LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 109 F-D
Pourvoi n° F 23-21.257
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
La société SCI [Adresse 2], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-21.257 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2023 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Ecole de [4], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Epag Ecole de [5],
2°/ à la société Axe Sud [Localité 6], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Oppelt, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société civile immobilière [Adresse 2], de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société Ecole de [4], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Oppelt, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société civile immobilière [Adresse 2] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Axe Sud [Localité 6].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 juin 2023), en 2007, la société civile immobilière [Adresse 2] (la bailleresse) a donné à bail, un local à la société Epag Ecole de [5], devenue la société Ecole de [4] (la locataire). La société Axe Sud [Localité 6] s'est portée caution solidaire de ses engagements.
3. La société Axe Sud [Localité 6] a fait l'objet d'une dissolution suite à la réunion de toutes ses parts sociales au profit de son associé unique, la société Ecole de [4].
4. Le 23 juillet 2018, la bailleresse a donné congé à la locataire avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er février 2019 et proposition d'un nouveau prix, que la locataire n'a pas acceptée.
5. Indiquant prendre acte du renouvellement du bail, la bailleresse a, le 19 mars 2019, signifié à la locataire un mémoire préalable en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à une certaine somme. La locataire a d'abord, délivré congé par acte extrajudiciaire du 29 mars 2019, puis a déclaré exercer son droit d'option par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 8 avril 2019 et a quitté les lieux à la date annoncée du 30 septembre 2019.
6. La bailleresse a assigné la locataire et la société Axe Sud [Localité 6] pour faire constater que le bail avait été renouvelé à compter du 1er février 2019 pour une période triennale et que l'exercice du droit d'option par la locataire constituait un abus de droit et pour demander leur condamnation solidaire à payer une certaine somme représentant des loyers et des charges jusqu'au terme de la période triennale ainsi que des réparations locatives.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La bailleresse fait grief à l'arrêt de dire que la locataire a valablement notifié son droit d'option et de rejeter sa demande en constatation du renouvellement du bail à compter du 1er février 2019, alors « que la mise en oeuvre d'une prérogative, qu'elle soit d'origine légale ou contractuelle, ne saurait faire l'objet d'un abus ; que, dans ses conclusions d'appel, la bailleresse faisait valoir que le droit d'option revendiqué en dernier lieu par le locataire était constitutif d'un abus de droit comme participant de manoeuvres du locataire qui, ne voulant pas déménager avant la fin de l'été 2019, "n'a eu vraisemblablement pour objectif que de disposer du temps nécessaire pour rechercher et investir dans de nouveaux locaux tout en continuant de profiter de ceux situés [Adresse 2] après expiration du terme du bail initial, ne souhaitant pas déménager en pleine année scolaire compte tenu de son domaine d'activité" ; qu'elle exposait ainsi que "c'est la raison pour laquelle elle a tout d'abord demandé à son bailleur de lui accorder un peu de temps ; puis tandis que la bailleresse organisait l'état des lieux de sortie au mois de février 2019, elle a exprimé de façon expresse et univoque sa volonté de renouveler le bail ; avant de donner un congé non valable et d'exercer un droit d'option" ; qu'en se bornant à relever pour écarter tout abus de droit que l'exercice du droit d'option par le preneur "ne peut caractériser un abus de sa part puisque les parties ne sont pas parvenues à s'accorder sur le maintien de leurs relations contractuelles et que le bailleur a été informé en temps utile de la date à laquelle la société locataire quitterait les locaux", la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure que le droit d'option exercé par la locataire, dans le seul objectif de disposer du temps nécessaire pour rechercher et acquérir de nouveaux locaux tout en continuant de profiter de ceux situés [Adresse 2] sans avoir à déménager avant la fin d'été 2019, ne procédait pas d'un détournement de ce droit de sa finalité caractérisant un abus de celui-ci, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-57 du code de commerce, ensemble l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a, d'abord, énoncé, à bon droit, que le seul fait d'accepter le principe du renouvellement sans en accepter les conditions financières proposées par la bailleresse ne faisait pas obstacle à l'exercice du droit d'option que la locataire pouvait mettre en oeuvre à tout moment et au plus tard dans le mois suivant la décision judiciaire fixant le montant du bail renouvelé.
9. Elle a, ensuite, constaté que la locataire avait, par courriers des 27 juillet 2018 et 8 janvier 2019, refusé les conditions financières proposées par la bailleresse, que les parties n'étaient pas parvenues à s'accorder sur le maintien de leur relation contractuelle, que la bailleresse avait été informée, à plusieurs reprises de l'intention de la locataire de quitter les locaux le 30 septembre 2019 à défaut d'accord sur le prix et qu'elle avait notifié l'exercice de son droit d'option par lettre recommandée du 8 avril 2019.
10. Elle a pu déduire de ces seuls motifs que l'abus de droit allégué n'était pas caractérisé.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. La bailleresse fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la locataire à une certaine somme au titre des réparations locatives, alors :
« 1°/ que l'indemnisation du bailleur en raison de l'inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n'est pas subordonnée à l'exécution de ces réparations ; qu'en limitant l'indemnisation du bailleur au motif qu'il ne justifiait pas avoir effectivement fait réaliser les travaux de peinture litigieux et ne produisait pas de facture acquittée, la cour d'appel a violé les articles 1732 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;
2°/ que le devis des travaux de peinture établi par la société PB Entreprise, produit par le bailleur à l'appui de sa demande d'indemnisation, faisait mention d'un prix unitaire de 65,28 euros/m² correspondant au coût de la "peinture de sol" et d'un prix unitaire de 25,12 euros/m² correspondant au coût des travaux de peinture des "murs", tandis que le devis des travaux de peinture établi à l'initiative du preneur faisait mention d'un prix unitaire de 14 euros/m² correspondant au coût de la "peinture sur mur" ; qu'en procédant à la comparaison des seuls prix unitaires de 65,28 euros/m² et de 14 euros/m² comme représentant pour chacun des devis "le prix unitaire d'une couche de peinture", la cour d'appel a dénaturé ces devis en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits versés aux débats. »
Réponse de la Cour
13. Ayant constaté que les parties s'accordaient sur la nature des travaux de réparation à la charge de la locataire, la cour d'appel, qui n'a pas subordonné l'indemnisation du bailleur à la réalisation effective de ces travaux a souverainement apprécié la valeur probante des devis fournis par les deux parties en l'état des différences notables du prix unitaire des couches de peinture, abstraction faite d'une dénaturation sans incidence sur le prix de la couche de peinture « mur » du devis de la bailleresse, et a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière [Adresse 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière [Adresse 2] et la condamne à payer à la société Ecole de [4] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.