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26/02/2025 | FRANCE | N°C2500387

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 février 2025, C2500387


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° W 24-86.687 F-D


N° 00387




RB5
26 FÉVRIER 2025




CASSATION




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 FÉVRIER 2025






M. [R

] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 novembre 2024, qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de vol aggravé en récidive.


U...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 24-86.687 F-D

N° 00387

RB5
26 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 FÉVRIER 2025

M. [R] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 novembre 2024, qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de vol aggravé en récidive.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [R] [G], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [Y] [J] a déposé plainte pour le vol d'un véhicule, commis par trois hommes, deux d'entre eux étant porteurs d'armes à feu, dont l'une avait été utilisée pour le frapper. Il avait subi des blessures, dont trois fractures de la face, entraînant 30 jours d'incapacité totale de travail.

3. MM. [R] [G], [P] [T] et [W] [L] ont été mis en cause dans le cadre d'une information ouverte, notamment, pour vol avec arme en bande organisée et violences aggravées.

4. M. [L] ayant fait l'objet d'un mandat d'arrêt, le juge d'instruction a, par ordonnance du 20 septembre 2024, renvoyé MM. [G], [T] et [L] devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de vol avec violences, en récidive pour MM. [G] et [T].

5. M. [G] a seul relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le renvoi de M. [G] devant le tribunal correctionnel du chef de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours en état de récidive légale, faits prévus et réprimés par les articles 311-1, 311-6, 311-11, 311-13, 311-14 et 311-15 du code pénal, alors :

« 1°/ que la personne mise en examen peut interjeter appel de l'ordonnance la renvoyant devant le tribunal correctionnel dans le cas où elle estime que les faits renvoyés devant celui-ci constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ou devant la cour criminelle départementale ; que, saisie d'un tel appel, la chambre de l'instruction doit se borner à examiner si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen, tels qu'ils résultent de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et qu'elle ne peut apprécier différemment, constituent une infraction qualifiée de crime par la loi et, si tel est le cas, ordonner la mise en accusation de la personne mise en examen devant la juridiction criminelle ; que le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'il est commis soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé ; que, par une ordonnance du 20 septembre 2024, le juge d'instruction a retenu qu'« au terme de l'information judiciaire, la circonstance aggravante de bande organisée n'apparaît pas suffisamment établie, les modalités de préparation des faits demeurant inconnus en dépit des investigations entreprises » et qu' « au vu de ce qui précède et en opportunité pour une bonne administration de la justice, les faits criminels de vol avec arme en bande organisée seront requalifiés en délit de vol avec violences suivies d'incapacité supérieure à 8 jours, pour lequel les éléments développés dans la présente discussion constituent des charges suffisantes à l'encontre de chacun des mis en examen » (ordonnance, p. 17) ; qu'il en résulte que le juge d'instruction a estimé que si la circonstance aggravante de bande organisée n'était pas établie, les faits criminels de vol avec arme l'étaient quant à eux mais qu' « en opportunité pour une bonne administration de la justice », ils devaient être requalifiés en délit de vol avec violences ; que dès lors, en énonçant qu' « il résulte des déclarations rappelées plus avant que c'est à la suite de ces violences que les agresseurs lui ont dérobé le véhicule de marque Audi qu'il conduisait, comme cela résulte de ses déclarations tant devant les enquêteurs que devant le juge d'instruction, [Y] [J] n'ayant par ailleurs fait état d'aucune menace avec arme ni même usage d'une arme en vue de le contraindre à abandonner son véhicule mais de violences aux fins de le retenir, en vain, dans son véhicule avant de lui dérober », pour conclure que « c'est à juste titre que le juge d'instruction a requalifié les faits visés à la mise en examen de [R] [G] sous la qualification de vol avec arme en délit de vol précédé, accompagné ou suivi de violences laquelle répond d'avantage au déroulement des faits dénoncés » (arrêt, p. 13, dernier §, et p. 14), la chambre de l'instruction, qui ne s'est pas bornée à examiner les faits retenus à la charge de M. [G] tels qu'ils résultaient de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, à tout le moins les a appréciés différemment, puisque le juge d'instruction avait jugé établis les faits de vol avec arme, a méconnu l'étendue de son office et le sens et la portée des dispositions de l'article 186-3 du code de procédure pénale ;

