LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 181 F-D
Pourvoi n° V 23-19.131
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
Mme [S] [F], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-19.131 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Venedim, société par actions simplifiée, anciennement dénommée société Venedim infrastructures,
2°/ à la société Altea Asset, société par actions simplifiée, anciennement dénommée société Venedim,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 5],
3°/ la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [Y] [K], en qualité de liquidatrice judiciaire de la société ILC, anciennement dénommée société Venedim Management,
4°/ la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [Y] [K], en qualité de liquidatrice judiciaire de la société JDM, anciennement dénommée société Venedim
5°/ à la société AJRS, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [G] [X], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Venedim,
6°/ à la société [O] [Z], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [O] [Z], en qualité de mandataire judiciaire de la société Venedim,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [F], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat des sociétés Venedim, Altea Asset, des sociétés AJRS et [O] [Z], ès qualités, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [F] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société ILC. anciennement Venedim Management, représentée par son liquidateur et contre la société JDM anciennement Venedim Solutions, représentée par son liquidateur.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 mai 2023) et les productions, Mme [F] a été engagée en qualité de consultante maîtrise d'ouvrage, le 21 juin 2010 par la société Venedim Consulting, appartenant à un groupe dont la société holding est la société Altea Asset, anciennement dénommée Venedim.
3. Par avenant du 1er avril 2011, la société Venedim Consulting est convenue avec la salariée du transfert de son contrat de travail à la société Venedim Management. Suivant un nouvel avenant prenant effet au 1er janvier 2012, la société Venedim Management et la salariée sont convenues de transférer son contrat de travail, à la société Venedim Solutions, dénommée ultérieurement « JDM ».
4. La salariée n'a en revanche pas signé un projet d'avenant du 1er avril 2015, établi au nom de la société Venedim Solutions prévoyant le transfert de son contrat de travail au profit de la société ITRH.
5. Par jugement du 19 avril 2017, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société ITRH et désigné M. [N], en qualité de liquidateur.
6. La salariée a été licenciée pour motif économique, par le liquidateur de cette société le 4 mai 2017.
7. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la société Altea Asset anciennement dénommée Venedim.
8. Par jugement du 6 décembre 2023, la société Venedim a fait l'objet d'un redressement judiciaire, la société AJRS étant désignée en qualité d'administrateur et la société [O] [Z] en qualité de mandataire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail la liant aux sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures), qui s'est poursuivi postérieurement au 1er avril 2015, a été rompu par l'effet du licenciement pour motif économique prononcé le 4 mai 2017 par le mandataire liquidateur de la société IT RH et de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes en paiement de sommes à titre de rappel de salaires et congés payés afférents, alors :
« 1°/ que lorsque les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans l'accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail ; que le salarié, qui se voit imposer une modification unilatérale de son contrat et qui ne choisit pas de faire constater que cette voie de fait s'analyse en un licenciement, est fondé à exiger la poursuite du contrat aux conditions initiales ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu' ''en l'état de l'envoi par la société Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) à la salariée du projet d'avenant le 7 avril 2015, puis de la note d'information du 11 mai 2015, du versement par cette société ITRH du salaire des 10 jours d'avril 2015, puis du maintien de salaire et de l'établissement des bulletins de salaire sans observation de la salariée et de la simple poursuite de la relation contractuelle, le transfert allégué s'analyse comme une modification unilatérale du contrat de travail'', puis estimé qu' ''à juste titre, la salariée soutient que l'employeur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour invoquer la rupture au 1er avril 2015 fondée sur l'irrégularité du transfert qui lui est imputable, de sorte que la relation contractuelle s'est poursuivie entre elle et la société Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) postérieurement à cette date'' ; que bien qu'ayant retenu que le contrat de travail de Mme [F] n'avait pas été transféré à la société ITRH et qu'il s'était poursuivi avec son employeur initial, la société Altea Asset, la cour d'appel a néanmoins considéré qu' ''en revanche, et alors que la salariée soutient que la société ITRH, ne constituait qu'une émanation de la société Altea Asset (anciennement Venedim) qui était gérée, de fait, par MM. [M], dirigeants du groupe