LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 février 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 169 F-D
Pourvois n°
A 21-13.056
B 21-13.057 JONCTION
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X] [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 mai 2021.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [P] [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 30 juin 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
1°/ La société Yoopala services, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ La société [W] et Rousselet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], représentée par M. [G] [W], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, puis d'administrateur judiciaire de la société Yoopala services,
3°/ La société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Yoopala services,
ont formé les pourvois n° A 21-13.056 et B 21-13.057 contre deux arrêts rendus le 6 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 9), dans le litige les opposant respectivement :
1°/ à Mme [X] [N], domiciliée [Adresse 7],
2°/ à Mme [P] [F], domiciliée [Adresse 8],
3°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [L] [U], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Youpadom [Localité 9],
4°/ à l'Unédic délégation CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à Pôle emploi, direction régionale d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 5],
6°/ à l'AGS, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, chacune, à l'appui de leur pourvoi, deux moyen de cassation, rédigé en termes identiques.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Yoopala services, des sociétés [W] et Rousselet et MAJ, ès qulités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Unédic délégation CGEA Ile-de-France Ouest et de l'AGS, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mmes [N] et [F], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 21-13.056 et B 21-13.057 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 6 janvier 2021), la société Yoopala services (la société) a pour activité principale la fourniture de services à la personne et d'aide à domicile.
3. L'association Yoopadom [Localité 9] (l'association) a été créée le 2 juillet 2013 par des dirigeants de la société, avec pour objet « de venir notamment en aide aux familles ainsi qu'aux personnes âgées dans leurs tâches et activités de la vie quotidienne et ce, par une assistance personnelle à leur domicile ».
4. Un certain nombre de salariées, dont Mmes [N] et [F], ont été engagées par la société au cours du second semestre 2013 puis par l'association par un contrat de travail associé à un emploi d'avenir. Par avenant à ces contrats, ces salariées ont été mises à disposition de la société pour travailler auprès des familles. Les contrats de mise à disposition ont pris fin le 1er mars 2014, à la suite de la contestation par la Direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi et des conditions de travail de l'éligibilité de l'association au dispositif emploi d'avenir et du retrait des aides publiques.
5. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de l'association le 2 octobre 2014, la société BTSG² ayant été désignée en qualité de liquidateur.
6. Se prévalant d'une situation de coemploi, les salariées ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation de leur contrat de travail aux torts exclusifs de leurs employeurs, et leur condamnation à leur payer des rappels de salaire et différentes indemnités de rupture.
7. Les salariées ont été licenciées pour motif économique par le liquidateur de l'association le 20 octobre 2014.
8. Par jugement du 16 mai 2017, un tribunal de commerce a arrêté un plan de sauvegarde de la société et a désigné la société [W] et Rousselet en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la société MJA en qualité de mandataire judiciaire.
9. Par jugement du 24 septembre 2024, un tribunal de commerce a résolu le plan de sauvegarde et a ouvert une procédure de redressement judiciaire la société [W] et Rousselet et la société MJA étant désignées respectivement en qualité d'administrateur et de mandataire judiciaire de la société.
