LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 103 FS-B
Pourvoi n° K 23-10.658
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
1°/ Mme [X] [P], veuve [Y],
2°/ Mme [T] [Y], épouse [A],
toutes deux domiciliées [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° K 23-10.658 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2022 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [I] [P],
2°/ à Mme [V] [R], épouse [P],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
3°/ à M. [F] [P], domicilié [Adresse 8],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [P], veuve [Y], de Mme [Y], épouse [A], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. et Mme [P], de M. [F] [P], et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Compagnie, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 novembre 2022), par acte de donation-partage du 10 novembre 1992, M. [I] [P] et Mme [Y] ont reçu de leurs parents la nue-propriété des parcelles cadastrées section F n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 7] pour le premier, la parcelle F n° [Cadastre 5] étant un bien propre au donateur, et de celles cadastrées section F n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour la seconde, la parcelle F n° [Cadastre 2] étant un bien commun des époux donateurs.
2. Mme [Y], devenue seule propriétaire de ces deux dernières parcelles, a fait procéder à la division de la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 2] en trois lots, depuis cadastrés section F n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11], puis a fait donation à sa fille, Mme [A], de la nue-propriété des parcelles cadastrées section F n° [Cadastre 3] et [Cadastre 9] et de la pleine propriété de la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 10].
3. Un garage étant édifié sur la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 9], dont les portes d'accès ouvrent sur la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 5] appartenant à M. [I] [P], Mmes [Y] et [A] l'ont assigné en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage grevant ce dernier fonds, par destination du père de famille et, subsidiairement, pour cause d'enclave, et condamnation à rétablir le passage permettant d'accéder et d'utiliser ce garage.
4. M. [I] [P] et son épouse commune en biens ayant fait donation par acte du 18 mars 2021 de la nue-propriété des parcelles cadastrées section F n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 7] à leur fils, M. [F] [P], ce dernier et Mme [P] sont intervenus volontairement à l'instance en cause d'appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Mmes [Y] et [A] font grief à l'arrêt de dire que la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 9] ne bénéficie pas pour l'accès au garage dépendant de cette parcelle d'une servitude de passage instituée par destination du père de famille s'exerçant sur la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 5] et de rejeter l'ensemble de leurs prétentions, alors « que la servitude par destination du père de famille peut résulter de l'existence d'un signe apparent de servitude entre deux fonds qui font l'objet d'une donation-partage par des époux au profit de leurs enfants, quand bien même ces fonds appartiennent l'un à la communauté entre époux et l'autre à l'un des époux en propre, dès lors que ces deux fonds ont bien un propriétaire commun en la personne de cet époux lequel peut constituer cette servitude ; qu'en se fondant pour écarter la servitude par destination du père de famille résultant du maintien par les donateurs, de la porte d'accès du garage situé sur la parcelle F [Cadastre 2], donnant sur la parcelle F [Cadastre 5], sur la circonstance que la parcelle F [Cadastre 5] appartenait à M. [C] [P] en propre tandis que la parcelle F [Cadastre 2] (devenue F [Cadastre 9] notamment) était un bien commun appartenant à M. [C] [P] et son épouse, au titre d'une acquisition que M. [C] [P] a faite durant le mariage, la cour d'appel a violé les articles 693 et 694 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article 693 du code civil, il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.
7. Il s'en déduit que, lorsque, par une donation-partage, des époux transmettent à l'un de leurs héritiers un fonds constituant un bien propre de l'un d'eux, et à un autre un fonds constituant un bien commun, aucune servitude par destination du père de famille ne peut être constituée à cette occasion, les biens ainsi transmis n'ayant pas appartenu au même propriétaire et le partage n'ayant donc pas opéré de division d'un même fonds.
8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Mmes [Y] et [A] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir juger que le garage situé sur la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 9], anciennement F n° [Cadastre 2], sera désenclavé par l'instauration d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave, sur la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 5] propriété de M. [P], alors « que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ; que le propriétaire d'un fonds qui dispose d'un accès à la voie publique, mais dont le garage n'a d'accès possible en voiture que par le fonds voisin, est fondé à réclamer un passage sur ce fonds voisin dès lors que cette enclave du garage n'est pas volontaire ; qu'en refusant de reconnaître le bénéfice d'une servitude légale de passage pour la desserte du garage litigieux, après avoir constaté que si la parcelle F [Cadastre 2] devenue F [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11] dispose d'un accès sur la route, accessible pour les automobiles, il n'est pas contestable que le garage litigieux n'est accessible en automobile que depuis la parcelle F [Cadastre 5] propriété de M. [P], la cour d'appel a violé l'article 682 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. Ayant retenu que les parcelles cadastrées section F n° [Cadastre 3] et F n° [Cadastre 2] (devenue F n° [Cadastre 9] à [Cadastre 11]), dont Mme [Y] avait hérité, disposaient de deux accès à la voie publique, l'un sur la grande rue bordant la parcelle désormais cadastrée section F n° [Cadastre 10] et l'autre sur la route de [Localité 12] bordant la parcelle F n° [Cadastre 3], puis relevé que les photographies produites de véhicules stationnés dans la cour confirmaient la possibilité d'un accès automobile à ces fonds, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que le passage revendiqué pour accéder directement au garage situé à l'arrière de la parcelle F n° [Cadastre 9] relevait d'une simple commodité, en a exactement déduit que ce fonds n'était pas enclavé.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes [Y] et [A] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.