LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Cassation partielle
sans renvoi
M. SOMMER, président
Arrêt n° 153 FS-B
Pourvoi n° V 23-19.821
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025
1°/ M. [F] [E], domicilié [Adresse 4], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vortex,
2°/ M. [W] [H], domicilié [Adresse 2],
agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vortex,
ont formé le pourvoi n° V 23-19.821 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [J] [L], domicilié [Adresse 3],
2°/ à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de MM. [E] et [H], ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 juin 2023), M. [L] a été engagé en qualité de conducteur accompagnateur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite en période scolaire, à compter du 28 novembre 2011, par la société Vortex (la société), suivant contrat de travail soumis à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 13 juin 2016 de demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail.
3. Par jugement du 29 avril 2020, la société a été placée en liquidation judiciaire et MM. [E] et [H] ont été désignés en qualité de liquidateurs.
4. L'AGS CGEA de [Localité 5] a été appelée à la cause.
5. Le salarié a été licencié le 28 août 2020.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième et quatrième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. Les liquidateurs judiciaires font grief à l'arrêt de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société une certaine somme au titre des prélèvements indus de cotisation mutuelle, alors « qu'aucun salarié employé dans une entreprise avant la mise en place, à la suite d'une décision unilatérale de l'employeur, d'un système de garanties collectives contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, ne peut être contraint à cotiser contre son gré à ce système ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Vortex avait mis en place une mutuelle complémentaire en application de l'article 3 de l'accord du 24 mai 2011 instaurant une obligation conventionnelle de souscrire une complémentaire santé minimum par les entreprises de transport routier de voyageurs ; qu'en faisant dès lors application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1989, qui n'ont vocation à s'appliquer qu'en cas de mise en place d'un système de garantie résultant d'une décision unilatérale de l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1989, ensemble l'article 3 de l'accord du 24 mai 2011. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 11 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, 3 de l'accord du 24 mai 2011 relatif à la prévoyance, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et 1er de l'arrêté du 18 juin 2012 portant extension de cet accord :
8. Aux termes du premier de ces textes, aucun salarié employé dans une entreprise avant la mise en place, à la suite d'une décision unilatérale de l'employeur, d'un système de garanties collectives contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ne peut être contraint à cotiser contre son gré à ce système.
9. Selon le troisième, sont rendues obligatoires, dans les entreprises de transport routier de voyageurs, les dispositions de l'accord du 24 mai 2011 instaurant une obligation conventionnelle de souscrire à une complémentaire santé minimum dans les entreprises de transport routier de voyageurs.
10. Selon le deuxième, pour la mise en place du régime obligatoire de remboursements complémentaires de frais de soins de santé ou pour chaque renouvellement du contrat, le choix de l'organisme assureur est laissé à la libre appréciation de chaque entreprise après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel lorsqu'ils existent.
11. Le défaut d'information-consultation des institutions représentatives du personnel, qui peut être sanctionné par ailleurs selon les règles régissant le fonctionnement de ces institutions, n'a pas pour effet d'entraîner l'inopposabilité, aux salariés, d'une clause de l'accord collectif mise en oeuvre en l'absence de consultation de ces institutions.
12. Pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société une créance au profit du salarié au titre de prélèvements indus de cotisation mutuelle, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1989, énonce qu'il incombe au liquidateur de rapporter la preuve que l'intéressé a donné son accord pour être affilié à la mutuelle choisie unilatéralement par l'employeur alors que l'article 3 de l'accord du 24 mai 2011, instaurant une obligation conventionnelle de souscrire une complémentaire santé minimum par les entreprises de transport routier de marchandises, lui imposait de recueillir d'abord l'avis du comité d'entreprise. Il constate que tel n'a pas été le cas et retient que les prélèvements litigieux étaient indus.
13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'obligation de mise en place d'une protection sociale complémentaire résultait de l'accord collectif de branche du 24 mai 2011 et non d'une décision unilatérale de l'employeur, ce dont elle aurait dû déduire que, nonobstant le défaut de consultation des institutions représentatives du personnel, lequel n'avait pas pour effet de rendre ledit accord inopposable aux salariés, la protection sociale complémentaire s'imposait au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
16. La cassation prononcée est sans incidence sur les chefs de dispositif statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sont justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Vortex, au profit de M. [L], la somme de 1 288,66 euros au titre des prélèvements indus de cotisation mutuelle, l'arrêt rendu le 13 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. [L] de sa demande au titre des prélèvements indus de cotisation mutuelle ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être inscrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.