Venedim, c'est par des motifs erronés que le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement prononcé par le mandataire liquidateur de cette société était privé d'effet et ne pouvait emporter la rupture du contrat de travail liant Mme [F] avec la société Altea Asset (anciennement Venedim), ce que confirment du reste les échanges de messages entre la salariée et ses collègues du service ressources humaines qui la renvoient à compter de l'ouverture de la procédure collective vers le mandataire liquidateur'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que Mme [F] n'avait pas donné son accord exprès au changement d'employeur et qu'elle était donc fondée à se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail avec la société Altea Asset, ce dont il résultait que la notification du licenciement pour motif économique par le mandataire liquidateur de la société ITRH - qui n'était pas devenue, en l'absence d'accord audit transfert, l'employeur de la salariée - était sans effet sur la relation de travail liant la société Altea Asset à la salariée et, en conséquence, que cette dernière était fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail la liant à la société Altea Asset, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction née de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
2°/ que le licenciement prononcé par une société tierce à la relation de travail est sans effet sur celle-ci, peu important que cette société tierce soit une coquille vide ; qu'en relevant que ''la salariée soutient que la société ITRH, ne constituait qu'une émanation de la société Altea Asset (anciennement Venedim) qui était gérée, de fait, par MM. [M], dirigeants du groupe Venedim'', pour dire que le licenciement pour motif économique prononcé par le mandataire liquidateur de la société ITRH n'était pas privé d'effet et avait emporté la rupture du contrat de travail liant Mme [F] avec la société Altea Asset, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'article 1103 du code civil ;
3°/ que le licenciement pour motif économique notifié par le mandataire liquidateur sous réserve de la reconnaissance éventuelle de la qualité de salarié de son destinataire est réputé n'avoir jamais été prononcé lorsque cette qualité est finalement déniée au salarié ; qu'en l'espèce, Mme [F] faisait valoir que la notification de son licenciement pour motif économique par le mandataire liquidateur de la société ITRH précisait expressément que ''ce courrier n'est établi que pour préserver vos droits, sous réserve de la reconnaissance éventuelle de votre statut de salarié et/ou de la réalité de votre contrat de travail'' ; qu'en retenant dès lors que le licenciement pour motif économique prononcé par le mandataire liquidateur de la société ITRH n'était pas privé d'effet et avait emporté la rupture du contrat de travail liant Mme [F] avec la société Altea Asset, cependant qu'elle constatait que l'intéressée, qui demeurait salariée de la société Altea Asset, n'était pas devenue la salariée de la société ITRH, de sorte que le licenciement notifié à titre conservatoire par le mandataire liquidateur de cette dernière était réputé n'avoir jamais été prononcé, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-15 et L. 1233-16 du code du travail, le premier en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-1388 du 31 mars 2016, le second en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 20171387 du 22 septembre 2017, ensemble les articles 1304 et 1304-6 du code civil en leurs rédactions issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
10. L'arrêt constate que la salariée soutenait que le licenciement pour motif économique prononcé par le mandataire liquidateur de la société ITRH était privé d'effet, de sorte que, son contrat de travail avec les sociétés Altea Asset et Venedim s'étant poursuivi, elle était fondée à obtenir paiement d'un rappel de salaire entre la date de ce licenciement, le 4 mai 2017, et la date de prise d'effet de la résiliation prononcée par le conseil de prud'hommes, soit celle du jugement rendu le 28 mai 2021.
11. Il ressort également de l'arrêt, d'une part, que la salariée a obtenu l'indemnisation de la perte de son emploi résultant de la rupture prononcée le 4 mai 2017, les sociétés Altea Asset et Venedim ayant été condamnées à lui payer les diverses sommes qu'elle sollicitait au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard d'une rupture appréciée au 4 mai 2017, d'autre part, qu'il est constant que la salariée, consécutivement à cette rupture, a retrouvé un emploi mieux rémunéré que le précédent, à compter de novembre 2017.
12. Il en résulte que la salariée ne peut sans se contredire au détriment des sociétés Altea Asset et Venedim, soutenir qu'il n'y a jamais eu de rupture de son contrat de travail conclu avec ces dernières pour obtenir le paiement de ses salaires du 4 mai 2017 au 28 mai 2021 et, dans le même temps, ne pas solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à ses demandes d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de travail intervenue le 4 mai 2017.
13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déboute la salariée de ses demandes en paiement de sommes à titre de rappels de salaire et congés payés afférents.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.