle du nombre de jours travaillés et sans aucun entretien annuel portant sur sa charge de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise et sur l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale de la salariée ainsi que sur sa rémunération, ce qui avait causé à la salariée un préjudice au titre de son droit à la santé, au repos et à une vie familiale normale excédant le simple rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-35 al. 1er et L. 3121-34 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. »
Réponse de la Cour
7. Lorsque le salarié a été soumis à une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif dont les dispositions n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, la convention de forfait en jours est nulle de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre. Il en découle qu'un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir retenu que la convention de forfait en jours conclue sur le fondement de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris en application de la convention collective nationale Syntec était nulle, a estimé, sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, que la salariée ne justifiait pas d'un préjudice distinct de celui que venait réparer l'octroi d'un rappel d'heures supplémentaires.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt-cinq.