LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 23-86.615 F-D
N° 00257
GM
5 MARS 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 MARS 2025
Mme [O] [C] et M. [E] [N] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 27 octobre 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 7 septembre 2022, pourvoi n° 21-85.695), a condamné, la première, pour abus de confiance, escroquerie, falsification de chèques et usage, banqueroute et recours à un travail dissimulé, à deux ans d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle et cinq ans d'interdiction de gérer, le second, pour recel, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de la société Le Prado et Gilbert, avocat de M. [E] [N], Mme [O] [C], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A l'issue d'une enquête relative à la gestion des associations [2] et [1], Mme [O] [C] et son époux, M. [E] [N], ont été convoqués devant le tribunal correctionnel sous la prévention, pour la première, d'escroquerie, d'abus de confiance, de falsification de chèques et usage, de banqueroute, de vente de produits ou prestations de service par association ou coopérative non prévue par ses statuts et de recours à l'exercice d'un travail dissimulé et, pour le second, de recel d'abus de confiance.
3. Le tribunal correctionnel a relaxé Mme [C] du chef d'escroquerie et l'a déclarée coupable pour le surplus de la prévention, ainsi que M. [N] des faits de recel, les a condamnés pénalement et a prononcé sur les intérêts civils par jugement du 10 novembre 2016 dont Mme [C] et M. [N], ainsi que le procureur de la République et l'association [3], partie civile, ont relevé appel.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens
4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé sur moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que le conseil de Mme [C], épouse [N] et M. [N] n'a pas soulevé l'incompétence de la cour d'appel de Rennes in limine litis et n'a pas abordé cette incompétence dans sa plaidoirie sur le fond, a condamné pénalement M. et Mme [N] et a prononcé sur les intérêts civils, alors « que les règles sur la composition et la compétence des juridictions sont d'ordre public ; qu'il en résulte la faculté pour les parties de soulever l'incompétence de la juridiction saisie en tout état de la procédure, y compris pour la première fois devant la Cour de cassation sans qu'il soit donc nécessaire de la soulever in limine litis ; que la cour est, par ailleurs, tenue de répondre aux conclusions régulièrement déposées devant elle ; que pour rejeter l'exception d'incompétence, la cour d'appel a énoncé qu'il « convient de constater que le conseil des prévenus n'a pas soulevé l'incompétence de la Cour d'appel « In limine litis » et n'a pas repris cette demande dans ses conclusions orales » ; qu'en statuant ainsi, quand il suffisait que l'incompétence soit soulevée dans des écritures peu important qu'elle n'ait pas été soulevée in limine litis ou reprise dans la plaidoirie, la cour d'appel a méconnu les articles 459 et 512 du code de procédure pénale, ensemble le principe selon lequel les parties ont la faculté de soulever l'incompétence de la juridiction saisie en tout état de la procédure. »
Réponse de la Cour
6. Pour prononcer sur les intérêts civils, l'arrêt attaqué constate que l'exception d'incompétence soulevée par les prévenus dans les conclusions déposées devant la cour d'appel, qui faisaient valoir qu'en cas de confirmation de la relaxe du chef d'escroquerie prononcée par le tribunal la cour d'appel devient incompétente pour connaître des intérêts civils, n'a pas été soulevée « In limine litis » et que l'avocat des prévenus n'a pas repris cette demande dans ses conclusions orales.
7. Les juges relèvent par ailleurs, et le mentionnent dans le dispositif de l'arrêt, que l'appel du procureur de la République concernant les relaxes du chef d'escroquerie étant limité, la décision du tribunal est définitive à l'égard des parties civiles qui ont été déboutées de leurs demandes.
8. En statuant ainsi, l'arrêt n'encourt pas la censure.
9. En effet, les demandeurs ne sauraient se faire un grief du constat fait par la cour d'appel concernant « l'incompétence » non soulevée par les prévenus, un tel constat étant surabondant, les juges ayant, en tout état de cause, tenu compte d'office du caractère définitif de la relaxe prononcée pour certains faits d'escroquerie et du débouté des demandes des parties civiles en lien avec ces faits.
10. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il a reçu la constitution de partie civile de M. [H], alors « que le délit d'abus de confiance ne cause un préjudice personnel et direct qu'aux propriétaires, détenteurs ou possesseurs des effets ou deniers détournés ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de M. [H] en qualité de victime de l'abus de confiance reproché à Mme [C], sans examiner à quel titre celui-ci avait subi un préjudice et quand, en toute hypothèse, seules les associations « [2] » et « [1] », dont les fonds auraient été détournés, auraient pu en subir préjudice, la cour d'appel a violé les articles 2, 3 et 591 du code de procédure pénale, ensemble les articles 314-1 du code pénal et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. Pour confirmer le jugement ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de M. [H], l'arrêt attaqué énonce que les faits qui ont motivé la condamnation pénale constituent à la charge du prévenu une faute génératrice d'un préjudice directement et personnellement subi par la partie civile qui est en droit d'en demander réparation.
13. Les juges relèvent, concernant l'infraction d'abus de confiance, que de multiples paiements provenant de particuliers ont été reçus par Mme [C], par l'intermédiaire des associations [2] et [1], pour divers événements n'ayant pas eu lieu.
14. Ils ajoutent qu'en réalisant des détournements au préjudice de ces associations, la prévenue a également atteint les personnes physiques qui avaient confié des sommes d'argent à celles-ci pour l'organisation de concerts et voyages.
15. Ils mentionnent en outre la prévention du chef d'abus de confiance, qui vise M. [H] parmi les victimes de l'infraction.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel, dont les énonciations établissent que M. [H] peut se prévaloir d'un dommage découlant directement de l'infraction d'abus de confiance dont elle a déclaré la prévenue coupable, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.