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04/03/2025 | FRANCE | N°C2500238

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 mars 2025, C2500238


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° W 23-86.223 F-D


N° 00238




ODVS
4 MARS 2025




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 MARS 2025






La s

ociété [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-3, en date du 13 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie contre [O] [A], MM. [Z] [T], [I] [K] et [E] [X] du chef de violences aggravées...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 23-86.223 F-D

N° 00238

ODVS
4 MARS 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 MARS 2025

La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-3, en date du 13 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie contre [O] [A], MM. [Z] [T], [I] [K] et [E] [X] du chef de violences aggravées, a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [1], et les conclusions de Mme Djemni-Wagner, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. [O] [A], mineur, MM. [Z] [T], [I] [K] et [E] [X] ont été poursuivis pour violences en réunion commises au préjudice de MM. [H] [V] et [W] [G].

3. Les prévenus ont été condamnés du chef susmentionné par le tribunal pour enfants et par le tribunal correctionnel.

4. MM. [V] et [G] ont été reçus en leur constitution de partie civile et l'examen des intérêts civils renvoyé à une audience ultérieure du tribunal correctionnel.

5. Le jugement sur intérêts civils a condamné M. [X], [O] [A], pris en la personne de ses représentants légaux, et la [1], assureur de ces derniers, à payer, à MM. [V] et [G], respectivement, les sommes de 18 755,63 euros et 12 621,34 euros en réparation de leur préjudice corporel, à la CPAM du Var (la CPAM), les sommes de 21 095,74 euros et 98 347,98 euros au titre des prestations versées aux deux parties civiles.

6. Les susnommés ont en outre été condamnés à payer les sommes de 800 euros à M. [G] et de 300 euros à la CPAM au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Par ailleurs, [O] [A], pris en la personne de ses représentants légaux, et la [1] ont été condamnés avec MM. [K] et [T] à payer les sommes de 800 euros à M. [V] et de 300 euros à la CPAM à ce même titre.

7. M. [K] et la [1] ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

8. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [1], ès qualités d'assureur solidairement avec M. [A] pris en la personne de ses représentants légaux et MM. [K] et [T], à payer à M. [V] la somme de 23 955,63 euros en deniers ou quittances, déduction faite de la créance de l'organisme social, en réparation de son préjudice corporel ainsi qu'à la CPAM une somme de 21 095,74 euros au titre des débours engagés pour M. [V], alors « que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge ; que la rente accident du travail, qui répare un préjudice permanent, quand bien même son versement aurait commencé avant la date de consolidation retenue par le juge, ne peut être imputée sur un poste de préjudice patrimonial temporaire ; qu'en allouant à M. [V] une somme de 3 500 euros au titre de l'incidence professionnelle après avoir relevé que « l'ensemble de la créance d'indemnité journalière et de rente de la Cpam » avait été prise en compte pour apprécier le montant du reliquat restant à devoir à M. [V] au titre de sa perte de gains professionnels actuels, et que le capital post consolidation de 976,44 euros versé par la Cpam avait donc déjà été imputé et ne pouvait donc pas l'être sur le poste de l'incidence professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

9. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [1], ès qualités d'assureur de M. [A] pris en la personne de ses représentants légaux et MM. [K] et [T], à payer à M. [G] la somme de 17 121,34 euros en deniers ou quittances, déduction faite de la créance de l'organisme social, en réparation de son préjudice corporel ainsi que, à la CPAM du Var, la somme de 98 347,98 euros au titre des débours engagés pour M. [G], alors « que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge et qui constituent l'assiette de leur recours subrogatoire ; qu'en allouant à la Cpam du Var une somme de 98 347,98 euros comprenant « un capital post consolidation (y compris arrérages échus) » de 55 887,64 euros sans retenir pour autant que M. [G] ait subi un préjudice patrimonial permanent, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 29, 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2 du code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

11. Il résulte des deux premiers de ces textes que le juge, après avoir fixé l'étendue du préjudice résultant des atteintes à la personne et évalué celui-ci indépendamment des prestations indemnitaires qui sont versées à la victime, procède poste par poste à l'imputation des prestations qui ouvrent droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur.

