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12/02/2025 | FRANCE | N°52515003

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 février 2025, 52515003


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Demande d'avis
n°U 24-70.010


Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris








AJ1










Avis du 12 février 2025






n° 15003 B
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


COUR DE CASSATION
_________________________


Chambre sociale




Vu les articles L. 441-1 e

t suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile :


Énoncé de la demande d'avis


1. La Cour de cassation a reçu, le 21 novembre 2024, une demande d'avis formée le 12 novembre 2024 par le président d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Demande d'avis
n°U 24-70.010

Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris

AJ1

Avis du 12 février 2025

n° 15003 B

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Chambre sociale

Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile :

Énoncé de la demande d'avis

1. La Cour de cassation a reçu, le 21 novembre 2024, une demande d'avis formée le 12 novembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements de [Localité 1] et de [Localité 3] et le syndicat Sud activités postales Hauts-de-Seine à la société La Poste.

2. La demande est ainsi formulée :
« L'article L. 4132-4 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, donne-t-il pouvoir au juge judiciaire pour statuer en cas de divergence entre l'employeur et la majorité des membres du CHSCT sur la réalité d'un danger grave et imminent ? ».

La SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret a déposé des observations écrites pour la société La Poste ;

La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Ott, conseiller, et les conclusions de Mme Canas, avocat général, entendu en ses observations orales.

Examen de la demande d'avis

3. Les articles L. 4131-2 et L. 4132-2 à L. 4132-4 du code du travail sont demeurés applicables à La Poste.

4. Aux termes de l'article L. 4131-2 du code du travail, le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l'article L. 4132-2.

5. Aux termes de l'article L. 4132-2 du code du travail, lorsque le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail alerte l'employeur en application de l'article L. 4131-2, il consigne son avis par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire. L'employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.

6. Selon l'article L. 4132-3 du même code, en cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l'installation, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni d'urgence, dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures. L'employeur informe immédiatement l'inspecteur du travail, désormais l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et l'agent du service de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie, qui peuvent assister à la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

7. L'article L. 4132-4 du code du travail dispose qu'à défaut d'accord entre l'employeur et la majorité du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est saisi immédiatement par l'employeur. L'inspecteur du travail met en oeuvre soit l'une des procédures de mise en demeure prévues à l'article L. 4721-1, soit la procédure de référé prévue aux articles L. 4732-1 et L. 4732-2.

8. Pour répondre à la demande d'avis, il convient de se reporter à l'objet des demandes dont est saisi le juge des référés du tribunal judiciaire dès lors que le danger grave et imminent, sur l'existence duquel il est invité par les parties à se prononcer, ne constitue, en vertu des dispositions précédemment citées, que le fondement juridique des différents chefs de demandes.
9. Ainsi la Cour de cassation juge par ailleurs que le critère principal de détermination du délai de prescription tient à l'objet de la demande dans la mesure où la distinction entre les prescriptions biennale et triennale repose sur le point de savoir si l'objet de la demande porte sur des droits acquis en contrepartie du travail ou s'ils ont une autre nature, la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée (Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 18-23.932, publié ; Soc., 30 juin 2021, pourvois n° 20-12.960, 20-12.962, publié ; Soc., 30 juin 2021, pourvoi n° 19-10.161, publié ; Soc., 23 juin 2021, pourvoi n° 18-24.810, publié ; Soc., 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-10.439, publié ).

10. En l'espèce, le juge des référés du tribunal judiciaire a été saisi par les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements de [Localité 1] et de [Localité 3] et le syndicat Sud activités postales Hauts-de-Seine, sur le fondement des articles L. 4121-1 et suivants, L. 4131-1 et suivants, L. 4132-4 du code du travail et des articles 834 et 835 du code de procédure civile, afin d'une part, de commettre un bureau d'étude spécialisé en structure de bâtiments, avec pour mission d'apprécier la capacité portante des dalles des planchers de locaux situés à [Localité 4], au regard du projet de délocalisation des sites du SOTI et de [Localité 2] sur le site d'accueil de [Localité 4], d'autre part, d'ordonner, sous astreinte, à la société La Poste de suspendre la délocalisation des agents relevant de ces deux sites sur celui de [Localité 4] dans l'attente des conclusions du bureau d'étude commis et du respect des éventuelles mesures qui découleraient de ses conclusions.

11. En premier lieu, s'agissant de la demande tendant à commettre un bureau d'étude spécialisé en structure de bâtiments, qui s'analyse en une demande d'expertise, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dispose de la prérogative légale de décider d'une expertise pour risque grave constaté dans l'établissement sur le fondement de l'article L. 4614-12,1°,du code du travail, demeuré applicable à La Poste. Les contestations par l'employeur de la nécessité de l'expertise, du choix de l'expert, du coût prévisionnel, de l'étendue ou la durée de l'expertise sont de la seule compétence du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.

12. Il en résulte que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'est pas recevable à solliciter du juge judiciaire statuant en référé une mesure d'expertise sur le fondement de l'article L. 4132-4 du code du travail.

13. Il en résulte également qu'une organisation syndicale n'est pas recevable dans sa prétention tendant à exercer une prérogative propre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, quand bien même elle invoquerait au nom de l'intérêt collectif de la profession le fondement juridique de la procédure d'alerte pour danger grave et imminent.
14. En second lieu, la demande en suspension, sous astreinte, de la délocalisation des agents relevant de deux sites de La Poste sur le site de [Localité 4], s'analyse en une demande tendant à suspendre la mise en oeuvre d'un projet de réorganisation. A cet égard, les articles L. 4732-1 et L. 4732-2 du code du travail, auxquels renvoie l'article L. 4132-4, prévoient des mesures qui peuvent être décidées par le juge judiciaire statuant en référé et notamment l'arrêt temporaire d'une activité.

15. En effet, selon l'article L. 4732-1, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation notamment des dispositions du Titre III du Livre Ier, dont celles consacrées aux droits d'alerte et de retrait, et le juge peut également ordonner la fermeture temporaire d'un atelier ou chantier.

16. Il résulte toutefois de la combinaison des articles L. 4132-4 et L. 4732-1 du code du travail que, si l'objet de la demande de suspension du projet de réorganisation entre dans le champ des mesures susceptibles d'être ordonnées par le président du tribunal judiciaire statuant en référé, celui-ci ne peut être saisi, en application de l'article L. 4132-4, que par l'inspecteur du travail. Si tel est le cas, le juge judiciaire peut se prononcer sur l'existence d'un danger grave et imminent.

17. En revanche, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le juge des référés peut être saisi sur le fondement des dispositions de droit commun des articles 834 et 835 du code de procédure civile, au titre de l'obligation de sécurité instaurée par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. (Soc., 7 décembre 2016, pourvoi n° 15-16.769, Bull. 2016, V, n° 235 ; Soc., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-13.887, publié). Il en résulte que le juge des référés peut ordonner notamment la suspension d'une mesure constituant un risque de danger grave et imminent. Il lui appartient à cet égard d'apprécier si les conditions exigées par les articles 834 ou 835 du code de procédure civile sont réunies.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

EST D'AVIS QUE :

Le juge judiciaire ne peut être saisi, en application de l'article L. 4132-4 du code du travail, que par l'inspecteur du travail. Si tel est le cas, le juge judiciaire peut se prononcer sur l'existence d'un danger grave et imminent.

Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 12 février 2025, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 5 février 2025 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Ollivier, Arsac-Ribeyrolles, conseillers référendaires, Mme Canas, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52515003
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Avis sur saisine

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Paris, 12 novembre 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 fév. 2025, pourvoi n°52515003


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52515003
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