2°/ subsidiairement, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction en ce que celui-ci avait requalifié « les faits visés à la mise en examen de [R] [G] sous la qualification de vol avec arme en délit de vol précédé, accompagné ou suivi de violences laquelle répond d'avantage au déroulement des faits dénoncés » (arrêt, p. 13), la chambre de l'instruction a relevé que M. [J] n'avait « fait état d'aucune menace avec arme ni même usage d'une arme en vue de le contraindre à abandonner son véhicule mais de violences aux fins de le retenir, en vain, dans son véhicule avant de lui dérober » (arrêt, p. 13) ; que toutefois, la chambre de l'instruction a en outre retenu que M. [J] avait « relaté avoir reçu un premier coup porté avec la crosse d'une arme de poing par le premier individu venu à sa hauteur alors qu'il se trouvait dans son véhicule de marque Audi » et que « ces déclarations concernant les violences subies sont corroborées par les constatations médicales résultant du rapport établi le 1er mars 2023 par le médecin de l'Unité médico-judiciaire d'[Localité 1] » (arrêt, p. 13 ; dans le même sens, ordonnance, p. 6 et 7) ; qu'en n'expliquant pas comment elle pouvait considérer que ce premier acte de violence sur M. [J], commis avec une arme, avait exclusivement pour objet de le retenir dans son véhicule et aucunement aussi de voler celui-ci, cependant que le coup ainsi porté tendait manifestement à neutraliser M. [J] pour faciliter la commission de toutes les infractions projetées, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble de l'article 311-8 du code pénal ;

3°/ plus subsidiairement, que les juridictions d'instruction ont l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, sans s'en tenir à celles proposées par la partie civile et sans se livrer à un examen abstrait des faits ; que le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'il est commis soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant le renvoi de M. [G] devant le tribunal correctionnel du chef de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours en état de récidive légale, cependant que résultait de l'instruction l'existence de charges suffisantes que le vol objet des poursuites avait été commis par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé, la chambre de l'instruction ayant énoncé que M. [J] avait « relaté avoir reçu un premier coup porté avec la crosse d'une arme de poing par le premier individu venu à sa hauteur alors qu'il se trouvait dans son véhicule de marque Audi. Il a ajouté que ce premier agresseur a été rejoint par deux autres individus. Il a précisé avoir vu le troisième individu descendre de l'arrière du véhicule de ces agresseurs, en tenant un fusil-à pompes » et que « ces déclarations concernant les violences subies sont corroborées par les constatations médicales résultant du rapport établi le 1er mars 2023 par le médecin de l'Unité médico-judiciaire d'[Localité 1] » (arrêt, p. 13 ; dans le même sens, ordonnance, p. 4 et p. 6), la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des dispositions des articles 85, 86 et 186-3 du code de procédure pénale, ensemble de l'article 311-8 du code pénal ;

