LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 90 F-B
Pourvoi n° P 23-22.414
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 FÉVRIER 2025
1°/ M. [O] [X], domicilié [Adresse 1],
2°/ la société MJM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 23-22.414 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société So Ca Sport, société par actions simplifiée, dont le siège est chez City Sport, [Adresse 3],
2°/ à la société City Sport, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [X] et de la société MJM, de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés So Ca Sport et City Sport, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,19 septembre 2023) et les productions, le 12 juin 1997, M. [D] et la société Diffusion électronique catalane (la société DEC), d'une part, M. [X] « tant pour son compte personnel que pour celui de tout tiers de son choix », d'autre part, ont conclu un protocole prévoyant que M. [X] deviendrait associé de la société DEC en réalisant un apport en numéraire et qu'il effectuerait en outre un apport en compte courant.
2. Le 12 août 1997, la société MBM a, en exécution de ce protocole, effectué deux virements sur le compte de la société DEC.
3. Une assemblée générale de la société DEC du 26 août 1997 a agréé, en qualité d'actionnaires, M. [X] et la société MBM, devenue ultérieurement la société MJM. Le procès-verbal de cette assemblée a été annulé par une assemblée générale du 12 février 1998. Ces deux assemblées ont été annulées respectivement par des arrêts irrévocables des 19 mai 2005 et 21 novembre 2000.
4. Lors d'une assemblée générale du 25 juin 2018, les associés de la société MJM ont décidé de reprendre tous les actes et engagements souscrits en son nom préalablement à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
5. Le 30 décembre 2020, M. [X] et la société MJM ont assigné les sociétés So Ca Sport et City Sport, venant aux droits de la société DEC, aux fins principalement de voir déclarer repris les engagements souscrits pour le compte de la société MJM avant son immatriculation par l'assemblée générale du 25 juin 2018 et condamner la société So Ca Sport à leur payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société MJM et M. [X] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de reprise des engagements de la société MJM stipulée dans l'assemblée générale de la société MJM du 25 juin 2018, de dire que les décisions de cette assemblée sont inopposables à la société So Ca Sport, de rejeter l'ensemble de leurs demandes relatives à la reprise des engagements de la société MJM et leur demande de condamnation de la société So Ca Sport à leur payer une certaine somme à titres de dommages et intérêts, alors :
« 1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans un dispositif ; qu'en retenant, pour écarter la demande tendant à la reconnaissance de la reprise, par la société MJM,
du protocole d'accord conclu entre M. [X] et la société DEC, et à l'indemnisation du préjudice subi par M. [X] et la société MJM du fait de
l'inexécution de ce protocole par la société DEC, qu'il avait été jugé par deux
décisions "irrévocables" que les virements étaient intervenus sur ordre de cette société, alors inexistante, de sorte qu'ils seraient nuls, cependant que ces deux décisions n'avaient pas tranché, dans leur dispositif, les questions relatives à la validité et à l'auteur des virements et du protocole d'accord, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°/ que les actes conclus au nom ou pour le compte d'une société en formation peuvent être repris par celle-ci ; qu'en retenant, pour écarter la demande tendant à la reconnaissance de la reprise du protocole d'accord conclu entre M. [X] et la société DEC, par la société MJM et à l'indemnisation du préjudice subi par cette société du fait de l'inexécution de ce protocole par la société DEC, que cette société était inexistante lorsqu'elle avait ordonné les deux virements en exécution du protocole d'accord litigieux, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que le protocole d'accord n'aurait pas été conclu au nom et pour le compte de la société MJM, a violé les articles 1843 du code civil et L. 210-6 du code de commerce ;
3°/ que le juge doit apprécier, sans s'arrêter aux mentions formelles de l'acte et en procédant à un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation ; qu'en retenant, pour écarter la demande tendant à la reconnaissance de la reprise, par la société MJM, du protocole d'accord conclu entre M. [X] et la société DEC, et à l'indemnisation du préjudice subi par M. [X] et la société MJM du fait de l'inexécution de ce protocole par la société DEC, que "cette société [MJM] n'est pas identifiée en tant que tiers pour le compte et au nom duquel M. [X] aurait agi" en concluant le protocole d'accord, cependant qu'il lui fallait rechercher si, compte tenu de ce que M. [X] s'était réservé la faculté de se substituer tout tiers de son choix et que la société MJM avait procédé aux virements et était intervenue à l'assemblée générale de la société DEC ayant pris acte de l'entrée au capital de M. [X] et de la société MJM, la commune intention des parties était que le protocole d'accord soit repris par cette société, la cour d'appel a violé les articles 1843 du code civil et L. 210-6 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, la cour d'appel ne s'est fondée ni sur l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 22 juin 2017 et à l'arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2020, ni sur le fait que les virements du 12 août 1997 avaient été ordonnés par une société inexistante pour rejeter les demandes tendant à la reconnaissance de la reprise, par la société MJM, du protocole du 12 juin 1997 et à l'indemnisation du préjudice subi par M. [X] et la société MJM du fait de l'inexécution de ce protocole, mais sur la circonstance que le protocole avait été signé par M. [X], tant pour son compte personnel que pour tout tiers de son choix, qu'il se réservait la faculté de substituer.
9. En second lieu, ayant relevé, par motifs adoptés, que le protocole du 12 juin 1997 avait été signé par M. [X], tant pour son compte personnel que pour tout tiers de son choix qu'il se réservait la faculté de substituer, ce dont il résultait de façon claire et dépourvue d'ambiguïté ou d'équivoque que la commune intention des parties était que cet acte ne fût pas conclu au nom ou pour le compte d'une quelconque société en formation dépourvue à cette date de la personnalité juridique, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la troisième branche.
10. Le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MJM et M. [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MJM et M. [X] et les condamne à payer aux sociétés So Ca Sport et City Sport la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du douze février deux mille vingt-cinq et signé par M. Ponsot, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller référendaire rapporteur et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.