LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 176 F-D
Pourvoi n° U 22-24.002
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-24.002 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à M. [I] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
M. [I] [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Lapasset, conseiller, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 4 octobre 2022), ayant constaté l'existence d'omissions déclaratives, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire (la caisse) a, par lettre 4 mars 2019, informé M. [H] (l'allocataire) de la révision de son allocation supplémentaire à effet du 1er août 2003, ainsi que d'un trop-perçu de cette allocation d'un certain montant au titre de la période du 1er août 2003 au 31 janvier 2019.
2. Le 10 juillet 2019, une pénalité financière lui a été notifiée par le directeur de la caisse.
3. L'allocataire a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale de recours portant tant sur l'indu que sur la pénalité financière.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident, formé par l'allocataire
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal, formé par la caisse
Enoncé du moyen
5. La caisse fait grief à l'arrêt de condamner l'allocataire à lui payer une certaine somme au titre du trop-perçu de l'allocation supplémentaire, alors « que l'action en remboursement de prestations indument versées sur la base de fausses déclarations de l'assuré se prescrit par cinq ans à compter du jour où la caisse a connaissance de celles-ci, dans la limite de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ; que la prescription quinquennale ne porte que sur le délai pour exercer l'action, non sur la détermination de la créance elle-même ; qu'en l'espèce, en présence de fausses déclarations du bénéficiaire constatées par la cour d'appel, la caisse, qui avait exercé son action dans les cinq ans à compter du jour où elle en avait eu connaissance, pouvait réclamer les arrérages d'allocations supplémentaires indument versées à l'assuré dans la limite de vingt ans ; qu'en jugeant pourtant qu'elle ne pouvait réclamer que la restitution des sommes versées dans les cinq années précédant l'introduction de son action en justice, la cour d'appel a violé les articles L.815-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, 2224 et 2232, alinéa 1er, du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 et 2232 du code civil et L. 815-11 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 :
6. Pour l'application de ces textes, il est désormais jugé (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié), d'une part, que l'action en remboursement d'un trop-perçu d'allocation supplémentaire provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L. 815-11 du code de la sécurité sociale mais que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration, d'autre part, que ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.
7. Il en résulte qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu d'allocation supplémentaire d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action.
8. Pour condamner l'allocataire à payer une certaine somme à la caisse au titre d'un indu d'allocation supplémentaire, l'arrêt énonce que la caisse n'est recevable à réclamer que le remboursement des sommes indument versées sur une période de cinq ans à compter de la découverte des fausses déclarations, soit depuis le 26 novembre 2018, date du dépôt du rapport d'enquête de la caisse, et non pas depuis le 1er août 2003, date à compter de laquelle les arrérages d'allocation supplémentaire lui ont été réclamés en totalité.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en tant qu'il condamne M. [H] à verser à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire un trop-perçu d'allocation supplémentaire de 51 578,37 euros et, statuant à nouveau, le condamne à payer à cette caisse la somme de 22 932,87 euros au titre du trop-perçu d'allocation supplémentaire, l'arrêt rendu le 4 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.