4°/ plus subsidiairement, que les juridictions d'instruction ont l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, sans s'en tenir à celles proposées par la partie civile et sans se livrer à un examen abstrait des faits ; que le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'il est commis soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant le renvoi de M. [G] devant le tribunal correctionnel du chef de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours en état de récidive légale, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'instruction l'existence de charges suffisantes que M. [G] avait, à tout le moins, été complice d'un vol commis par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé, la chambre de l'instruction ayant énoncé que M. [J] avait « relaté avoir reçu un premier coup porté avec la crosse d'une arme de poing par le premier individu venu à sa hauteur alors qu'il se trouvait dans son véhicule de marque Audi. Il a ajouté que ce premier agresseur a été rejoint par deux autres individus. Il a précisé avoir vu le troisième individu descendre de l'arrière du véhicule de ces agresseurs, en tenant un fusil-à pompes » et que « ces déclarations concernant les violences subies sont corroborées par les constatations médicales résultant du rapport établi le 1er mars 2023 par le médecin de l'Unité médico-judiciaire d'[Localité 1] » (arrêt, p. 13 ; dans le même sens, ordonnance, p. 4 à 6), la chambre de l'instruction, qui s'est contentée d'écarter l'existence de charges suffisantes d'un vol commis avec usage ou menace d'une arme, en affirmant que M. [J] n'avait « par ailleurs fait état d'aucune menace avec arme ni même usage d'une arme en vue de le contraindre à abandonner son véhicule mais de violences aux fins de le retenir, en vain, dans son véhicule avant de lui dérober » (arrêt, p. 13), n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 85, 86 et 186-3 du code de procédure pénale, ensemble des articles 311-8 et 121-6 du code pénal ;

5°/ que la personne mise en examen peut interjeter appel de l'ordonnance la renvoyant devant le tribunal correctionnel dans le cas où elle estime que les faits renvoyés devant celui-ci constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ou devant la cour criminelle départementale ; que le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d'arrêter, d'enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de vingt ans de réclusion criminelle ; que la chambre de l'instruction a énoncé, d'une part, que M. [J] avait déclaré avoir été « roué de coups par ces trois individus qui ont tenté de le mettre sur la banquette arrière de son véhicule, déclarant avoir alors reçu des coups au visage et au crâne ainsi que des coups de pieds, avant, de parvenir à sortir de son véhicule », d'autre part, qu' « il résulte des déclarations rappelées plus avant que c'est à la suite de ces violences que les agresseurs lui ont dérobé le véhicule de marque Audi qu'il conduisait, comme cela résulte de ses déclarations tant devant les enquêteurs que devant le juge d'instruction, [Y] [J] n'ayant par ailleurs fait état d'aucune menace avec arme ni même usage d'une arme en vue de le contraindre à abandonner son véhicule mais de violences aux fins de le retenir, en vain, dans son véhicule avant de lui dérober » (arrêt, p. 13), ce dont il résultait l'existence de charges suffisantes que M. [G] avait participé à une tentative d'enlèvement, du chef de laquelle il avait d'ailleurs été mis en examen, ; qu'en confirmant pourtant l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant le renvoi de M. [G] devant le tribunal correctionnel, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article 186-3 du code de procédure pénale, ensemble des articles 224-1 et 121-4 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 311-8 du code pénal :

7. Selon ce texte, le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'il est commis, soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé.

8. Pour écarter la qualification de vol avec arme, l'arrêt attaqué énonce que la partie civile n'a fait état d'aucune menace avec arme ou usage d'une arme en vue de la contraindre à abandonner son véhicule, mais de violences destinées à la retenir dans celui-ci, avant de le dérober.

9. En prononçant ainsi, après avoir relevé qu'il résultait des déclarations de la partie civile, corroborées par des constatations médicales, que deux des trois auteurs du vol, concomitant des violences commises sur sa personne, étaient, au moment de celui-ci, porteurs d'armes à feu, dont l'une avait été utilisée pour lui asséner un coup de crosse, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.

10. La cassation est, par conséquent, encourue.

Portée et conséquences de la cassation

11. Il convient d'éviter, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, que les mêmes faits soient jugés par deux juridictions différentes. En conséquence, la cassation sera étendue à MM. [T] et [L], dans les conditions prévues par l'article 612-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 novembre 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sans s'arrêter aux dispositions de l'ordonnance de renvoi du 20 septembre 2024 et des actes ultérieurs concernant MM. [T] et [L], qui seront réputés non avenus ;

ETEND la cassation à MM. [T] et [L] ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil, qui, au vu des pièces de la procédure et de tout supplément d'information, s'il y a lieu, statuera tant sur la prévention que sur la compétence ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500387
Date de la décision : 26/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 15 novembre 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 fév. 2025, pourvoi n°C2500387


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500387
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