LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 mars 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 207 F-B
Pourvoi n° X 22-19.083
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MARS 2025
M. [P] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-19.083 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société France distribution express, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société France distribution express, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 mai 2022), M. [T] (le salarié) a, dans un litige l'opposant à la société France distribution express (l'employeur), interjeté appel d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes.
2. En cours de procédure, le salarié, qui était représenté par un défenseur syndical, a constitué, en lieu et place de ce dernier, un avocat qui n'a pas déposé de conclusions.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de constater que son appel n'était pas soutenu et en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a limité à 690,22 euros la somme allouée au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et à 2 000 euros la somme allouée au titre de l'exécution déloyale, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à titre de garantie de rémunération et congés payés afférents, majorations pour heures supplémentaires effectuées de nuit et congés payés afférents, et jours fériés non payés et en ce qu'il l'a condamné à payer à l'employeur une somme à titre de trop versé de salaire, alors « qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obstacle à ce que le nouveau défenseur d'une partie, qui s'est constitué au lieu et place, soutienne les précédentes conclusions déposées pour le compte de cette partie par le précédent représentant, sans qu'il ne soit nécessaire de déposer de nouvelles conclusions ; que, pour considérer qu'en l'absence de conclusions déposées par M. [G], avocat constitué au lieu et place de M. [I], défenseur syndical, elle n'était saisie d'aucune demande pour le compte de M. [T], la cour d'appel a retenu que si des conclusions avaient été effectivement déposées par l'appelant représenté par un défenseur syndical avant la clôture de l'instruction, l'appelant avait déconstitué ce défenseur syndical ayant déposé ses conclusions pour constituer le 26 février 2020 M. [G], lequel n'avait présenté aucune conclusions à son nom en qualité de représentant de l'appelant avant l'ordonnance de clôture, dont il n'avait pas sollicité le report à cette fin ; qu'en statuant ainsi, quand la constitution au lieu et place de l'avocat valait soutien des conclusions régulièrement déposées par le précédent défenseur de l'appelant, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 542, 954 et 961 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 411 et 961 du code de procédure civile :
4. Aux termes du premier de ces textes, le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure.
5. Selon le second, les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats.
6. Il résulte de ces textes qu'en cas de changement, en cours de procédure, du représentant ad litem d'une partie, la cour d'appel demeure saisie des conclusions régulièrement déposées par le précédent représentant, peu important que le nouveau représentant constitué n'ait pas conclu.
7. Pour constater que l'appel principal du salarié n'est pas soutenu, l'arrêt relève que si des conclusions ont été déposées par l'appelant, représenté par un défenseur syndical, avant la clôture de l'instruction de l'affaire, l'appelant a déchargé le défenseur syndical pour constituer un avocat qui n'a présenté aucunes conclusions à son nom, en sa qualité de représentant de l'appelant, avant le prononcé de l'ordonnance de clôture dont il n'a pas davantage sollicité le report à cette fin. Il en déduit qu'en l'absence de conclusions déposées par l'avocat constitué en lieu et place du défenseur syndical, la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande, ni d'aucun moyen.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui demeurait saisie des conclusions déposées par le défenseur syndical, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt constatant que l'appel principal du salarié n'est pas soutenu entraîne la cassation des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne la société France distribution express aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France distribution express et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-cinq.