LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 23-86.317 F-D
N° 00258
GM
5 MARS 2025
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 MARS 2025
Mme [K] [S] et la société [1] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 5 juillet 2023, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, les a solidairement condamnées au paiement d'une amende fiscale de 750 euros, d'une pénalité proportionnelle de 60 000 euros et de la somme fraudée de 494 031 euros.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [K] [S] et la société [1], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des douanes et des droits indirects, et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [1] exerçant l'activité de négoce international de produits alimentaires soumis à accises a fait l'objet d'un procès-verbal établi le 2 septembre 2015 par les agents de direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières pour divers manquements et irrégularités constatés en sa qualité d'entrepositaire agréé.
3. Elle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 novembre 2015.
4. Mme [K] [S] a assuré la cogérance de la société avec son père jusqu'à sa démission du 11 mai 2015.
5. La société [1] et Mme [S] ont été attraits par l'administration des douanes devant le tribunal correctionnel pour diverses infractions douanières commises d'octobre 2014 à juillet 2015.
6. Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique pour une partie des trois premières infractions, a déclaré les prévenues coupables du surplus des infractions poursuivies et les a condamnées solidairement au paiement d'une amende douanière de 750 euros et d'une pénalité proportionnelle fiscale de 494 031 euros.
7. Mme [S] et la société [1], ainsi que le ministère public, ont relevé appel du jugement.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [1]
8. Selon l'article L. 641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, et tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, dessaisissement des seuls droits et actions du débiteur concernant son patrimoine, qui sont exercés par le liquidateur.
9. Le pourvoi formé par la société [1] en liquidation judiciaire contre l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé le paiement des sommes fraudées à titre de peine complémentaire, les juges relevant l'absence de dispositions civiles en jeu, est par conséquent recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [S] et la société [1] solidairement au paiement des sommes fraudées, soit la somme de 494 031 euros, alors :
« 1°/ que le paiement des sommes fraudées, que le tribunal peut ordonner en sus des pénalités fiscales, n'a pas le caractère d'une sanction pénale mais celui d'une réparation civile ; qu'en jugeant néanmoins que les prévenues devaient être condamnées au paiement intégral des sommes fraudées à titre de peine complémentaire obligatoire, la cour d'appel a méconnu l'article 1804 B du code général des impôts ;
2°/ que, de surcroît, la juridiction répressive ne peut ordonner le paiement des sommes fraudées qu'à la condition d'être saisie de l'action civile ; que la cour d'appel qui, bien que n'étant pas saisie de l'action civile, a condamné les prévenues au paiement intégral des sommes fraudées, a méconnu les articles 2 et 509 du code de procédure pénale et 1804 B du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1804 B du code général des impôts :
11. Selon ce texte, en matière de contributions indirectes, en plus des pénalités fiscales prévues aux articles 1791 à 1804 A du code susvisé, le tribunal ordonne le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues à raison de l'infraction.
12. Cette condamnation se distingue, en raison de son caractère de réparation civile, de celle au paiement des amendes et pénalités prononcées au titre de l'action fiscale.
13. Pour condamner les prévenues reconnues coupables d'infractions douanières au paiement des sommes fraudées, après avoir rappelé les termes du texte susvisé, l'arrêt attaqué énonce que la condamnation au paiement intégral de la somme fraudée est prononcée à titre de peine complémentaire.
14. En statuant ainsi, par des motifs retenant que la condamnation au paiement de la somme fraudée est prononcée au titre de l'action pénale et alors, en outre, qu'en tout état de cause, elle n'était pas saisie des dispositions civiles, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième grief.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation sera limitée à la condamnation solidaire au paiement de la somme fraudée, dès lors que la déclaration de culpabilité et les sanctions fiscales n'encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
17. La cassation pourra avoir lieu sans renvoi par retranchement de cette seule disposition.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 5 juillet 2023, en sa seule disposition condamnant solidairement à titre de peine complémentaire Mme [K] [S] et la société [1] au paiement des sommes fraudées, soit la somme de 494 031 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.