Examen des moyens, rédigés en termes identiques
Sur les premiers moyens
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les seconds moyens
Enoncé des moyens
11. La société fait grief aux arrêts de la condamner à rembourser à l'AGS CGEA Île-de-France Ouest une somme correspondant aux avances consenties par cette dernière dans le cadre de la liquidation judiciaire de l'association au bénéfice des salariées au titre des salaires et de l'indemnité de préavis, alors :
« 1°/ que tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à dire, pour condamner la société Yoopala services à rembourser le montant des avances consenties à la salariée dans le cadre de la procédure collective de l'association Yoopadom [Localité 9], à retenir que les premiers juges ont relevé à bon droit que la société Yoopala services devait, du fait de ses relations avec l'association Yoopadom qu'elle a créée et dont elle assuré la direction opérationnelle, la gestion administrative et financière, supporter les sommes avancées par l'AGS dans le cadre de sa liquidation, sans préciser sur quel fondement juridique elle accueillait l'action de l'AGS en remboursement de sommes au paiement desquelles celle-ci avait procédé en application des dispositions des articles L. 3253-8, L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail et alors qu'il n'était pas contesté que les conditions de la mise en oeuvre de la garantie de cette dernière étaient réunies dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de l'association Yoopadom [Localité 9], la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en vertu des articles L. 3253-20 et L. 3253-16 du code du travail, l'AGS est subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances à la demande du mandataire judiciaire qui ne dispose pas des fonds disponibles pour payer les créances ; que lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le recours subrogatoire de l'AGS est limité aux créances salariales superprivilégiées visées par les articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 et aux créances résultant de la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle visées par l'article L. 3253-8, 3°, du code du travail, les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures lui étant remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure et bénéficiant des privilèges attachées à celle-ci ; qu'il résulte de ces dispositions aménageant de façon restrictive le régime du remboursement des avances de l'AGS que cette dernière ne dispose du droit d'obtenir des remboursements de ses avances qu'auprès de l'entreprise à l'encontre de laquelle a été ouverte la procédure collective, à l'exclusion de tout recours de droit commun contre une société étrangère à la procédure collective, dont la qualité d'employeur serait reconnue postérieurement à la mise en oeuvre de sa garantie ; qu'en accueillant la demande en remboursement de l'AGS-CGEA IDF Ouest dirigée contre la société Yoopala services, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-15, L. 3253-16, L. 3253-20 et L. 3253-6 du code du travail ;
3°/ qu'en vertu du principe d'autonomie des personnes morales, la société dont les dirigeants sont à l'origine de la création d'une association de la loi de 1901, régulièrement déclarée, et sur qui pèse seulement une obligation d'apporter, en vertu d'une convention de prestations de services conclue entre les deux entités, une assistance dans le domaine administratif et comptable ainsi que dans le domaine de la gestion du personnel, n'est pas tenue de remédier aux difficultés économiques de cette association ; qu'en retenant, pour condamner la société Yoopala services au remboursement à l'AGS des sommes avancées par cette dernière dans le cadre de la liquidation judiciaire de l'association Yoopadom [Localité 9] que la première aurait dû lui apporter une aide financière dans le cadre de la solidarité et des liens étroits entre elles et que l'AGS n'a pas à supporter les frais d'une situation de confusion et d'imbrication des deux entités, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni l'existence d'un comportement fautif de la société Yoopala services, ni le préjudice en résultant l'AGS, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que la société Yoopala services avait dissimulé l'embauche des salariés derrière un dispositif d'emplois aidés pour lesquels elle n'était pas éligible en créant l'association Yoopadom qui avait mis à sa disposition le personnel qu'elle avait engagé, puis qu'elle n'avait pas apporté à l'association, en difficulté financière pour payer les salariés, les aides qu'elle aurait dû, apporter compte tenu des liens étroits entre elles.
13. Elle a ensuite retenu que l'AGS n'avait pas à supporter les frais d'une telle situation de confusion et d'imbrication des deux entités.
14. En l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressortait que l'action engagée par l'AGS et le CGEA Île-de-France Ouest était fondée sur la responsabilité extra-contractuelle de la société et que celle-ci avait mis en place un montage juridique lui permettant, par le truchement d'une association créée à cet effet, de bénéficier frauduleusement des subventions de l'Etat, la suppression de ces subventions ayant entraîné la déconfiture de l'association et la mise en jeu de la garantie de l'AGS, la cour d'appel qui a ainsi caractérisé la faute de la société et le préjudice en résultant pour l'AGS, a légalement justifié sa décision.
15. Les moyens ne sont donc pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Yoopala services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Yoopala services à payer à l'AGS et à l'Unédic-CGEA Île-de-France Ouest la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.