LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 116 F-D
Pourvoi n° Z 23-12.971
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
M. [G] [L], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Z 23-12.971 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre d'appel de Mamoudzou, chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [T] [U] [K], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [Y] [J] [H],
3°/ à Mme [X] [J] [H],
4°/ à M. [U] [J] [H],
5°/ à M. [E] [J] [H],
6°/ à Mme [S] [J] [H],
7°/ à M. [V] [B] [H], domicilié [Adresse 1],
tous six domiciliés [Adresse 1],
8°/ à Conservation de la propriété immobilière de Mayotte, dont le siège est service de la direction régionale des finances publiques, [Adresse 5],
9°/ à la Direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 3] et en tant que de besoin, toutes autres personnes désignées par la décision attaquée, les surnommés et autres ou leurs représentants légaux actuels ou ayant droit,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [L], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Etat, représenté par la Direction générale des finances publiques et la Conservation de la propriété immobilière de Mayotte, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, chambre d'appel de Mamoudzou, 6 décembre 2022), par acte sous seing privé le 10 janvier 2001, [R] [F] a vendu à M. [L], une parcelle de terrain de 486 m², à distraire de la propriété « [N] » faisant l'objet du titre foncier 200-KO.
2. [R] [F] est décédée le 11 mars 2005.
3. Selon acte cadial du 27 décembre 2007, Mmes [Y], [A] et [Z] [J] [H], représentées par M. [V] [J] [H], agissant en leur qualité d'héritiers de [R] [F], ont vendu à Mme [U] [K] une parcelle de 505 m² à distraire de la propriété [N] précitée.
4. L'acte de vente et la réquisition de morcellement ont été déposés à la conservation de la propriété foncière de Mamoudzou le 31 décembre 2007 et la parcelle vendue fait désormais l'objet du titre foncier 17263-DO.
5. Un jugement du 12 juin 2009 a déclaré parfaite la vente intervenue entre [R] [F] et M. [L].
6. Par actes des 30 novembre et 12 décembre 2017, M. [L] a assigné MM. [V], [U] et [E] [J] [H] et Mmes [Y], [Z], [X], [S] et [A] [J] [H] (les consorts [J] [H]), Mme [U] [K] et l'Etat en annulation de la vente immobilière intervenue le 27 mars 2007, en radiation de l'inscription de cette vente et de la réquisition de morcellement ainsi qu'en revendication de la parcelle acquise en 2001. Il a, ensuite, formé une demande additionnelle en annulation de l'immatriculation de la propriété litigieuse au nom de Mme [U] [K].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [L] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que la fraude corrompt tout ; que M. [L] faisait valoir que la vente entre les consorts [J] [H] et Mme [U] [K] procédait d'une collusion frauduleuse entre les vendeurs ¿ qui avaient connaissance de la vente intervenue entre leur mère et M. [L] le 10 janvier 2001 ¿ et l'acheteuse, qui savait que le bien acquis n'était pas libre de tous droits, et qu'ainsi l'annulation des titres fonciers délivrés sur le fondement du décret du 4 février 1911 s'imposait dès lors qu'ils procédaient d'une fraude ; que la cour d'appel s'est bornée à constater que l'acte de vente du 27 décembre 2017 (sic, en réalité 2007) dressé entre les consorts [J] [H], seuls héritiers de Mme [F], et Mme [U] [K] disposait expressément que l'acquéreur deviendrait propriétaire et en prendrait possession le jour de la signature de l'acte, acte ayant fait l'objet d'une inscription à la Conservation de la propriété foncière de Mamoudzou le 31 décembre 2007 tandis que l'acte de vente cadial produit par monsieur [L] ne faisait état que de deux témoignages hors la présence d'un vendeur et sans autre mention d'inscription et qu'en outre le jugement du 12 juin 2009 avait débouté M. [L] de sa demande visant à voir dire et juger que le jugement vaudrait titre de propriété ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si le titre foncier dont Mme [U] [K] se prévalait procédait d'une fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble de l'article 544 du code civil ;
2°/ qu'en vertu du système de publicité foncière résultant du décret du 4 février 1911 applicable à Mayotte, l'immatriculation d'un immeuble au registre foncier est constitutive d'un droit réel que si l'immeuble a été régulièrement immatriculé ; que M. [L] faisait valoir que la procédure d'immatriculation de la propriété de Mme [U] [K] était entachée de vices, notamment qu'un titre lui avait été immédiatement délivré par la Conservation de la propriété immobilière cependant qu'à la date de la vente, le 27 décembre 2007, les consorts [J] [H] ne justifiaient d'aucun droit sur la propriété « [N] » puisque le certificat d'hérédité établissant leur qualité d'ayants droit de Mme [F] n'avait pas été publié, que de plus, il ressortait du courrier du conservateur adressé à Mme [U] [K] le 13 mars 2008, que l'acte de succession n'avait été ni produit, ni publié, qu'aucun procès-verbal de succession n'avait été déposé le 31 décembre 2007, qu'il n'y avait ainsi aucun titre justifiant de leur droit sur la propriété de Mme [F], que le 31 décembre 2007, Mme [U] [K] n'était pas titulaire des droits lui permettant de requérir l'immatriculation de la parcelle et de se faire délivrer un titre foncier et que la procédure de bornage avait été poursuivie de manière totalement irrégulière ; que la cour d'appel s'est bornée à constater que l'acte de vente du 27 décembre 2017 (sic, en réalité 2007) dressé entre les consorts [J] [H], seuls héritiers de Mme [F], et Mme [U] [K] disposait expressément que l'acquéreur deviendrait propriétaire et en prendrait possession le jour de la signature de l'acte, acte ayant fait l'objet d'une inscription à la Conservation de la propriété foncière de Mamoudzou le 31 décembre 2007 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme l'y invitait M. [L], si l'inscription de l'acte à la Conservation de la propriété foncière de Mamoudzou le 31 décembre 2007 était entaché de graves irrégularités, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article 544 du code civil, ensemble les articles 1er ,79, 132, 145, 150 du décret du 4 février 1911. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la vente intervenue en 2001 entre [R] [F] et M. [L], si elle avait été déclarée parfaite par jugement du 12 juin 2009, n'avait jamais donné lieu à inscription ni à délivrance d'un titre foncier, et en a justement déduit que M. [L] n'établissait donc pas être titulaire d'un droit réel.
9. Sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à l'Etat, représenté par la Direction générale des finances publiques et la Conservation de la propriété immobilière de Mayotte, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.