LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 février 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 181 F-D
Pourvoi n° J 23-10.312
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
La caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-10.312 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant :
1°/ au centre hospitalier [Localité 4]-[Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], désormais en charge de l'HAD de [Localité 5],
2°/ à l'association [6], dont le siège est [Adresse 3], ayant été en charge de l'HAD de [Localité 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, de Me Laurent Goldman, avocat du centre hospitalier [Localité 4]-[Localité 5], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Hénon, conseiller rapporteur, M. Pédron, conseiller, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'association [6], ayant été en charge de l'hospitalisation à domicile de [Localité 5].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Caen ,10 novembre 2022), à la suite d'un contrôle de facturation de l'association [6], aux droits de laquelle vient l'établissement centre hospitalier [Localité 4]-[Localité 5] (l'établissement), portant sur l'année 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse) lui a notifié un indu le 13 décembre 2016.
3. L'établissement a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler cet indu, alors « que l'organisme de sécurité sociale justifie suffisamment de l'indu pour non-respect des règles de tarification ou de facturation par la production d'un tableau faisant référence, pour chaque dossier concerné, aux bénéficiaires, au séjour concerné, au nom et numéro d'exécutant, au numéro de prescripteur, à la date de facturation, au code prestation, au montant remboursé et à la date de mandatement ; qu'en l'espèce, la la caisse versait aux débats un courrier de notification d'indu incluant en annexe un tableau précisant l'identité du patient, la durée du séjour de l'hospitalisation à domicile, l'identité du médecin prescripteur, l'identité de l'exécutant, la nature de l'acte ou de la prestation ainsi que la date de prescription, la date d'exécution et la date de remboursement des sommes ; qu'en jugeant que la seule production de ce tableau ne permettait pas d'établir la réalité du double paiement intervenu et qu'en l'absence de production par la caisse de pièces justificatives, notamment des prescriptions médicales, des factures émises et des règlements intervenus, aucun contrôle ne pouvait être effectué par l'établissement, quand la caisse remplissait suffisamment sa part probatoire par la transmission du tableau de notification d'indu de sorte qu'il appartenait à l'établissement de soins de démontrer le caractère infondé de l'indu, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4 en sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 et 1358 du code civil, L. 133-4, L. 162-22-6, R. 162-33-1, 1°, et R. 162-33-2 du code de la sécurité sociale, les quatre derniers dans leur rédaction applicable au litige :
5. Selon le cinquième de ces textes, les catégories de prestations d'hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale mentionnées au 1° du quatrième comprennent le séjour et les soins avec ou sans hébergement, représentatifs de la mise à disposition de l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation du patient, à l'exception de ceux faisant l'objet d'une prise en charge distincte en application des dispositions du sixième. La prise en charge des frais occasionnés par ces prestations est assurée par des forfaits.
6. Il en résulte que le forfait « groupe homogène de tarif » versé à un établissement d'hospitalisation à domicile en application de l'article R. 162-33-1, 1°, susvisé, couvre l'ensemble des actes, prestations et produits dont a bénéficié le patient durant la période d'hospitalisation à domicile, à l'exception des frais et honoraires limitativement énumérés à l'article R. 162-33-2 du code de la sécurité sociale.
7. Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par les articles R. 162-33-1, 1°, et R. 162-33-2, d'établir l'existence du paiement, d'une part, son caractère indu, d'autre part. Le caractère indu du paiement résulte de ce que l'organisme social a pris en charge des actes, produits et prestations inclus dans le forfait, tel que défini au paragraphe 5.
8. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen.
9. Pour annuler l'indu litigieux, l'arrêt énonce que la caisse a accompagné le courrier de notification d'indu d'un tableau récapitulatif mentionnant l'identité du patient, la durée du séjour de l'hospitalisation à domicile, l'identité du médecin prescripteur, la nature de l'acte ou de la prestation ainsi que la date de remboursement des sommes indûment payées sur l'enveloppe des soins de ville, dont la prise en charge est couverte par le tarif groupe homogène de tarif versé à l'établissement. Il ajoute que la seule production de ces tableaux, sans aucun autre élément ne permet pas d'établir la réalité d'un double paiement, l'établissement ne pouvant opérer de vérification, s'agissant d'un remboursement qui n'est pas effectué entre ses mains mais à un professionnel libéral.
10. En statuant ainsi, alors que la caisse était admise à prouver l'indu par tout moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement déclarant recevable le recours formé par l'association [6], l'arrêt rendu le 10 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne le centre hospitalier [Localité 4]-[Localité 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le centre hospitalier [Localité 4]-[Localité 5] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.