LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mars 2025
Cassation
Mme SCHMIDT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 110 F-D
Pourvoi n° N 23-19.745
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 MARS 2025
La société EARL [N], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-19.745 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2023 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [V], pris en qualité de liquidateur de l'EARL Valjean, domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société EARL [N], de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [V], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Schmidt, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Guillou, conseiller, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 mai 2023), par actes des 18 et 23 mai 2017, l'EARL du Valjean a assigné, en présence du commissaire à l'exécution du plan de redressement dont elle avait obtenu l'arrêté, l'EARL [N] pour obtenir le paiement du prix de cession de différents matériels agricoles et d'un cheptel vif.
2. L'EARL du Valjean ayant été mise en liquidation judiciaire le 15 juillet 2019, Mme [V], désignée en qualité de liquidateur, est intervenue volontairement pour reprendre l'instance.
3. L'EARL [N] ayant été mise en redressement judiciaire le 26 septembre 2019, la créance de l'EARL de Valjean a été déclarée à cette procédure collective et la société [T]-[P], désignée en qualité de mandataire judiciaire de l'EARL [N], est intervenue volontairement à l'instance.
4. Le 8 mars 2021, le plan de redressement de l'EARL [N] a été arrêté et M. [T], a été désigné en qualité de commissaire à son exécution.
5. Le 30 novembre 2021, la demande en paiement a été partiellement accueillie et l'EARL [N] a été condamnée à payer une certaine somme au liquidateur de l'EARL du Valjean.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. L'EARL [N] fait grief à l'arrêt de la condamner à verser une certaine somme au liquidateur de l'EARL du Valjean, alors « que pour condamner le débiteur au paiement de créances antérieures au jugement d'ouverture, l'arrêt attaqué a pris prétexte de ce que le débiteur faisait l'objet d'un plan de redressement toujours en cours et était in bonis ; qu'en se prononçant de la sorte quand, en application du principe de la suspension des poursuites, l'action en paiement de la créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ne pouvait tendre qu'à la constatation éventuelle de son existence et à la fixation, le cas échéant, de son montant, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, rendus applicables à la procédure de redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code :
7. Il résulte de ces textes que l'instance en cours, interrompue par l'ouverture d'une procédure collective, est reprise après que le créancier a déclaré sa créance et mis en cause le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan. L'arrêté d'un plan de redressement ne mettant pas fin à l'interruption des poursuites individuelles, l'instance régulièrement reprise ne peut alors tendre qu'à la fixation de la créance.
8. Pour condamner l'EARL [N] à payer une certaine somme au liquidateur de l'EARL du Valjean, l'arrêt retient que la procédure collective de l'EARL [N] a été ouverte le 26 septembre 2019, postérieurement à l'assignation, et qu'à la date du jugement déféré l'EARL [N] faisait l'objet d'un plan de redressement en cours.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne Mme [V], en sa qualité de liquidateur de l'EARL du Valjean, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.