LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2025
Cassation sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 202 F-D
Pourvoi n° U 24-12.763
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
La société Centre d'imagerie scintigraphique rouennais, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 24-12.763 contre le jugement rendu le 27 février 2024 par le tribunal judiciaire de Rouen (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [F], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations écrites de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Centre d'imagerie scintigraphique rouennais, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [F], après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rouen, 27 février 2024),
Mme [F] a été engagée en qualité de médecin spécialiste en médecine nucléaire par la société Centre d'imagerie scintigraphique rouennais (la société) à compter du 25 février 2013.
2. La salariée a été en arrêt de travail du 2 janvier au 31 mai 2023.
3. Le 6 avril 2023, la société a procédé à l'affichage d'une note d'information sur l'organisation prochaine des élections professionnelles. Le 7 mai suivant, en l'absence de candidatures, elle a établi un procès-verbal de carence, réceptionné par le centre de traitement des élections professionnelles le 31 mai 2023.
4. Le 1er juin 2023, la salariée a été déclarée inapte à son poste. Le 10 juin suivant, la société lui a notifié une impossibilité de reclassement puis, le 27 juin, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
5. La salariée a, le 5 septembre 2023, saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de certaines sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
6. Le 2 octobre 2023, elle a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation du procès-verbal de carence du 7 mai 2023.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. La société fait grief au jugement de déclarer recevable l'action de la salariée à son encontre et, en conséquence, d'annuler le procès-verbal de carence du 7 mai 2023, alors « que le délai de forclusion de quinze jours dont dispose un salarié pour contester la régularité d'élection d'un comité social et économique ayant donné lieu à un procès-verbal de carence court à compter du lendemain du jour où l'employeur a porté le procès-verbal à la connaissance des salariés par tout moyen permettant de donner date certaine à l'information, peu important la date à laquelle le salarié en a effectivement personnellement pris connaissance ; que dès lors en retenant, pour considérer que la publication du procès-verbal sur le site du gouvernement dédié aux élections professionnelles et accessible à tous le 31 mai 2023 n'avait pu faire courir le délai de forclusion à l'égard de Mme [F], que rien ne permettait de savoir si elle avait consulté la page internet de ce site dès cette date de sorte que cette information n'aurait pas date certaine à son égard, le tribunal, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas en exigeant que la société CISR établisse que Mme [F] avait pris connaissance de l'information, a violé les articles L. 2314-9 et R. 2314-24 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2314-9 et R. 2314-24 du code du travail :
8. Aux termes du premier de ces textes, lorsque le comité social et économique n'a pas été mis en place ou renouvelé, un procès-verbal de carence est établi par l'employeur. L'employeur porte à la connaissance des salariés par tout moyen permettant de donner date certaine à cette information, le procès-verbal dans l'entreprise et le transmet dans les quinze jours, par tout moyen permettant de conférer date certaine à l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1. Ce dernier communique une copie du procès-verbal de carence aux organisations syndicales de salariés du département concerné.
9. Selon le second de ces textes, la requête en contestation de la régularité de l'élection n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation.
10. Pour retenir que l'action en nullité du procès-verbal de carence engagée le 2 octobre 2023 n'était pas prescrite, le jugement retient que rien ne permet de savoir si la salariée a effectivement consulté le site elections.professionnelles.travail.gouv.fr/resultats, sur lequel il était publié, de sorte que la communication de cette information via la publication sur ce site n'a pas date certaine.
11. En statuant ainsi, alors que le délai de contestation du procès-verbal de carence court à compter de sa publication, le tribunal a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 février 2024, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Rouen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT Mme [F] irrecevable en son action en nullité du procès-verbal de carence du 7 mai 2023 ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.