LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 23-85.276 F-D
N° 00256
GM
5 MARS 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 MARS 2025
La société [4], et la société [7], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 30 mars 2022, qui a prononcé sur une demande de restitution.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit pour la société [4].
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations du cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [4], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 28 mai 2021 (n° 2021/3827), le tribunal correctionnel, a déclaré M. [Z] [D] coupable, notamment, d'abus de biens sociaux, de trafic d'influence passif commis par un particulier et de blanchiment habituel du produit de l'infraction de trafic d'influence passif, et l'a condamné, entre autres peines, à la confiscation d'une somme de 867 540,46 euros saisie sur le compte bancaire de la société [4] ouvert dans les livres de la société [3] sise au Luxembourg.
3. Par jugement en date du 28 mai 2021 (n° 2021/3829), le tribunal correctionnel a rejeté la demande formée par la société [4], intervenante, aux fins de restitution de la somme précitée saisie sur son compte ouvert à la [3] (Luxembourg).
4. La société [4] a interjeté appel de ce jugement.
Déchéance du pourvoi de la société [7]
5. La société [7] ([7]) n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu en conséquence de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a rejeté la demande de restitution de la somme de 867 540,46 euros saisie sur le compte ouvert par la société [4] à la [3] (Luxembourg), alors :
« 3°/ que la peine complémentaire de confiscation porte sur les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime ; que ne peuvent ainsi être confisquées que les sommes qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction reprochée ; qu'en prononçant la confiscation de la somme de 867 540,46 euros, lorsqu'il résulte des mentions mêmes de la décision que le produit de l'infraction d'abus de biens sociaux doit être fixé à la somme de 381 683,88 euros et que la confiscation en valeur ne peut excéder le montant du produit de l'infraction, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu les articles 131-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que lorsque la confiscation porte sur des éléments de patrimoine insusceptibles de constituer le produit de l'infraction, il appartient au juge de rechercher si cette mesure ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du demandeur ; qu'en se bornant à affirmer que la peine de confiscation est justifiée et proportionnée, lorsqu'il est acquis qu'une partie de la somme confisquée n'est pas le produit de l'abus de bien social reproché, et sans s'expliquer davantage sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété, la cour d'appel a méconnu les articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer le jugement ayant rejeté la demande de restitution formée par la société [4], l'arrêt attaqué énonce que M. [D] a reçu en 2003, de la vente des actions de la société [8] à la [1], sa part sur le complément de prix, représentant environ 20 000 000 d'euros, portée au crédit d'un compte ouvert à son nom à Luxembourg, dont une partie a été transférée puis rapatriée sur des comptes ouverts à [Localité 2], notamment au nom des sociétés [6] et [5] SA dont M. [D] était bénéficiaire économique.
9. Les juges soulignent que, depuis le compte [6], M. [D] a engagé ses propres fonds pour réaliser l'entrée de la société [4], quelques mois après sa création, dans le capital social de la société [7] à hauteur de 650 030,98 euros permettant à la société [4] de participer à la distribution de dividendes et de réserves au cours des années 2007, 2008 et 2009 pour un montant total de 1 145 051,65 euros.
10. Ils considèrent que ces dividendes étaient en réalité exclusivement destinés à M. [D], dont l'objectif était d'en soustraire une large partie à l'imposition due en cas de distribution, le solde subsistant sur le compte d'[4] ayant été laissé à sa disposition.
11. Ils en déduisent que M. [D] encourt la confiscation de tout ou partie de la somme saisie au titre de l'article 131-21, alinéa 3 du code pénal s'agissant du produit direct ou indirect de l'infraction d'abus de biens sociaux, à concurrence de la somme de 381 683, 88 euros représentant le montant des droits éludés mais également au titre de la confiscation de tout ou partie des biens du condamné, prévue à l'article 324-7, 12° du même code du fait de l'infraction de blanchiment à titre habituel dont il a été déclaré coupable par arrêt séparé du même jour.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
13. En premier lieu, il est justifié de ce que la somme dont la restitution est sollicitée constitue, pour une part, le produit du délit d'abus de biens sociaux commis par M. [D] dans la limite du montant des droits éludés au titre des dividendes versés par la société [7], et, pour l'autre part, correspond en valeur à l'objet du blanchiment habituel dont M. [D] a été déclaré coupable.
14. En second lieu, M. [D], à l'encontre duquel la peine de confiscation a été prononcée, a été le bénéficiaire économique de la société [4] qui, dès lors, ne peut être considérée comme tiers propriétaire de bonne foi au sens de l'article 131-21, alinéa 5, du code pénal.
15. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par la société [7] :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur le pourvoi formé par la société [4] :
Le REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.