LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 23-86.243 F-D
N° 00262
GM
5 MARS 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 MARS 2025
Mme [G] [V] et le procureur général près la cour d'appel de Limoges ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 22 septembre 2023, qui a condamné la première, pour escroqueries aggravées et tentative, à deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis probatoire, 30 000 euros d'amende, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme [G] [V], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [G] [V] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroqueries en bande organisée et tentative, pour avoir effectué des virements depuis des comptes bancaires ouverts au nom de différentes sociétés, crédités par des chèques débités avant de revenir impayés.
3. Par jugement du 26 février 2021, le tribunal correctionnel a déclaré Mme [V] coupable des faits reprochés et l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis probatoire, 30 000 euros d'amende et la confiscation des scellés. Il a ordonné la mainlevée de la saisie de l'immeuble situé [Adresse 2], appartenant à la prévenue et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Mme [V] et le ministère public ont relevé appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, le troisième moyen, proposés pour Mme [V], et le moyen du procureur général
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses autres branches, proposé pour Mme [V] et le moyen relevé d'office et mis dans le débat
Enoncé des moyens
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a en répression, condamné Mme [V] à un emprisonnement délictuel de deux ans dont un an assorti du sursis probatoire pendant deux ans, 30 000 euros d'amende et a prononcé la confiscation des biens saisis, à l'exception de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], alors :
« 3°/ qu'en la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement ; que la confiscation porte sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction et sur ceux qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction ; que si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ; qu'en ordonnant la confiscation des scellés, sans indiquer la nature et l'origine des biens placés sous scellés dont elle a prononcé la confiscation ni le fondement de cette peine dont elle n'a pas précisé la nécessité, la cour d'appel n'a pas léqalement justifé sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
7. Le moyen relevé d'office est tiré de la violation de l'article 131-21 du code pénal.
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 131-21 du code pénal, dans sa rédaction applicable à la date des faits, et 593 du code de procédure pénale :
9. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. La confiscation peut alors porter sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction, ou étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit de l'infraction. La confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et de ceux qui sont l'objet ou le produit de l'infraction n'est, sauf disposition contraire, prévue par l'article 131-21 du code pénal qu'à titre de simple faculté. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou dont il a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.
10. Le juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, doit préciser la nature du bien saisi ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
11. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
12. Pour ordonner la confiscation des scellés, l'arrêt énonce qu'aux termes des articles 131-21 et 222-49 du code pénal, tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l'infraction ainsi que le produit provenant de celle-ci, à quelque personne qu'ils appartiennent et en quelques lieux qu'ils se trouvent, doivent faire l'objet d'une confiscation, et qu'il en est de même de tout ou partie des biens du condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition et ce quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
13. Les juges concluent qu'ainsi le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a ordonné la confiscation des objets ayant servi à commettre les infractions ou des biens issus de la commission des infractions tels que les sommes d'argent créditées sur les comptes bancaires ou les effets personnels.
14. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
15. En premier lieu, elle a prononcé une peine de confiscation obligatoire des biens constituant l'instrument ou le produit de l'infraction, alors que, d'une part, l'article 222-49 du code pénal sur lequel elle s'est fondée est réservé au trafic de stupéfiants et par conséquent inapplicable en l'espèce, d'autre part, elle n'était pas tenue d'ordonner une telle peine, la peine complémentaire de confiscation encourue de plein droit pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an, édictée par le premier alinéa de l'article 131-21 du code pénal, n'étant, sauf disposition contraire, prévue qu'à titre de simple faculté.
16. En second lieu, elle s'est déterminée sans préciser la nature des objets placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, ni indiquer en quoi chacun d'eux ou bien avait servi à commettre l'infraction, ou bien était destiné à la commettre, ou en constituait le produit, de sorte qu'elle n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision.
17. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'autre grief du deuxième moyen.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 22 septembre 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.