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25/02/2025 | FRANCE | N°C2500200

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 février 2025, C2500200


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° S 23-84.563 F-D


N° 00200




LR
25 FÉVRIER 2025




CASSATION




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 FÉVRIER 2025






M. [T]

[V], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 16 mai 2023, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. [S] [P] du chef de diffamation publique envers une personne cha...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° S 23-84.563 F-D

N° 00200

LR
25 FÉVRIER 2025

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 FÉVRIER 2025

M. [T] [V], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 16 mai 2023, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. [S] [P] du chef de diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SARL Gury et Maitre, avocat de M. [T] [V], les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [S] [P], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [T] [V], maire de la commune d'[Localité 1], a, le 22 février 2022, fait citer à comparaître M. [S] [P], conseiller municipal, membre de la liste d'opposition, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à la suite de la publication, les 12 janvier et 9 février 2022, sur le compte Facebook du groupe d'opposition à la mairie, de deux articles comportant, pour le premier, des extraits de deux comptes budgétaires de la commune, sous les intitulés « frais de représentation du maire » et « frais de mission du maire », imputant ces dépenses à ce dernier, dénonçant le manque de transparence budgétaire de la commune et affirmant, dans le second article, que l'argent public était employé pour financer les frais de déplacement et de mission du maire pour un montant total de 220 000 euros annuels, soit plus de 1,3 million d'euros pour le mandat en cours, montant excessif au regard de la situation financière de la commune.

3. Par jugement du 13 juillet 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [P] coupable du chef susvisé et l'a condamné à 1 000 euros d'amende dont 500 euros avec sursis.

4. M. [P], puis le ministère public, ont interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. [P] des fins de la poursuite et a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes sur l'action civile, alors :

« 1°/ que la base factuelle, critère de la bonne foi de l'auteur de propos diffamatoires dans le débat public, ne peut être jugée à la fois suffisante et inexacte ; qu'ayant constaté que le prévenu, conseiller municipal d'opposition, avait imputé au maire d'excessifs frais de représentation et de mission pourtant identifiés dans le texte diffamatoire lui-même par leurs nomenclatures budgétaires comme étant, d'une part des indemnités pour le personnel de la commune et d'autre part, des indemnités d'élus votés par le conseil municipal, la cour d'appel a violé les articles 23, 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ au demeurant que les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire et que cette présomption n'est détruite que lorsque les juges du fond s'appuient sur des faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi ; qu'ayant constaté que les propos reprochés au prévenu étaient « constitutifs d'une diffamation », en jugeant que « La défense fait valoir que les sommes avancées correspondent bien à des frais de mission et des indemnités qui représentent une somme globale d'environ 220 000 ¿ et que les articles interpellaient la majorité sur l'utilisation et la justification de ces sommes. Il ne peut être contesté que les chiffres repris dans les textes litigieux correspondent à une réalité budgétaire et à des dépenses liées à des frais ou à des indemnités. Quand bien même les textes attribuent au maire le bénéfice exclusif de ces sommes, ce qui est inexact, ils reposent bien sur une base factuelle, qui prise dans le contexte d'un combat politique au sein d'une municipalité, apparaît suffisante pour légitimer une polémique qui ne dépasse pas l'exercice de la liberté d'expression », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de la présomption d'intention de nuire qu'elle avait posée, a violé les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

7. Pour relaxer le prévenu au bénéfice de la bonne foi, l'arrêt attaqué énonce que les ingérences à la liberté d'expression doivent être particulièrement rares dans le domaine politique, les limites de la critique admissible étant plus larges à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier, lorsqu'ils s'inscrivent dans un débat d'intérêt général.

8. Les juges ajoutent que la bonne foi ne doit pas être confondue avec l'exception de vérité mais qu'il est exigé que les propos reposent sur une base factuelle suffisante.

9. Ils relèvent que les propos litigieux, qui portent sur la question des dépenses de l'argent public de la commune, sujet d'intérêt général, s'inscrivent dans le cadre d'un débat politique communal, le prévenu faisant partie de la liste d'opposition au maire et les textes ayant été diffusés sur une page Facebook de l'opposition politique.

10. Ils observent qu'il n'existe pas d'animosité particulière entre les parties et que les propos, s'ils sont exprimés sur un ton vif, ne sont pas excessivement agressifs ou déplacés.

11. Ils énoncent encore que, si les chiffres repris dans les propos litigieux sont, de façon inexacte, attribués au bénéfice exclusif du maire, ils reposent néanmoins sur une base factuelle, puisqu'ils correspondent à une réalité budgétaire et à des dépenses liées à des frais ou des indemnités, laquelle, prise dans le contexte d'un combat politique au sein d'une municipalité, apparaît suffisante pour légitimer une polémique qui ne dépasse pas l'exercice de la liberté d'expression qui doit être largement appréciée dans ce domaine.

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, n'a pas justifié sa décision.

13. En effet, ayant constaté, à juste titre, que le prévenu avait dénaturé les informations publiées, et notamment les intitulés exacts des comptes budgétaires, ce qui ne pouvait qu'être volontaire, alors qu'il était conseiller municipal, avait accès au budget de la commune et participait à son vote, elle ne pouvait, sans se contredire, lui reconnaître le bénéfice de la bonne foi.

14. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 16 mai 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500200
Date de la décision : 25/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 16 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 fév. 2025, pourvoi n°C2500200


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Gury & Maitre, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500200
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