12. Il se déduit des deux derniers que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle de l'incapacité.

13. Pour allouer au titre de la perte de gains professionnels actuels à M. [V] la somme de 23 955,63 euros en réparation de son préjudice corporel, l'arrêt attaqué énonce notamment, au paragraphe consacré à la perte de gains professionnels actuels, que la victime a perçu des indemnités journalières à hauteur de 16 828,70 euros, et que le premier juge a retenu une somme de 4 070 euros en faveur de la victime, incluant l'ensemble de la créance d'indemnité journalière et de rente de la CPAM, chef non contesté qui sera confirmé.

14. Le juge ajoute, au chapitre de l'incidence professionnelle, que la CPAM a versé un capital post consolidation de 976,44 euros, qui est d'ores et déjà imputé par le jugement entrepris, avant de confirmer le montant de 3 500 euros accordé à ce titre.

15. Pour allouer à M. [G] la somme de 12 621,34 euros en réparation de son préjudice corporel et à la CPAM celle de 98 347,98 euros, l'arrêt attaqué énonce notamment au paragraphe consacré à la perte de gains professionnels actuels, que la victime a perçu des indemnités journalières à hauteur de 34 742,40 euros, et que le premier juge a retenu une somme de 2 771,34 euros au titre de la perte de salaire, chef non contesté, qui sera confirmé.

16. Le juge ajoute que la CPAM a versé, au titre de la rente accident du travail, un total de 55 887,64 euros, incluant le capital constitutif et les arrérages échus, et déboute la caisse de sa demande d'imputation de cette prestation sur le poste du déficit fonctionnel permanent, au motif que celui-ci ne répare pas un préjudice à caractère professionnel.

17. En statuant ainsi, d'une part, en imputant le capital représentatif de la rente accident du travail servie à M. [V], soit 976,44 euros, sur le poste des pertes de gains professionnels actuels, alors que cette rente répare un préjudice permanent, et, d'autre part, en allouant à la CPAM la somme de 55 887,64 euros, correspondant au capital constitutif et aux arrérages échus de la rente accident du travail servie à M. [G], sans avoir, au préalable, retenu un quelconque préjudice de ce dernier au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

18. La cassation est par conséquent encourue de ces chefs.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [1], ès qualités d'assureur de M. [A] solidairement avec certains ou l'ensemble des civilement responsables à verser une somme de 1 500 euros, respectivement à M. [V], M. [G] et à la CPAM au titre des frais irrépétibles de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel, alors :

« 1°/ qu'en condamnant la [1], partie intervenante en qualité d'assureur d'un civilement responsable, à payer des indemnités au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, après avoir retenu que seules les responsables des dommages seraient condamnés in solidum au paiement de sommes à ce titre, la cour d'appel s'est contredite en violation des articles 592 et 593 du même code.

2°/ que seul l'auteur de l'infraction ou la personne condamnée civilement en application de l'article 470-1 peut être condamné à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'État et exposés par celle-ci ; qu'en condamnant la [1], partie intervenante en qualité d'assureur d'un civilement responsable, à payer des indemnités au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 475-1 du code de procédure pénale :

20. Selon ce texte, seul l'auteur de l'infraction peut être condamné par le tribunal à payer à la partie civile la somme qu'il détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci.

21. En condamnant l'assureur, partie intervenante, à payer aux parties civiles et à la CPAM diverses sommes au titre des frais irrépétibles de l'article 475-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la règle ci-dessus rappelée.

22. La cassation est par conséquent encore encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

23. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux pertes de gains professionnels actuelles et futures, à l'incidence professionnelle, au recours de la CPAM et à la condamnation de la [1] au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 octobre 2023, en ses dispositions relatives aux pertes de gains professionnels actuelles et futures, à l'incidence professionnelle et au recours de la CPAM, et à la condamnation de la [1] au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500238
Date de la décision : 04/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 13 octobre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 mar. 2025, pourvoi n°C2500238


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500238
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