LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mars 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 211 F-D
Pourvoi n° K 23-15.787
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MARS 2025
Mme [K] [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-15.787 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Société de commercialisation pour l'immobilier principal et locatif - IPL 64, société par actions simplifiée, dont le siège est 17 et [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne [S] immobilier, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [W], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société de commercialisation pour l'immobilier principal et locatif - IPL 64, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 mars 2023) et les productions, Mme [W] a été engagée en qualité d'assistante administration des ventes le 12 septembre 2011 par la Société de commercialisation pour l'immobilier principal et locatif - IPL 64, et exerçait en dernier lieu des fonctions de négociateur immobilier, positionnée au coefficient AM2 sur la classification conventionnelle.
2. Les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail, avec effet au 3 février 2018.
Examen des moyens
Sur les premier, cinquième et sixième moyens, ce dernier pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le sixième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination salariale, alors « que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en l'espèce, la salariée demandait la condamnation de son employeur à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination salariale, sans viser aucun texte, en faisant valoir "que les salariés de la société IPL 64 bénéficiaient d'une prime de 13ème mois payée, soit mensuellement, soit annuellement. Par contre, il résulte du mail de l'expert-comptable que M. [S] a pris la décision d'exclure Mme [W] du bénéfice de la prime de 13ème mois alors que, comme le relève le comptable, celle-ci est conventionnelle dont obligatoire" ; qu'il s'en évinçait que la salariée prévalait d'une violation du principe d'égalité de traitement et non d'une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail supposant la prise en compte par l'employeur d'un critère prohibé par la loi ; qu'en rejetant cependant la demande de la salariée au prétexte que celle-ci n'indique pas quel aurait été le fondement de la discrimination alléguée tenant à la non-application à son endroit de l'article 38 de la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble le principe d'égalité de traitement. »
Réponse de la Cour
5. L'article 12 du code de procédure civile, s'il oblige le juge à donner ou à restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes.
6. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée présentait une demande de dommages-intérêts pour discrimination salariale, n'était pas tenue de se prononcer sur l'existence d'une égalité de traitement.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur les deuxième et troisième moyens, ce dernier pris en sa première branche, réunis
Enoncé des moyens
8. Par son deuxième moyen, la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de requalification sur le poste occupé et de ses demandes afférentes, alors « que l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, relatif au nouveau statut du négociateur immobilier, affirme expressément qu'il a pour objet de définir le statut du négociateur immobilier engagé par un seul employeur (à titre exclusif) et rémunéré principalement à la commission ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme [W], qui ne demandait pas l'application de cet avenant, n'était pas rémunérée principalement à la commission, l'employeur admettant que l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 précise que la rémunération du négociateur immobilier est composée essentiellement ou exclusivement de commissions, ce qui n'est pas le cas de la rémunération de Madame [W] ; qu'en appliquant cependant cet avenant à Mme [W] pour lui refuser le niveau cadre C1 de la classification conventionnelle qu'elle revendiquait, la cour d'appel a violé l'avenant susvisé. »
9. Par son troisième moyen, la salariée fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de rappel de commissions et des congés payés afférents et de rejeter la demande de dommages-intérêts pour violation du droit de suite et exécution déloyale du contrat de travail, alors « que l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, relatif au nouveau statut du négociateur immobilier, affirme expressément qu'il a pour objet de définir le statut du négociateur immobilier engagé par un seul employeur (à titre exclusif) et rémunéré principalement à la commission ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme [W] n'était pas rémunérée principalement à la commission, l'employeur admettant que l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 précise que la rémunération du négociateur immobilier est composée essentiellement ou exclusivement de commissions, ce qui n'est pas le cas de la rémunération de Madame [W] ; qu'en faisant néanmoins application de l'article 10 de l'avenant n° 31 susvisé, affirmant que "Le droit de suite court à compter de l'expiation du contrat. Sa durée est déterminée au contrat et ne peut en tout état de cause être inférieure à 6 mois", pour exclure du droit à commission de Mme [W] la vente [N]/[B] qui n'a pas été passée dans les 6 mois du droit de suite, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Recevabilité des moyens
10. L'employeur conteste la recevabilité des moyens. Il soutient que ceux-ci sont nouveaux.
11. Cependant, les moyens sont nés de l'arrêt attaqué, en ce qu'il a fait application de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006, dont ne se prévalait pas la salariée.
12. Les moyens sont donc recevables.
Bien-fondé des moyens
Vu l'article 35 de la convention collective de l'immobilier du 9 septembre 1988 et l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 relatif au nouveau statut du négociateur immobilier, dans leur rédaction antérieure à l'avenant n° 83 du 2 décembre 2019 :
13. Selon le premier de ces textes, la nomenclature des emplois dans les professions visées à l'article 1er est fixée en annexe I de la convention collective. Les négociateurs immobiliers ne sont pas classés à l'un des niveaux de la grille conventionnelle mais bénéficient du statut résultant de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006, exception faite des négociateurs exerçant des fonctions d'encadrement et bénéficiant à ce titre d'un statut cadre, qui seront classés dans la grille de l'annexe I de la convention collective nationale, tout en bénéficiant du statut de l'avenant n° 31.
14. Selon le second, le statut relatif au négociateur immobilier ne s'applique pas aux négociateurs travaillant pour le compte de sociétés immobilières et foncières qui, en raison de la spécificité de leur secteur d'activité, perçoivent une rémunération non essentiellement constituée de commissions. Les négociateurs immobiliers ne sont pas classés à l'un des niveaux de la grille conventionnelle mais bénéficient du statut résultant du présent avenant, exception faite des négociateurs exerçant des fonctions d'encadrement et bénéficiant à ce titre d'un statut cadre, qui seront classés dans la grille de l'annexe I de la convention collective.
15. Il en résulte que l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 n'est pas applicable au négociateur immobilier dont la rémunération n'est pas essentiellement constituée de commissions.
16. Pour débouter la salariée de sa demande de reclassement au coefficient C1 de la convention collective et limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à payer à l'intéressée des sommes à titre de rappel de commissions, l'arrêt retient qu'en application des dispositions de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006, la salariée ne peut prétendre avoir occupé un emploi de négociateur immobilier statut cadre C1 que si elle justifie avoir exercé à ce titre des fonctions d'encadrement, et estime que cette preuve n'est pas rapportée.
17. L'arrêt ajoute que la salariée bénéficie d'un droit de suite dans les limites définies à l'article 10 de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006.
18. En se déterminant ainsi, sans vérifier si la salariée était essentiellement rémunérée à la commission, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [W] de ses demandes de reclassification au niveau cadre C1, de rappels de salaire,
en ce qu'il condamne la Société de commercialisation pour l'immobilier principal et locatif - IPL 64 à payer à Mme [W] la somme de 2 302,40 euros à titre de rappel de commissions et celle de 230,24 euros au titre des congés payés afférents, en ce qu'il rejette sa demande de dommages-intérêts pour violation du droit de suite et exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il dit que chaque partie supportera la charge des dépens et rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la Société de commercialisation pour l'immobilier principal et locatif - IPL 64 aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société de commercialisation pour l'immobilier principal et locatif - IPL 64 et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.